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Abandon de poste et démission présumée

Droit social. Un abandon de poste, ou absence injustifiée sans reprise du travail, est considéré comme une démission. L’employeur la fait constater au terme d’une procédure simple.

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Photo d'un bureau de travail
(Crédit : Pixabay)

L’abandon de poste par un salarié se caractérise par une absence sans justification légitime, soit qu’il ne se présente plus à son poste de travail, soit qu’il quitte volontairement son poste sans reprendre le travail. Cette situation place l’employeur face à des difficultés d’organisation du travail et lui imposait jusqu’à présent une procédure disciplinaire voire une procédure de licenciement pour faute.

Alors que l’indemnisation de l’assurance chômage est subordonnée au caractère involontaire de la cessation d’emploi, le licenciement permettait au salarié de bénéficier des indemnités qu’il n’aurait pas pu percevoir s’il avait démissionné.

Le salarié se dispensait aussi de respecter le préavis de démission. La loi marché du travail du 21 décembre 2022 a institué une procédure de présomption de démission à l’encontre du salarié qui abandonne volontairement son poste sans justification (code du travail, article L 1237-1-1). Cette disposition est entrée en vigueur le 19 avril 2023 à la suite de la publication du décret d’application.

Procédure à respecter

Le salarié qui a abandonné son poste et ne reprend pas le travail peut continuer à faire l’objet d’une procédure disciplinaire ou d’un licenciement pour faute. Il peut aussi être considéré par l’employeur comme démissionnaire. L’employeur doit alors respecter la procédure de présomption de démission.

L’employeur adresse au salarié une demande écrite de justifier son absence et de reprendre son poste. La lettre doit être envoyée en recommandée avec avis de réception ou remise en main propre contre décharge signée et datée par le salarié. La lettre doit être une mise en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste dans un délai fixé par l’employeur.

Ce délai ne peut pas être inférieur à quinze jours calendaires (y compris les jours de repos, jours fériés ou chômés). Le délai court à dater du jour de présentation de la lettre recommandée ou de remise en main propre contre décharge.

Il est recommandé que la mise en demeure précise les modalités de la procédure de présomption de démission pour permettre au salarié de prendre conscience des conséquences de son refus de reprendre son poste, notamment l’absence d’indemnisation du chômage.

Aucun délai n’est fixé pour l’envoi de la mise en demeure mais on peut considérer qu’une première journée d’absence non justifiée autorise l’envoi de la lettre dès la deuxième journée d’absence.

Attitude du salarié

Si le salarié reprend le travail à son poste dans le délai imparti, le contrat de travail se poursuit normalement et il n’est plus possible de poursuivre la procédure de présomption de démission. Il en serait de même pour un salarié qui reprendrait le travail un jour ou quelques heures avant de nouvelles absences.

En ce cas, la démission ne pourrait être présumée mais les absences constitueraient une faute susceptible de justifier une sanction disciplinaire ou un licenciement. Si le salarié reprend le travail après le délai fixé dans la mise en demeure, il est considéré comme démissionnaire. Le contrat de travail est rompu de son fait.

Le délai expire le lendemain du terme fixé dans la mise en demeure. Si le salarié reprend néanmoins le travail avec l’accord de l’employeur, un nouveau contrat de travail doit être considéré comme conclu. On peut conseiller à l’employeur qui souhaite mettre fin au contrat initial d’adresser au salarié un courrier lui interdisant de reprendre son poste puisqu’il est légalement considéré comme démissionnaire.

Si le salarié ne répond pas et ne reprend pas le travail dans le délai imparti, il est considéré comme démissionnaire sans avoir effectué de préavis. Le préavis de démission commence au lendemain de l’expiration du délai fixé dans la mise en demeure. La durée du préavis est fixée par la convention collective, un accord d’entreprise, le contrat de travail, ou à défaut par les usages pratiqués dans la localité ou la profession. La convention collective peut prévoir que le salarié est libéré de son préavis lorsqu’il a trouvé un autre emploi.

Si le salarié souhaite exécuter son préavis, l’employeur ne peut s’y opposer sauf à le dispenser de l’exécuter. L’employeur n’a pas intérêt à le dispenser du préavis de démission auquel cas il serait tenu de verser l’indemnité compensatrice. L’inexécution du préavis à l’initiative du salarié peut au contraire justifier le versement d’une indemnité à l’employeur (en saisissant les prud’hommes ou en demande reconventionnelle à une action du salarié).

Le salarié répond sans se justifier Il est possible que, dans le délai imparti, le salarié réponde à la mise en demeure, ou reprenne le travail, sans justifier son absence ou en évoquant un motif mais sans y apporter de justificatif. En ce cas, la présomption de démission ne devrait pas jouer.

En revanche, son absence peut constituer un motif disciplinaire ou de licenciement. À défaut de justificatif de l’absence, on peut conseiller à l’employeur d’adresser au salarié une nouvelle mise en demeure d’apporter les justificatifs nécessaires. Faute de réponse, la procédure de présomption de démission devrait pouvoir être poursuivie.

Le salarié peut justifier une absence sans autorisation de l’employeur par différents motifs listés à l’article R1237-13 du code du travail :

  • Absence pour maladie, consultation d’un médecin ;
  • Modification du contrat de travail à l’initiative de l’employeur et refusée par le salarié ;
  • Refus du salarié d’exécuter une instruction contraire à une réglementation ;
  • Exercice du droit de retrait ;
  • Grève.

La procédure de présomption de démission ne peut plus se poursuivre. Ces motifs ne sont pas exhaustifs. Le salarié pourrait ainsi invoquer un manquement par l’employeur de ses obligations ou une prise d’acte de la rupture du contrat par l’employeur. Si l’employeur estime que le motif est légitime et les justificatifs probants, la procédure de présomption de démission doit être abandonnée.

Saisine du conseil des Prud’hommes

Le salarié peut contester la procédure ou l’appréciation du motif de son absence par l’employeur en saisissant le conseil de prud’hommes. L’affaire est directement portée devant le bureau de jugement. Le conseil de prud’hommes doit statuer au fond dans le mois de sa saisine. Il se prononce sur la nature de la rupture du contrat (démission ou licenciement) et sur ses conséquences. La présomption de démission est une présomption simple qui peut être combattue par le salarié. Le salarié peut invoquer une faute de l’employeur, justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail ou une prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Décret 2023-275 du 17 avril 2023,. code du travail, article L1237-1-1 et R1237-13