André Vaquero
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André Vaquero

Globe-trotter culinaire.

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Photo d'André Vaquero
À la tête d’un restaurant primé d’un Bib Gourmand, André Vaquero est répertorié comme une valeur sûre de la gastronomie ardennaise. (Crédit : PR)

« À travers ce métier, j’ai voulu transmettre ma passion, faire plaisir aux gens en leur faisant découvrir des saveurs et en sublimant les goûts. Depuis tout jeune, j’aime travailler les ingrédients au fil des saisons, me rendre dans la nature pour cueillir des champignons et aller à la pêche. Dès l’âge de 8 ans, j’ai su que je me retrouverais un jour dans la restauration. » Patron depuis 2005 de l’Auberge du Laminak [1] avec sa femme, Florence, André Vaquero concocte une cuisine aux accents du sud-ouest.

« Avec huile d’olive, graisse de canard, assortiment de foie gras, tomates, poivrons, champignons et poisson. Une cuisine simple revisitée au goût du jour. J’allie à la fois des produits locaux et de chez moi comme le kintoa, le veau de race basque, le piment d’Espelette et les vins de là-bas que je fais découvrir à ma clientèle. » Fils d’une femme de ménage et d’un employé municipal biarrot, André Vaquero a d’abord suivi une scolarité classique jusqu’en classe de 3e. « J’ai rejoint le monde du travail à 16 ans en travaillant comme apprenti cuisinier chez Arnaud Daguin, au restaurant « Les Platanes », qui a décroché une étoile deux ans plus tard. »

New York à 19 ans

Au terme de cette première mission et après avoir un moment exercé à Auch chez Arnaud Daguin, le Basque est envoyé par son maître d’apprentissage à New-York où, à 19 ans, il approfondit ses connaissances durant 18 mois à l’Hôtel « The Pierre » sur la 5e Avenue parmi…700 employés.

« L’établissement comptait 200 chambres et 17 appartements. C’était géant. Ce fut une expérience très enrichissante mais à l’âge de 19 ans, c’est difficile d’être coupé de ses parents et amis. » Ensuite, il passe son service militaire dans la marine, à Bayonne comme chef de partie à bord du bateau Aramis. « Comme dans une cuisine, j’ai apprécié l’esprit de solidarité des marins. » Ensuite, il postule pour une place en cuisine sur le bateau de croisière « Disney Magic » où 41 nationalités se côtoyaient à bord. « C’est à Venise, en 1998, où le bateau était en construction que j’ai connu ma future épouse, une Ardennaise, Florence Lessire, qui travaillait alors en salle. »

Rejoignant alors son port d’attache à Cap Canaveral en Floride, le couple navigue durant les neuf mois de contrat entre Miami, Cap Canaveral et les Bahamas. André et Florence se retrouveront ensuite dans le New Jersey au restaurant « La Petite France » où le cuisinier basque occupe sa première fonction de chef en… travaillant en clandestinité. « Je n’avais pas réussi à obtenir un visa, ce qui me valut d’ailleurs, quelques mois plus tard, de me retrouver dans les bureaux de l’émigration pour avoir précédemment travaillé un an dans l’illégalité. ça ne rigole pas aux Etats-Unis… »

Globe-Trotter de la cuisine

Après cette (més)aventure, André reprend le cours de sa carrière au gré de différentes contrats. à Kinsale en Irlande, Punta Cana en République Dominicaine, à l’Hôtel 5 étoiles Palace, un gros complexe de plusieurs hôtels et d’une quinzaine de restaurants. « J’y ai été élu employé de l’année parce que le restaurant de 100 couverts dont j’étais responsable avait obtenu les meilleures notes de la clientèle et de la direction. » Avec en prime un chèque d’environ 2 000 euros. Par la suite, le globe-trotter Bayonnais suivi de près par les agences de recrutement et les chasseurs de têtes, opte pour de nouvelles aventures culinaires. à Séoul, en Corée du Sud.

« Depuis tout jeune, j’aime travailler les ingrédients au fil des saisons, me rendre dans la nature pour cueillir des champignons et aller à la pêche. »

« Je n’avais jamais mis les pieds en Asie et me suis retrouvé chef d’un établissement français « Le Saint-Ex » dans le quartier américain d’Itaewon. C’est là que ma fille, Antxa, est née le 24 janvier 2003. » Et enfin à Varadero (Cuba) comme second de cuisine du méga hôtel 5 étoiles « Paradisus ». « On recevait 1000 clients par jour et je supervisais tout : des petits déjeuners aux buffets en passant par les menus de six restaurants. »

Retour en France via les Ardennes

Après une décennie à explorer les quatre coins du globe, André et Florence éprouvent le besoin de poser leurs valises, profiter de leur fille et concilier vie familiale et professionnelle en gérant leur propre établissement. « Travailler pour soit, c’est un aboutissement. Le rêve de tout cuisinier. » En rachetant, en 2005, l’Auberge de la Forest, le couple décide d’une nouvelle orientation dans la restauration. C’est le premier établissement qu’ils dirigent à leur propre compte. Ils vont régaler les convives. « C’est notre 19e année à cet endroit. à l’époque, nous avons repris cette auberge à Michel Baudelet. Elle était fermée depuis six ans. Il a fallu investir 400 000 euros dans l’achat et les travaux de réparation pour redonner vie à l’établissement, recréer et capter une clientèle à un endroit un peu à l’écart, situé à 4 km de Charleville-Mézières. Il y a eu aussi la crise économique de 2008 qui nous a privé d’une clientèle d’affaires. Tout cela a rendu notre démarrage compliqué durant six ans. Il y avait des hauts et des bas. Le flux de clients n’était pas assez régulier. Arrêter m’a effleuré l’esprit. ça nous a fait mal de voir votre restaurant vide, certains jours. On a dû attendre 2011 pour vraiment décoller en instaurant une formule bistrot à 16 euros. à partir de là, on a trouvé notre régime de croisière. »

Aujourd’hui, l’Auberge du Laminak est un endroit gastronomique très couru. Le sacre de « jeune talent champardennais » par Gault et Millau en 2010 et Le Bib Gourmand attribué régulièrement par le Guide Michelin depuis 2014 ont beaucoup concouru à sa réputation.

« Pour cela, nous devons respecter certains critères. Comme ne pas dépasser les 38 euros pour un menu fixe entrée, plat, dessert et ajouter à cela un bon service et la qualité des produits et des vins. » Après près de 20 ans passés dans les Ardennes, André Vaquero s’estime heureux. « Ma grande fierté, c’est d’attirer tous types de clientèle : ouvriers, artisans, chefs d’entreprises de différents milieux et élus locaux. C’est une belle diversité. »

Il déplore toutefois que la gastronomie ardennaise « riche et diversifiée » ne soit pas assez mise en évidence dans les guides par les responsables départementaux du tourisme. « Dommage, car avec la voie verte, les autres attractivités locales et le tourisme historique, les étrangers sont de plus en plus nombreux ici à rechercher des tables comme les nôtres. »

[1Nom d’origine basque donné à des fées qui aidaient les êtres humains à construire leurs projets en échanges de repas.

[2Nom d’origine basque donné à des fées qui aidaient les êtres humains à construire leurs projets en échanges de repas.