Laurence Klein
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Laurence Klein

Une flamme intacte.

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Photo de Laurence Klein
Le 30 juin prochain, Laurence Klein s’élancera pour un bout de parcours dans la région, avec la flamme olympique. (Crédit : DR)

Il ne faut pas se fier à sa tranquillité apparente. « J’ai une façon très calme de m’exprimer, mais à l’intérieur, c’est bouillonnant », confie Laurence Klein. Et c’est avec une grande douceur qu’elle commence à narrer son parcours, plongeant son regard bleu azur dans le votre, reflet, lui, de son caractère très déterminé. Sa passion pour la course remonte à sa prime enfance où, très tôt, on lui détecte de grandes aptitudes.

« Dans la cour de l’école j’aimais faire la course avec les garçons, mais ce que j’appréciais encore plus, c’était de les dépasser ! À 11 ans, j’ai commencé à mettre le dossard, en prenant ma licence au Club d’athlétisme de Reims (DAC Reims). » Avec un entraînement « quatre à cinq fois par semaine, pas plus », lance en toute décontraction cette sportive habituée aux courses de 100 km, elle se remémore les tours au Parc Léo Lagrange avec l’équipe des adultes. « Je me souviens qu’à 13 ans, je faisais 3’15 au 1 000 mètres. » Soit une performance exceptionnelle pour son âge.

Une préparation intense au coup d’arrêt brutal

Elle suit alors un parcours de sport études au collège François Legros où elle monte en puissance dans les entraînements. « À 15 ans, je gagne ma première médaille nationale au 1 500 mètres. » Forte d’une hygiène de vie stricte, « mais aucunement ressentie comme un sacrifice », elle quitte les études après le lycée pour se consacrer entièrement à l’athlétisme avec comme objectif d’intégrer l’équipe de France.

1988 doit être l’année où elle saisit cette opportunité, d’autant que tous ses entraîneurs lui font entendre que sa sélection est non seulement possible mais quasi-assurée. Or en 1988, se déroulent à Séoul les JO d’été et aucune sélection n’est programmée. Un coup dur certes, qui n’apparait, à ce moment-là, que comme partie remise...

Mais l’année suivante, un terrible événement vient la frapper avec le décès de son père, son premier soutien. « À ce moment-là, tout s’écroule », glisse-t-elle. Écrasée par le chagrin, elle perd toute motivation et se met alors à travailler comme commerciale dans différentes enseignes, notamment sportives. 1996, elle change radicalement de direction pour devenir Responsable régionale comptes-clés, chez Fossier.

En parallèle, elle se remet un peu à la course, participe régulièrement à des compétitions, mais en restant à une échelle régionale. Elle devient aussi maman de deux enfants, un garçon, Lilian puis une fille, Ambre. Les années passent et sa pratique revient au plus haut niveau, sous l’accompagnement de Pascal Fétizon, spécialiste de l’ultrafond, champion du monde des 100 km sur route en 2000 et champion d’Europe en 1999 et 2002.

Retour au plus haut niveau

En 2004, elle souhaite s’inscrire à des championnats nationaux. « En rentrant chez moi, je regarde le calendrier pour voir quand se déroulent les prochaines sélections en équipe de France. Cela tombe le 20 juin, le jour de la fête des pères. Et là je me dis que je ne peux pas rater cette sélection, que je dois l’honorer à titre posthume. » Ce qu’elle fait. En 2006, elle devient vice-championne d’Europe sur 100 km. Un an plus tard, en 2007, ce sont les titres de championne d’Europe et de vice-championne du monde qu’elle accroche à son palmarès.

À 37 ans, elle est à son plus haut niveau. La course apparait comme un moyen de résilience face aux épreuves de la vie qui ne cessent de la toucher. Elle court pour ne pas s’écrouler. Rester en mouvement, constamment, avec volonté et détermination en se fixant régulièrement de nouveaux objectifs. « Courir me donne cette énergie vitale. Courir m’aide aussi à prendre des décisions, je n’ai jamais rien décidé en restant assise dans mon canapé. »

« Courir me donne cette énergie vitale. Courir m’aide aussi à prendre des décisions, je n’ai jamais rien décidé en restant assise dans mon canapé »

La route n’est alors plus un terrain de jeu suffisant pour cette hyperactive. Et c’est en plein désert, au Maroc, qu’elle repousse encore plus loin ses limites en participant au Marathon des Sables. 250 km sur 6 jours en parfaite autonomie avec un sac de presque 10 kilos sur le dos. Surnommée « la gazelle du désert », ce poids plume qui saute les obtacles d’une existence entre famille, sport et parcours professionnel, continue d’avancer. « Le Marathon des Sables est une compétition redoutable car on s’entraîne jusqu’en mars / avril, sous des températures relativement fraîches pour concourir avec d’un seul coup 20 à 25 degrés de plus. » Qu’importe, elle y décroche trois victoires : en 2007, 2011 et 2012.

« Cette année, j’y retourne, mais avec mon fils », livre-t-elle pudiquement en évoquant ces moments passés loin de ses enfants, à s’entraîner et parcourir le globe au gré des compétitions. Car l’équilibre aussi bien professionnel que personnel est une part importante de ses victoires. « Il faut embarquer tout le monde dans son aventure, la faire partager au maximum, et aujourd’hui y retourner avec mes enfants, c’est le plus beau des cadeaux. »

À Lilian les tourbillons du désert, à Ambre, le tour des sommets de l’Annapurna au Népal, à la fin de l’année. Gravir des montagnes ne fait pas peur à Laurence Klein. Métaphoriquement, c’est ce qu’elle a fait toute sa vie, soutenue aussi bien par sa famille que par des sportifs mais aussi des personnalités locales qui lui ont permis d’arriver aux sommets. « Si j’ai pu m’entrainer tout en travaillant, c’est aussi parce que j’ai obtenu d’Arnaud Robinet et Catherine Vautrin l’octroi de la Convention d’insertion professionnelle (CIP) qui définit un aménagement du temps de travail pour allier carrière professionnelle et pratique du sport à haut-niveau. »

Création de son entreprise

En 2012, nouveau défi. Professionnel cette-fois. Exit le salariat, elle se lance dans la création d’entreprise avec 100% Sport Business, une société de force de vente supplétive et mutualisée. Là encore, elle franchit les embûches et, avec toute sa ténacité, va chercher les clients en parcourant la France entière. « On travaille avec de très belles enseignes, Lactalis pour la nutrition sportive, Decathlon, Coros pour les montres GPS, Theragun pour les pistolets sportifs ou encore Eminence, la marque de sous-vêtement d’Adidas. » Adidas qui lui est fidèle depuis 25 ans comme sponsor et dans le rôle d’ambassadrice que la marque lui confie sur certains événements.

« Comme cheffe d’entreprise, je vais à la rencontre des centrales d’achat pour aider les commerciaux à développer leur business, je m’entoure de commerciaux qui sont aussi des sportifs, avec cette connaissance très spécifique. C’est notre marque de fabrique et c’est aussi pour cela que nos clients nous font confiance. »

Aujourd’hui à Châlons, hier à Bayonne et demain à Cognac, Laurence Klein parcourt la France avec toujours autant d’énergie. « Je vis à travers les rêves que je me suis fixés, je coche les cases. » Parmi elles, l’ascension du Kilimandjaro en 2020 qui donnera un court-métrage, « le rêve de plus ». Mais après les 6 000 mètres, que souhaite-t-elle de plus ?

« J’aimerais passer les 7 000 et continuer à courir le plus longtemps possible. Il y a des personnes qui courent jusqu’à 80 ans, je ne souhaite pas m’arrêter maintenant. C’est ma façon de vivre. Aujourd’hui, je m’attache toutefois plus à la transmission, la passation de mes savoirs, en tant que coach pour les 100 km, le Marathon des Sables mais aussi les prochains championnats du monde en Inde au mois de décembre. » 2024, année des grands voyages… et toujours avec ses quatre piliers, « la famille, le sport, le professionnel et l’émotionnel ». Adepte de la formule, « on ne saute pas un précipice en deux fois », Laurence Klein n’hésite pas à se lancer des défis.

Et comme pour récompenser une carrière et une philosophie de vie, elle s’élancera le 30 juin prochain avec la flamme olympique pour un bout de parcours, en écho à cette flamme intérieure, qui continue de la faire courir, encore et toujours.