Marc Lambec
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Marc Lambec

L’avenir automobile comme moteur

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(Crédit : DR).

Faire du sur place n’est pas sa philosophie. Marc Lambec est un homme d’action, autant sur les circuits automobiles – il a participé à des championnats français, un rêve d’enfant –, que dans la vie. Cet autodidacte, qui s’est lancé sur la route de l’entrepreneuriat à 22 ans, est aujourd’hui au volant de trois entreprises, basées à Montans, dans le Tarn –qui ont, pesé, au total, 4 M€ de CA en 2021 –, dont la principale ambition est d’allonger la durée de vie d’une partie du parc automobile actuel, avec l’innovation pour moteur. La dernière affaire en date : ARM Engineering, un cabinet de recherche et de développement, créé en 2017, qui planche sur un biocarburant de deuxième génération, baptisé G-H3, pour les moteurs thermiques essence. Ce dernier permet ainsi de convertir le parc thermique afin de réduire de 80 % ses émissions de CO2.

BATTRE DES RECORDS

Les équipes développent également une pile à combustible permettant son utilisation pour les moteurs électriques. Cette technologie de rupture a récemment fait ses preuves puisque l’entreprise a remporté un double record mondial, en mai, sur le circuit d’Albi dont Marc Lambec est également associé gestionnaire et créateur d’événements. Il s’agit du record de la plus longue distance parcourue avec un véhicule à hydrogène en une seule recharge – jusqu’alors détenu par Toyota avec sa Mirai et ses 1360 kilomètres ; ainsi que de la plus longue distance parcourue avec une Renault Zoe en une seule charge, record détenu depuis 2017 par la société américaine IT Asset Partners avec 1608 kilomètres parcourus.

« Nous avons, à notre grande surprise, atteint 2055,68 kilomètres alors que le step initial était de 1360 kilomètres. À la suite de cette victoire, nous avons eu beaucoup de contacts avec le marché mondial de l’hydrogène vert et avec des opérateurs de la mobilité, parmi lesquels des groupes de transporteurs mondiaux (flottes de camions, bateaux, etc.), et également des discussions avec la chambre de commerce internationale à Perth, en Australie, en vue d’échanger sur notre technologie pour l’Océanie et l’Asie du Sud-Est. En revanche, nous avons eu peu de retours de la part des constructeurs automobiles, ce qui nous déçoit. Mais nous allons poursuivre notre projet afin d’obtenir des débouchés commerciaux d’ici l’année prochaine. Nous envisageons également de réaliser une levée de fonds en septembre », détaille le chef d’entreprise qui n’est pas peu fier de cette performance.

DECARBONNER LE PARC AUTOMOBILE

« Avec le G-H3, nous souhaitons donner un nouveau souffle au parc de véhicules thermiques existant. En équipant les véhicules d’un boîtier de conversion, nous les rendrions moins polluants et répondrions ainsi aux exigences européennes contenues dans le pack Fit for 55 », poursuit-il. Comprenez la batterie de propositions de l’Union européenne qui vise à réduire de 55% les émissions de CO2 d’ici 2030. Pas de doute, pour Marc Lambec, son innovation représente un espoir pour l’industrie. « J’en suis intimement persuadé, assure-t-il. C’est actuellement l’unique solution pour réduire de manière significative les émissions de CO2. La distribution de ce nouveau carburant peut se réaliser très facilement. La conversion des véhicules est également une intervention rapide et peu coûteuse. Mais pour ce faire, il faut que l’État le valide et que les distributeurs jouent le jeu. »

Pour l’heure, le Tarnais qui a développé le procédé passe par une entreprise de fabrication au Danemark. Une hérésie à ses yeux puisque ce serait « possible de fabriquer ce biocarburant localement, étant donné que le Tarn dispose du plus grand méthaniseur agricole d’Europe. Mais la France accuse du retard à ce sujet. De plus, le méthane étant produit à partir de biomasse non alimentaire, le G-H3 est ainsi issu d’une filière propre et durable. Comparé à l’eFuel qui met en oeuvre un procédé qui capte du CO2 dans l’air pour en faire du carburant, le G-H3 est une alternative moins énergivore et coûteuse et surtout déjà prête à être industrialisée. » Une technologie qui peut également s’appliquer au monde confidentiel des écuries de course.

« Je suis confiant sur l’avenir de l’hydrogène. Sur les circuits, il est évident qu’il faut continuer à fédérer cette pratique avec de nouvelles solutions. En effet, le car-bashing, (mépris de classe, mépris du génie industriel et de l’automobile) devient de plus en plus prégnant. Les compétitions ont moins de visibilité auprès du public. La nouvelle génération est moins initiée à ce sport. Or, cette innovation va permettre de produire des véhicules tout aussi performants. Les constructeurs vont devoir s’y tenir d’ici les quatre prochaines années. Tout nous force à aller vers la mobilité électrique mais aujourd’hui, il n’existe pas encore de compétitions nationales autour des véhicules électriques. Il y a cependant des acteurs régionaux qui ambitionnent, à moyen terme, de créer des championnats monotypes électriques », ajoute-t-il.

CONTINUER D’INNOVER

Cet amateur de vitesse qui conjugue ses passions pour le sport, le luxe et l’innovation ne compte pas s’arrêter en si bon chemin puisqu’il entend diversifier ses activités à l’horizon 2023. En effet, le rétrofit fait partie des axes de développement de l’entreprise. Cela consiste à transformer une voiture thermique en une voiture électrique. « Nous travaillons sur un nouveau concept d’ici la fin de l’année, à savoir des véhicules rétrofités, ce qui n’a jamais été fait de cette manière dans le monde. Cela nous permettrait d’asseoir notre savoir-faire et de proposer des véhicules deux fois moins chers sur le marché. Nous avons également un projet ciblant les poids lourds. » Autre piste qui se dessine, cette fois hors du monde automobile, un système dédié à l’habitat.

« C’est une innovation qui allie une pile à combustible avec le GH3 pour créer de l’énergie électrique couplée à un système photovoltaïque afin d’être moins dépendant du réseau électrique classique. Cependant, notre système sera malgré tout relié au réseau avec un boîtier électronique qui permettra à l’utilisateur de choisir son énergie en fonction de sa disponibilité, du coût et de son impact carbone via une application mobile. Il pourra ainsi générer le flux d’énergie et switcher. Il s’agit d’un procédé complexe qui fonctionne grâce à la récupération de la chaleur fatale et qui permet, par exemple, de chauffer le réseau d’eau sanitaire d’une habitation. Sachant que le chauffage correspond généralement à 60% du coût d’énergie d’une habitation », pointe le quadra.

ARM Engineering est ainsi le chef de file d’un consortium qui porte ce projet ambitieux, dont fait également partie une société albigeoise, spécialiste de la récupération de la chaleur fatale. À la question de savoir si cette diversification relève davantage d’une stratégie vis-à-vis d’un marché automobile aujourd’hui atone, plus que d’une véritable envie de toucher à d’autres secteurs, l’entrepreneur consent « qu’effectivement, l’univers auto - mobile est principalement régi par de grands acteurs qui ont des moyens colossaux, contrairement à une PME qui peine à se faire une place. En effet, nous avons à cœur de révolutionner les habitudes, mais il nous manque des moyens pour avancer, sans compter que les homologations sont très fastidieuses à obtenir et très coûteuses. Néanmoins, le secteur de l’habitat n’est pas une roue de secours, bien au contraire, c’est une vraie problématique sur laquelle il faut investir. »

GARDER L’ESPRIT OUVERT

Parier sur l’avenir, c’est ainsi ce qu’a fait Marc Lambec quelque temps après son BTS Moteurs à combustion interne (mci) en poche. Né à Créteil, cet Alsacien d’origine, a baigné dans l’univers de l’industrie grâce à son beau-père ingénieur dans la métallurgie – sa mère étant assistante de direction pour le même groupe. Ceci avant que le couple ne décide d’épouser une autre vie en rachetant une ferme pour faire de l’élevage de faisans et de sangliers et un domaine de chasse certifié. Direction la Charente où l’adolescent de 13 ans découvre un univers, fait de « pragmatisme et de système D, se souvient-il. C’est sûrement grâce à ces notions, que j’ai créé ma première entreprise à partir de rien. » La vingtaine sonnée, après une première expérience professionnelle sur des bancs d’essai chez Bosch France, puis en tant que technicien motoriste chez un concurrent à Albi, il crée LR Performance, spécialisée dans l’optimisation des performances moteur pour la compétition automobile. « On supprimait les systèmes antipollution pour créer des véhicules plus performants. Nous avons opéré un virage vers les biocarburants en 2008 et avons été les premiers en France à convertir tous les véhicules de tourisme au super ethanol 85. »

Plus d’une décennie plus tard, une nouvelle société voit le jour, ARM Engineering qui devient, dans un premier temps, fabricant homologué de boîtiers E85. Entre temps, en 2011, Marc Lambec fonde Alientech France qui fournit des technologies aux professionnels pour de la reprogrammation moteur. « Nous avons développé un logiciel de recalibration qui permet de visualiser et de modifier de façon autonome les cartographies de n’importe quel fichier de calibration d’origine en vue d’améliorer les comportements des véhicules, ce qui intéresse le marché francophone, notamment l’Afrique du Nord, qui représente un marché émergent. Nous proposons également de former les futurs garagistes 2.0. Nous en formons environ 10 par mois. » Une autre façon de transmettre et de prendre de la hauteur pour ce père de famille qui a également l’âme d’un voyageur. « J’ai eu la chance d’avoir des grands-parents qui m’ont amené partout. Je reproduis ça en famille, avec ma fille de six ans. C’est essentiel de prendre de la hauteur sur notre vision à la fois personnelle mais aussi professionnelle », conclut-il.