Marc Besancenez
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Marc Besancenez

La mécanique de l’éducation.

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Marc Besancenez sera à la tête d’une expédition avec 6 élèves du lycée afin de gravir le Kilimandjaro aux côtés de Lise, une jeune fille amputée d’une jambe. (Crédit : ND)

S’il a accepté de se plier à l’exercice du portrait, Marc Besancenez le fait surtout pour mettre en valeur les projets de l’établissement qu’il dirige depuis 2021, le lycée Saint Jean XXIII de Reims, plutôt que pour parler de lui-même. Pour autant, il accepte de nous livrer quelques clés pour comprendre son parcours atypique, une voie qui n’était pas toute tracée afin de prendre la direction d’un établissement réputé, accueillant aujourd’hui 680 élèves, de la seconde à la terminale. Rémois, fidèle en toute circonstance à sa ville, pour laquelle il ne lui aura fait que « trois années d’infidélité », Marc Besancenez, a tout d’abord effectué un Bac Génie mécanique puis un DUT, au lycée Saint Jean-Baptiste De la Salle. « J’ai toujours eu une appétence pour la mécanique générale. Enfant, je passais mon temps à bricoler des choses, et encore aujourd’hui, le bricolage est mon exutoire », confie-t-il.

Comprendre les systèmes en mouvement, la résistance des matériaux, font qu’il se dirige ensuite vers l’école supérieure des Arts et Métiers de Châlons-en-Champagne, avec l’idée de travailler plus tard dans l’industrie. Il devient alors coordinateur de maintenance pour l’entreprise Elf Atochem (aujourd’hui Arkema).

« J’étais spécialisé dans la maintenance préventive, c’est-à-dire que j’analysais les vibrations des matériaux et des machines pour déterminer leur état d’endommagement », explique-t-il. Après un DEA de Production automatisé, il entreprend de rédiger une thèse de doctorat en analyse des vibrations. C’est à ce moment que sa destinée prend une inflexion différente, car faute de financements, Marc Besancenez commence à enseigner à mi-temps au Lycée Saint Jean-Baptiste de La Salle, là même où il était entré en études.

Si l’on devait filer la métaphore mécanique, on pourrait dire que la machine s’emballe et que, petit à petit, les rouages se mettent en place, car en 2002, on lui propose de prendre la Direction technique de l’établissement. Au-delà de tenir la responsabilité des enseignements techniques du lycée, il tisse alors un véritable réseau rémois pour faire évoluer la structure, nouer des partenariats et aussi lever des fonds pour un des projets phares de sa carrière.

« J’ai intégré le CJD, la branche industrie de la CCI et j’ai aussi créé une association, AR2MC, pour rassembler les acteurs des métiers connexes au Champagne pour qu’ils se retrouvent et échangent entre eux sur des problématiques communes. » Surtout, faire partie de ces réseaux d’entrepreneurs lui permet « de ne pas être déconnecté de la réalité et de garder un lien avec le terrain. Indispensable pour adapter les formations au plus près de ce qui se passe en entreprise ».

Le Luchrone, projet phare

En 2015, il entreprend un projet qui sera marquant aussi bien pour lui, les élèves du lycée Saint Jean-Baptiste de la Salle que pour l’ensemble des Rémois. « Alors que je me rendais à la décharge publique, je suis passé devant un terrain en friche sur lequel était entreposé, à l’abandon, l’œuvre monumentale d’Alain Le Boucher, le Luchrone », se remémore-t-il. Cet immense œuf de fer et de lumière est dans un état de détérioration avancé. Mais qu’à cela ne tienne, l’esprit bricoleur de Marc Besancenez y voit là un formidable outil au service de l’apprentissage grandeur nature des élèves, mêlant défis techniques, art et culture.

« Nous avons passé plus de deux ans à le remettre en lumière. Il faut savoir que l’œuvre est en réalité fondée sur une chorégraphie lumineuse. La majorité des ampoules avaient été détruites. Il fallait donc repenser l’œuvre dans son ensemble et réaliser intégralement un tout nouveau câblage électrique croisé, de telle sorte que les ampoules puissent s’allumer les unes indépendamment des autres. Et comme elles n’existaient pas dans le commerce, il a fallu toutes les récréer. Cela nous a pris un an de développement. » Le Directeur technique arrive aussi à rassembler tout un écosystème de mécènes autour de lui… jusqu’à récolter 100 000€.

« Notre établissement est un écrin. Et dans un écrin, nous y mettons ce que l’on a de plus précieux. Ici, nos enfants. Il faut donc être à la hauteur. »

« C’était une vraie belle aventure : technique, humaine, culturelle, éducative. » Le projet finalisé, il est appelé en 2018, par le « réseau Lasallien » afin de prendre la tête d’un groupe scolaire de 1 800 élèves, à Auxerre, dans l’Yonne. C’est sa première expérience à la tête d’un établissement éducatif, qui sera riche d’apprentissages. Retour à Reims trois ans plus tard, pour cette fois devenir le Directeur du lycée Jean XXIII, « un établissement catholique d’enseignement, à ne pas confondre avec un établissement d’enseignement catholique », tient-il à préciser.

« Nous sommes véritablement au service du jeune qui nous est confié, avec un caractère éducatif et des valeurs très présentes. Notre structure ainsi que notre organisation nous permettent une grande souplesse de fonctionnement ainsi qu’une véritable latitude dans la conduite de projets. » La signature de Jean XXIII est celle de « l’accueil de tous, de l’ouverture, du vivre-ensemble ». Le mode de fonctionnement « atypique » confère aussi une particularité à Jean XXIII.

« Nous sommes sur des cours qui durent 45 minutes. Le quart d’heure manquant est alors restitué sous forme de permanence encadrée par les professeurs. C’est complètement innovant, car quatre fois par semaine, l’élève s’inscrit au cours qui l’intéresse, pour renforcer ses savoirs ou préparer un concours s’il est en terminale. »

« Aimer la vie, lui donner du sens »

Le projet éducatif du lycée se traduit par cette devise « Aider les jeunes à aimer la vie et à lui donner du sens ». C’est donc en parfait accord avec cette maxime que Marc Besancenez a entrepris de monter un projet « un peu fou » et surtout, très ambitieux, baptisé « On a tous une montagne à gravir ». « Nous avons dans le lycée, une jeune fille, Lise, qui depuis enfant est amputée d’une jambe. Exemplaire, elle est toujours joyeuse et enthousiaste. Et je me suis dit qu’il fallait montrer aux jeunes que tout est possible et que dans la vie, il faut se dépasser pour atteindre des objectifs », fait-il savoir.

Ainsi, pendant un an, une équipe de 12 personnes, 6 élèves et 6 adultes s’entrainent afin de gravir le Kilimandjaro en juillet 2024. Le défi mêlera objectif sportif et caritatif puisqu’avant de gravir les 5 895 mètres jusqu’au sommet, l’équipe distribuera des fournitures scolaires dans les écoles et dispensaires. Cinq jours d’ascension, deux jours de descente et des dizaines de kilos de matériel.

« J’ai une énorme responsabilité dans la conduite de ce projet et rien ne doit être laissé au hasard. Une vingtaine de porteurs nous accompagneront afin d’acheminer le matériel, les provisions ainsi que les équipements médicaux et de secours », indique Marc Besancenez qui fera lui-même partie de l’expédition.

« Nous nous entraînons tous les mercredis et le week-end, les élèves ont un programme sportif à respecter. Pour le confort de Lise, nous emporterons une joëlette, un fauteuil adapté, qui pourra lui être mis à disposition si besoin, notamment pour la descente. Des randonnées solidaires seront aussi organisées par le lycée afin de créer un élan solidaire autour de Lise et de favoriser l’inclusivité en milieu scolaire. » C’est avec une véritable passion que parle le Directeur de son métier et de l’établissement dont il a la responsabilité. « Notre établissement est un écrin. Et dans un écrin, nous y mettons ce que l’on a de plus précieux. Ici, nos enfants. Il faut donc être à la hauteur. »