Paul Fabre
Invités / Entretiens

Paul Fabre

Au cœur des vignes du Sud-Ouest

Lecture 8 min
Photo de Paul Fabre
(Crédit : DR)

En Occitanie, première région viticole de France, Toulouse a toute sa place parmi les grandes capitales européennes du vin. Paul Fabre en est convaincu ! À la tête de l’organisation interprofessionnelle depuis 2008, il parcourt le monde pour mettre en valeur les vignerons du Sud-Ouest (du Pays Basque à l’Aveyron), les particularités de chaque terroir et les caractères des différents cépages. « J’ai parfois des semaines qui ressemblent à des marathons, s’amuse Paul Fabre. L’une d’elle m’a particulièrement marqué : le lundi matin, j’étais en réunion avec le préfet pour échanger sur des mesures de politique de filière, l’après-midi, je prenais l’avion pour New York pour discuter avec des acheteurs, la presse américaine et le samedi suivant, j’étais au Pays Basque en train de me faire “engueuler” par les vignerons. Ça remet les pieds sur terre. »

Une passion depuis l’enfance

Ce n’est pas un hasard si Paul Fabre s’est autant investi dans le secteur viticole. Tout petit déjà, il aimait courir dans les vignes familiales situées dans les Corbières. Mais ce sont les bancs de la fac de droit de Toulouse qui l’attirent et lui ouvrent les portes du monde. Il obtient une maîtrise de droit avant de marquer une pause d’une année à Reykjavik en Islande. « J’avais besoin de souffler, de changer d’horizon. » Paul Fabre vit intensément cette année, il se lie d’amitié avec des cinéastes, rencontre des écrivains, des comédiens. Première approche réussie du monde de l’événementiel et de la communication…

À son retour en France, grâce à ses multiples contacts, il organise avec d’autres étudiants la semaine du film islandais à Toulouse. Paul Fabre se tourne ensuite vers la production cinématographique, il devient assistant pour la télévision, le cinéma…« C’était une période de ma vie où je me cherchais un peu. Puis, j’ai eu envie de reprendre les études jusqu’au doctorat. J’ai entrepris une thèse sur la propriété industrielle »

« J’AI DEUX AMOURS : LA VITICULTURE ET L’INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE »

Paul Fabre part ensuite travailler au Cameroun dans un cabinet d’avocats. Sa mission consiste à travailler à l’harmonisation du droit des affaires entre pays africains : « J’étais bien loin des studios de cinéma », sourit le juriste. « Cette expérience m’a ouvert plusieurs portes. Je travaillais avec des cultures tellement différentes, ça a été un véritable bouleversement personnel. J’ai apprécié les rapports de force qui sous-tendent le droit et compris comment il peut devenir une arme économique. » De retour en France, Paul Fabre s’intéresse à la viticulture, travaille sur les indications géographiques.

« J’ai pris la direction de la fédération des AOC du Languedoc-Roussillon dont la mission était de créer un socle commun à la viticulture : ce fut l’AOC Languedoc créée en 2007. Il y avait des aspects juridiques mais aussi la coordination des instances nationales et régionales. » En parallèle, Paul Fabre enseigne le droit rural à Narbonne, le droit de l’alimentation et de la propriété industrielle à Toulouse. Le docteur en droit a un autre centre d’intérêt : l’intelligence économique dont la veille, le renseignement et la cybersécurité constituent les trois piliers. « C’est passionnant, j’ai voulu transmettre mes connaissances, à l’IAE de Bordeaux et à Toulouse Business Schooloù nous travaillons sur la création d’un certificat spécifique. »

Un parcours logique et cohérent qui conduira Paul Fabre à la direction de l’Interprofession des vins du Sud-Ouest en 2008, créant ainsi la première interprofession mixte de France AOP et IGP. « J’aide les professionnels à se fédérer, à se doter d’une force d’action à l’export. C’est la première interprofession de France à réunir tous les vignobles, les représentants des caves coopératives et des vignerons indépendants, les instituts de recherche, la chambre régionale d’agriculture et tous les acteurs de l’économie viticole. J’ai beaucoup de chance d’avoir été embarqué dans un projet aussi fédérateur. »

TOULOUSE ET LE VIN, UNE LONGUE HISTOIRE

L’Interprofession a véritablement fait voyager des vins du Sud-Ouest. En 2017, la région a été élue meilleur vignoble de l’année au monde par la presse américaine. « Nous étions en compétition avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande », se réjouit Paul Fabre. Chef d’orchestre aux commandes d’une équipe d’une douzaine de personnes, homme de réseau, il a su activer les bons leviers : « j’ai appris à parler à tout le monde simplement, peut-être mon côté prof. L’essentiel pour moi est d’être au service des vignerons et des vignobles. »

L’Interprofession des vins du Sud-Ouest a réussi à développer une nouvelle image auprès du grand public. « On a chassé les idées reçues, exit la massification de l’offre, aujourd’hui on aime se diversifier. Les consommateurs ont changé, ils veulent entendre des histoires de vignerons et de vigneronnes, des histoires de cépages inconnus, de produits originaux. » En 2022, grâce à l’accompagnement d’Iter Vitis France, les vignobles du Sud-Ouest ont été reconnus Itinéraire culturel européen parle Conseil de l’Europe, et ont reçu le prix européen Paolo Benvenuti pour la préservation des cépages anciens.

Paul Fabre ne lâche rien, il continue à promouvoir l’image des vins du Sud-Ouest : « notre objectif est de faire de Toulouse une ville européenne du vin en 2023.N’oublions pas que le vin est à l’origine de la ville antique de Tolosa. » Le dossier sera présenté au Portugal en février.