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La RSE source de performance : la preuve par 7

RSE. Dans le cadre d’une rencontre organisée par le Réseau entreprendre Champagne-Ardenne et l’association des Dirigeants Responsables de la Marne, plusieurs acteurs de l’écosystème économique régional témoignent de l’impact positif de la mise en place d’une politique de RSE sur la performance de leur organisation.

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Photo de la rencontre sur la RSE
Après avoir écouté le témoignage d’Olivier de Bohan, au sujet de la décarbonation engagée par le groupe Cristal Union qu’il préside, 7 dirigeants ont exposé leur vision de la RSE à la cinquantaine de personnes présentes. (Crédit : BB)

Et si la Responsabilité Sociale (ou sociétale) des Entreprises, au-delà d’une prise de conscience interne, voire d’une possible future obligation légale, était tout simplement un vecteur de performance ? Quelques années près l’apparition du concept dans la sphère publique, en remplacement de la notion de développement durable, de très nombreuses organisations et entreprises se sont saisies de la RSE et commencent à en voir les effets concrets. Ceux-ci peuvent être ressentis tant sur la performance environnementale ou financière de l’entreprise que sur le recrutement des futurs collaborateurs, la fidélisation des salariés ou sur les clients, fournisseurs et partenaires.

Pour Séverine Couvreur, présidente de la Commission des viticultrices au sein du Syndicat Général des Vignerons et également présidente de la Mission Coteaux, Maisons et Caves de Champagne, la RSE en Champagne a été initiée il y a bien longtemps déjà. « Cela fait plus de 40 ans que nous réfléchissons à notre impact », précise-t-elle. La démarche de viticulture raisonnée engagée en 2003 venant consacrer le mise en place de mesures très concrètes telles que les certifications, les bilans carbone ou la réduction des intrants.

Et aujourd’hui, l’inscription au Patrimoine mondial apporte son lot de responsabilités supplémentaires, notamment au regard des contrôles effectués par l’UNESCO auprès de la Mission. « En juin dernier, nous avons été contrôlés pour vérifier, d’une part, la pression de l’éolien mais aussi pour voir comment nous gérons les autres sources d’énergie renouvelables que sont la méthanisation et le photovoltaïque, par exemple et quelles sont aujourd’hui nos préconisations en la matière », explique la présidente.

Quant aux producteurs, la filière Champagne les incite largement à poursuivre le mouvement des certifications environnementales. « L’objectif c’est 100 % des exploitations certifiées d’ici 2030. C’est un enjeu majeur parce qu’une exploitation certifiée, c’est une exploitation qui réfléchit à ses pratiques. Et à partir du moment où un exploitant s’engage dans une certification, il va forcément progressivement améliorer ses pratiques et vouloir aller encore plus loin ».

Décarboner l’industrie, c’est la raison d’être du Groupe Soler dirigé par Philippe Soler-My. Un groupe qui a développé une technologie permettant de transformer les résidus de biomasses, en particulier le bois, en biocarbone, en électricité et en sous-produits d’autres natures, qui sont ensuite utilisés par les industries pour réduire leurs émissions de dioxyde de carbone. Cela bénéficie aussi aux collectivités qui peuvent alimenter leurs logements en électricité. Soler permet donc à ses clients d’accélérer très sensiblement leur décarbonation et par voie de conséquence d’améliorer la partie environnementale de leur RSE.

« Nous travaillons avec la plupart de ces sites pour leur fournir ce carbone, leur donner des solutions de décarbonation et leur permettre de rester sur le territoire français ou européen, sans aller chercher des solutions ailleurs, comme aux États-Unis ou en Chine. L’objectif c’est de montrer que nous avons des solutions en France, en Europe pour ne pas générer la pollution ailleurs. Finalement, l’importation a un impact climat qui est beaucoup plus nuisible que les solutions sur le territoire national ou européen ».

Un circuit court plébiscité

Cet ancrage local et le circuit court c’est aussi le cheval de bataille de Thierry Saublet, directeur des opérations et responsable de la RSE du Groupe Intuis, qui conçoit et fabrique, en France, des appareils de chauffage connectés et intelligents. « Nous agissons sur la consommation énergétique avec des produits qui permettent d’agir sur les 30 % des 42 % de l’émission de carbone qui est celle du bâtiment. Le point de départ de la RSE chez nous, c’est de faire en sorte de proposer des produits qui vont permettre à nos concitoyens de consommer moins », insiste-t-il.

Des appareils Origine France Garantie qui sont imaginés par une équipe de R&D de 115 personnes et conçus dans une recherche constante d’équilibre entre enjeu environnemental et prix de revient du produit. « Nous avons mis en œuvre toute une démarche collaborative, démarche d’émulation également entre les sites, une façon de repenser toutes les voies, des pratiques nous permettant de faire le maximum d’économie d’énergie sur notre activité industrielle », souligne Thierry Saublet.

Un effort collectif qui consiste à mettre l’ensemble des parties prenantes en challenge, vers une évolution positive. « C’est un enjeu de plus de 10 % par an à gagner, ça n’est pas simple. Il y a des efforts à faire, il y a des investissements à concevoir et à imaginer, comme l’isolation, repenser les modèles de production, décaler des heures de production, etc. Mais c’est à ce titre qu’on arrive à faire encore massivement des économies ». Et ça fonctionne, avec une vraie prise de conscience des distributeurs, des grandes enseignes de bricolages qui jouent de plus en plus le jeu de proposer ces produits OFG en magasin.

Pour Quentin Renard, le président Groupe Audeo, spécialisé dans le courtage en assurance, les enjeux de la RSE ne se situent pas principalement en matière environnementale mais davantage au niveau de ses ressources humaines. Logique pour une entreprise de prestation de services. « Pour nous, c’est plutôt la logique des appels d’offres qui fait que, quand on y répond, il faut cocher certaines cases. Quand la case RSE a commencé à faire son apparition, nous nous sommes dit que nous devions entrer dans cette logique ». Une approche pragmatique qui a néanmoins débouché sur une volonté que les collaborateurs s’approprient cette démarche RSE et d’aligner les actions avec les valeurs de l’entreprise. « Par exemple, nous avons créé une équipe mécénat d’une dizaine de collaborateurs qui identifient des actions leur paraissant intéressantes et correspondant à nos préoccupations. Ces actions sont ensuite évaluées et présentées au comité mécénat, qui décide de façon collégiale des actions qui seront soutenues par le Groupe ».

Des collaborateurs investis et impliqués

Pour les entreprises spécialisées dans la propreté, l’enjeu humain et sociétal de la RSE est primordial. Directeur de l’agence de Reims de la Société AGnet, Pascal Rodrigues a fait du travail en journée pour ses collaborateurs son cheval de bataille. Des collaborateurs qui sont d’ailleurs à 98% des collaboratrices, souvent mamans. « Notre travail est en horaire décalé, en général entre 5h et 8h du matin puis entre 17h et 21h pour la plupart de nos salariés. Or c’est très compliqué d’avoir un bus à cinq heures du matin et d’avoir un résultat très propre lorsqu’on ne travaille qu’à la lumière artificielle. Pour moi, ce travail en journée, c’est très, très important ».

Une mise en place qui se fait avec l’accord des employés mais surtout du client final qui doit accepter d’accueillir la société de nettoyage pendant les heures de bureau. Un concept qui fait son chemin. Lutte contre les TMS, produits plus écologiques, appui de la robotique avec les cobots, véhicules électriques… autant de mesures qui prennent soin comme elles fidélisent les collaborateurs, qui bénéficient aussi d’un bâtiment à énergie positive. « Mes premiers ambassadeurs, ce sont les agents de propreté. Si mes agents de propreté, sont dans le partage des valeurs, c’est gagné ».

Cabinet d’audit et de conseil depuis une centaine d’années, KPMG est devenu société à mission en 2022. « On a depuis toujours eu beaucoup de volonté de former nos collaborateurs de manière très poussée, aussi pour les garder au niveau de l’attractivité qui est un vrai sujet en cabinet d’expertise comptable », explique Marion Rafflin, directrice associée KPMG Reims.

Mécénat d’entreprise, parité, direction de l’engagement citoyen… les sujets sont nombreux, les exemples aussi. Deux d’entre eux sont expliqués par Marion Rafflin. « Nous formons aujourd’hui quasiment l’intégralité de nos collaborateurs à la fresque du climat, pour les sensibiliser aussi à ces sujets. Nous avons aussi créé au niveau national un comité Nextgen, composé de 15 personnes de tout âge, tout grade, tout secteur d’activité ou secteur géographique. Son but est de faire des propositions à la direction, que personne n’a jamais osé faire auparavant ».

Un concept qui a débouché sur la mise en place de la semaine parentale de quatre jours, permettant aux jeunes parents, de bénéficier d’un temps partiel de 4 jours pendant six mois, rémunéré à temps plein. Et les effets de cette nouveauté, conjuguée aux autres mesures de RSE mises en place régulièrement dans ce groupe international sont immédiats et spectaculaires en interne. « L’an dernier, dans mon équipe nous avons eu 7 recrutements, zéro départ. C’est la première fois que ça nous arrive en cabinet d’expertise comptable », souligne la directrice.

La clé de l’accompagnement

Quant aux entreprises qui souhaitent se lancer dans ces démarches vertueuses de RSE sans vraiment savoir par où commencer, elles peuvent se faire épauler par des organisations privées de conseil mais aussi par Bpifrance, comme l’explique Tadao Chaudré, Coordinateur Climat Régional de la banque publique d’investissement. Missions de conseil RSE, bilans carbone, diagnostics de flux… Bpifrance multiplie les accompagnements. « Notre cœur de métier, c’est le financement, mais nous avons aussi de vraies missions d’accompagnement et de mise en réseau, avec notamment nos différentes communautés : la French Tech, la French Fab, la French Care ou le Coq Vert ».

Cette dernière communauté de dirigeants convaincus sur la nécessité d’agir et engagés dans la transition écologique et énergétique, compte aujourd’hui 2 500 dirigeants sur le territoire national. « Nous avons bien conscience qu’en les accompagnant sur les aspects environnementaux en particulier, les dirigeants vont pouvoir bénéficier de marqueurs forts de différenciation », poursuit Tadao Chaudré. « De nombreuses entreprises sont déjà sensibilisées à ces questions. Notre rôle, c’est désormais de passer d’un stade de sensibilisation à un stade vraiment opérationnel de mise en transition ».