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Le futur de l’urbanisme commence à Chenôve

Urbanisme. Évoqué depuis 2018, le projet Grands Vergers du Sud entre Dijon Sud et Chenôve refait surface puisqu’il est l’un des 74 lauréats nationaux du plan de transformation des zones commerciales. Beaucoup plus ambitieux qu’à ses débuts, il s’agit d’un vaste programme de requalification urbaine à portée tout autant sociologique qu’écologique, portant sur 104 hectares, avec à terme 3.000 à 6.000 logements à l’horizon... 2050, voire au-delà.

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  • Capture d'écran du visuel non contractuel du projet Vergers du Sud
    C’est également dans cet état d’esprit que la Splaad et la commune de Chenôve et la métropole dijonnaise oeuvrent pour faire émerger le futur quartier qui deviendra l’entrée sud de la métropole. (Crédit : Capture d’écran du ministère de l’Économie et des Finances/PCA Stream)
  • Capture d'écran du visuel non contractuel du projet Vergers du Sud
    Repenser l’offre commerciale, rendre des sols à la nature, favoriser les mobilités douces et la qualité de vie... : tel est l’esprit du plan national de transformation des zones commerciales, dont on voit ici une projection de studio (non contractuelle et non située à Chenôve puisqu’il n’existe à ce jour aucun visuel du projet Vergers du Sud). (Crédit : Capture d’écran du ministère de l’Économie et des Finances/PCA Stream.)

C’est, partant du sud de Dijon et filant vers Chenôve de part et d’autre de l’avenue Roland-Carraz, un triste exemple de ce que deux journalistes de Télérama baptisèrent en 2010 « la France moche » : enchaînement de ronds-points, enchevêtrements de rues irrigant des zones commerciales, panneaux publicitaires à foison et quelques malheureux arbres et buissons... Mais c’est aussi un espace économique majeur avec des poids-lourds de l’industrie pharmaceutique (Urgo, Adhex Pharma, CordenPharma), trois centres commerciaux, des artisans, des restaurants, des banques, des concessionnaires automobiles... et des habitants.

Un écosystème à préserver donc, mais en en revoyant totalement la structure, les usages et, à terme, la sociologie : tel est le grand dessin du projet « Grands Vergers du Sud » dont on reparle aujourd’hui puisqu’il fait partie des 74 lauréats nationaux du plan de transformation des zones commerciales qui la doté à cette occasion de 75.000 euros pour des études d’ingénierie.

Outre ce volet spécifique, Vergers du Sud consiste en un vaste projet de requalification urbaine portant sur 104 hectares et au moins trois décennies, expliquent de concert Pierre Pribetich, 1er vice-président de Dijon Métropole et président du conseil d’administration de la Société publique locale aménagement de l’agglomération dijonnaise (Splaad) et Thierry Falconnet, maire de Chenôve et 2e vice-président. « Chenôve comme Dijon ont confié une mission d’étude à la Splaad pour penser l’aménagement de l’opération, explique Pierre Pribetich, dans un aménagement qui prévoit la requalification du sol et l’ensemble de l’espace avec une ambition paysagère, pour redonner une perspective qualitative au sud de Dijon avec cette idée de rejoindre les Climats de Bourgogne, patrimoine immatériel de l’Unesco. On essaye de relever un défi, celui du droit à la nature. » Une entrée « qui de l’avis général n’est pas à la hauteur actuellement des enjeux d’attractivité, du label Unesco des Climats et de l’axe entre les deux cités œnotouristiques que sont Dijon et Beaune », constate Thierry Falconnet.

Donner le temps

L’idée sera, au fil du temps - et cette donnée du « temps long » est primordiale - de repenser de manière globale « et novatrice », appuie Pierre Pribetich, ce vaste espace qui englobe le linéaire Carraz et ses périphériques, en maintenant l’activité économique - en incluant donc les acteurs économiques actuels dans les discussions - tout en s’inscrivant dans les enjeux induits par le dérèglement climatique et la réglementation (loi ZAN) : débitumisation, création d’îlots de fraîcheur, problématiques de mobilité (une possible extension de la ligne T2 du tram prend alors tout son sens). « On va entrer dans la phase de dialogue compétitif avec plusieurs agences quant aux propositions d’aménagement vis-à-vis de ce cahier des charges, détaille Thierry Falconnet qui rappelle que dans cet univers très artificialisé, la question de la protection de la nappe phréatique Sud de l’agglomération dijonnaise est d’une brûlante acuité.

Rééquilibrage sociologique

L’autre enjeu est sociologique. Chenôve, commune populaire, avec son quartier du Mail classé en Quartier politique de la Ville, théâtre récent d’opérations des forces de l’ordre dans le cadre de « Place nette » contre les trafics de stupéfiants, a un enjeu de mixité sociale qu’un tel projet de requalification urbaine pourrait aider à aborder. « Ce n’est pas un objectif parmi les moindres que d’assumer l’accueil de nouvelles populations, affirme Thierry Falconnet. Il y a un enjeu de constructions de logements - on parle de 3.000 à 6.000 logements à terme sur l’ensemble du projet, ndlr -, en sachant qu’à Chenôve, on a déjà 44% de logements à loyer modéré, le mouvement enclenché à Chenôve est un mouvement de rééquilibrage sociologique en amenant une nouvelle population sur la ville à travers une offre de logements neufs en accession à la propriété aidée ou libre. »

Cette volonté ne pourra être réussie qu’en concertation avec les résidents et également en cernant les besoins des nouveaux habitants, notamment en termes de services publics ; rappelons que Chenôve appelle de ses vœux la réimplantation d’une clinique sur son territoire. Enfin, un tel projet repose aussi sur le postulat d’un changement assez radical des usages quotidiens, dont l’abandon progressif des achats en hypermarchés au profit d’autres modes de consommation.

Maîtrise foncière obligatoire

Afin d’éviter les opportunismes et la spéculation, « il y a une alerte absolue sur l’ensemble du foncier souhaitée, prévient Pierre Pribetich (trois délibérations, deux par les conseils municipaux de Chenôve et Dijon, une par la métropole dijonnaise en attestent, ndlr). L’idée est d’avoir vraiment un aménagement responsable d’un point de vue écologique pour assurer une forme de transition vers un univers plus végétal. C’est vraiment une volonté de maîtriser publiquement les choses : nous avons notamment une stratégie de préemption en cas de vente qui ne fera pas forcément que des heureux mais il faut le savoir et publiquement nous le disons : cet aménagement est un aménagement public d’intérêt général et l’intérêt particulier doit s’effacer devant l’intérêt général ».

« Ce ne sera pas une mutation brutale, nuance le maire de Chenôve. 3.000 à 6.000 logements, c’est dans les trente années à venir ! On veut quelque chose de paisible, d’organisé, de maîtrisé. Je ne suis pas de ceux qui pensent que le marché peut réguler : l’élément régulateur c’est la puissance publique, c’est la métropole, c’est la commune, ce sont les outils de concertation que l’on va mettre en place car on ne pourra pas faire un projet de cette ampleur sans la population. On est dans la vision de la ville du futur : nous construisons, aujourd’hui, la ville de demain ».