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À Toulouse, la valorisation des biodéchets change d’échelle

Recyclage. Le spécialiste de la logistique urbaine, Urby Toulouse, et Cler Verts, spécialisé dans la valorisation des déchets, intensifient leur partenariat.

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Jean-Luc Da Lozzo, président de Cler Verts, et Alain Baret, DG d’Urby Toulouse. Agnès Bergon

« Nous avons conçu avec Urby Toulouse un modèle d’économie circulaire que nous avons voulu le plus vertueux possible », assure Jean-Luc Da Lozzo, président de Cler Verts, une entreprise basée à Bélesta-en-Lauragais, spécialisée dans la valorisation des déchets. Depuis début 2019, les deux structures ont conclu un partenariat au terme duquel la filiale du groupe La Poste, spécialisée dans la logistique urbaine en mode décarboné, installée dans la zone de Fondeyre à Toulouse, collecte une partie des biodéchets (déchets alimentaires) produits dans l’agglomération, notamment au sein de trois Ehpad du réseau Edenis, du lycée Déodat de Séverac, auxquels s’ajoutent plusieurs établissements de santé, pour le compte de Cler Verts qui valorise ces déchets notamment par méthanisation.

Ce procédé permet de produire de l’énergie, réinjectée sous forme électrique, dans le réseau Enedis, tandis que le résidu, appelé digestat, est employé comme fertilisant par les agriculteurs à 15 km alentour. Ce sont ainsi deux tonnes de biodéchets qui sont collectés chaque jour, soit 10 tonnes par semaine et 40 tonnes par mois. Cela paraît modeste si l’on songe au gisement de biodéchets que constitue une agglomération de 780 000 habitants comme celle de Toulouse, estimé à 66 000 tonnes par an. Or, d’ici 2023 la loi du 10 février 2020, relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, prévoit de généraliser le tri à la source des biodéchets, lesquels représentent encore un tiers des poubelles d’ordures ménagères. Collectivités et entreprises doivent rapidement s’y préparer, sachant que pour l’heure, l’obligation de tri des biodéchets ne concerne que les plus gros producteurs (ceux générant plus de cinq tonnes à l’année). Pour faire face à cette accélération des demandes, Cler Verts et Urby Toulouse ont récemment décidé de massifier les opérations de collecte.

« On voit se dessiner un véritable changement du monde agricole qui raisonne à plus long terme »

« Nous avons mis en place un conteneur réfrigéré sur le site d’Urby Toulouse, dans la zone de Fondeyre, ce qui va permettre de massifier les volumes », détaille Jean-Luc Da Lozzo. Les biodéchets collectés via ses véhicules propres par Urby Toulouse sont stockés dans ce conteneur réfrigéré pour éviter qu’ils ne se dégradent. Une fois plein, le conteneur est transporté, par des poids lourds électriques, à Bélesta où Cler Verts a créé depuis 2003 une plateforme multifilière qui réunit plusieurs outils de valorisation organique : bois énergie, bois déchets, compostage et méthanisation, et traite plus de 80 000 tonnes de déchets à l’année. « Nous prévoyons de le vider une fois par semaine. Mais compte tenu de la dynamique actuelle, à savoir qu’Urby Toulouse a remporté le marché de la collecte des biodéchets émis par 25 collèges du département, nous serons sans doute amenés à le vider plus souvent. »

De l’or dans les déchets

Cler Verts veut augmenter ses capacités de valorisation des biodéchets. Elle projette la construction de deux nouveaux méthaniseurs, l’un, à court terme, à Gaillac, l’autre, à moyen terme, dans l’agglomération toulousaine. « Nous privilégions la méthanisation pour des raisons économiques et environnementales, détaille Jean-Luc Da Lozzo. En effet, dans le cas de la méthanisation, il n’y a pas de restriction quant à la nature des biodéchets. Ensuite, la méthanisation permet de produire de l’énergie, là où le compostage en consomme un peu. Ensuite, on ne perd aucun intérêt sur le retour au sol de la matière organique puisque le résidu de la méthanisation, le digestat, contient de l’azote, de la potasse et du phosphore. Or, l’actualité renforce malheureusement son intérêt dans la mesure où l’azote est tributaire des prix du gaz et que potasse et phosphore sont des ressources minières finies, dont 90 % proviennent du Canada ou de Russie pour la potasse et du Maroc pour le phosphore… De fait, depuis un an, la hausse du coût des matières premières a vraiment boosté l’appétence des agriculteurs pour ce genre de produit. »

L’engouement pour le compost, lui aussi, ne fait que croître depuis cinq ans. « On voit se dessiner un véritable changement du monde agricole qui raisonne à plus long terme, assure Jean-Luc Da Lozzo. On s’est aperçu que pour qu’un sol soit fertile, la teneur en éléments organiques est très importante. Or, les in0trants issus de la chimie apportent des nutriments mais appauvrissent le sol en matière organique. La prise en compte de la vie du sol redonne de l’attractivité au compost, s’il ne contient pas de boues d’épuration, et au digestat. » Créée en 2003, Cler Verts s’est engagé dans la collecte et la valorisation des biodéchets dès 2010 par compostage puis également par méthanisation dès 2016. Les volumes de biodéchets méthanisés chaque année atteignent désormais près de 20 000 tonnes collectées auprès des grandes et moyennes surfaces, la restauration collective (dont Sodexo, Elior, McDonald’s et Carrefour), et des ateliers de transformation agroalimentaire. De quoi produire de l’électricité pour alimenter un millier de foyers.

35 000 tonnes de déchets organiques traités

Après le rachat fin décembre de Valo-Verte, un site de compostage dans le Tarn, ce sont 35 000 tonnes de déchets organiques qui seront désormais traités par Cler Verts. En 2024, compte tenu d’un marché très dynamique, l’entreprise prévoit de traiter 20 000 tonnes supplémentaires. « Cela dépendra des choix politiques et des modes d’organisation de collecte qui seront développés. Car si du côté des entreprises, nous allons travailler avec les syndicats professionnels auprès desquels nous pourrons être un levier, autant du côté des ménages, ce sont les collectivités qui organiseront les collectes. Beaucoup travaillent sur le sujet et réfléchissent à ce qui pourra relever du compostage individuel et ce qui sera traité via des points d’apport volontaire, à l’image de la collecte de verre par exemple. Nous allons d’ailleurs dans les prochaines semaines faire des offres sur ce sujet. »

À Bélesta, Cler Verts, qui a levé en fin d’année dernière 10 M€ auprès du fonds Calcium Capitals, projette d’investir près de 3 M€ dans la création sur son site historique d’une usine de production de biochar (un charbon biologique) ainsi qu’une unité d’ensachage de compost. Cler Verts, qui emploie 53 salariés, prévoit d’embaucher cinq personnes supplémentaires d’ici la fin de l’année pour un chiffre d’affaires de 12,5M€. De son côté, Urby Toulouse, créée en 2018, compte 46 salariés pour un chiffre d’affaires de 2 M€.