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Isae-Supaéro : Naomi Murdoch reçoit 2,3 M€ pour ses travaux sur la gravité

Recherche. Physicienne et planétologue à l’Isae-Supaéro, Naomi Murdoch vient d’obtenir une bourse de 2,3 M€ sur cinq ans pour son projet GRAVITE dont l’ambition est de concevoir une machine à gravité variable pour simuler et étudier des sols extraterrestres.

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Photo de Naomi Murdoch
Naomi Murdoch vient d’obtenir une bourse de 2,3 M€ pour son projet GRAVITE (©ISAE-SUPAERO).

La géophysique des astéroïdes et des planètes terrestres est le péché mignon de Naomi Murdoch, une Écossaise de 39 ans, planétologue et chercheuse à l’Isae-Supaéro. Elle vient de décrocher une bourse européenne de 2,3 M€. Une aide précieuse qui va lui permettre de poursuivre un ambitieux projet d’études des surfaces planétaires, dénommé GRAVITE, qui débutera à l’été prochain pour une durée de cinq ans. Cette bourse lui a été attribuée dans le cadre du programme ERC (European Research Council), reconnu à l’échelle internationale, qui promeut et finance la recherche exploratoire internationale menée au niveau le plus élevé.

L’objectif de ce projet de recherche est de comprendre pourquoi les surfaces planétaires ne se comportent pas toujours comme prévu et ainsi éviter les surprises lors des missions spatiales. Pour ce faire, la Toulousaine d’adoption qui fait partie du groupe de recherche systèmes spatiaux pour la planétologie et ses applications (SSPA) à l’Isae-Supaéro, projette de développer une tour de plusieurs mètres pour simuler différentes situations de gravité.

Saisir le comportement des surfaces

« Prendre en compte le niveau de gravité dans la compréhension du comportement des surfaces quand on les touche – ou, dit autrement, comprendre les propriétés mécaniques de la surface des corps – est un enjeu majeur car la gravité varie énormément d’un corps à un autre. Elle est notamment six fois plus faible sur la Lune que sur Terre et un million de fois plus faible sur un petit astéroïde », détaille la physicienne. Mais d’autres paramètres doivent être pris en compte, comme la nature du sol. L’enjeu fondamental consiste donc à saisir le comportement des surfaces et leurs réactions grâce à l’étude des sols », poursuit-elle. Et la chercheuse d’ajouter :

Nous explorons le système solaire depuis plus de cinquante ans via des missions humaines ou robotiques. Or, bon nombre de ces missions interagissent avec les surfaces (celle de la Lune, de Mars, d’astéroïdes, etc.) et nous avons très souvent des surprises. Depuis quelques années, nous cherchons à recréer l’atterrissage d’un objet sur une surface. Nous avons ainsi appris que lorsque le niveau de gravité est plus bas, un changement se produit dans le comportement des surfaces. Le poids des particules diminue, ce qui entraîne un comportement plus liquide. »

Des travaux que des observations récentes ont permis de vérifier. « Nos résultats, qui datent de 2017, se sont confirmés lors d’une mission de la Nasa, poursuit Naomi Murdoch. En septembre dernier, la mission Osirix-Rex a ramené un échantillon de l’astéroïde Bennu, dont le le sol avait été caractérisé comme solide à partir des images fournies. Cependant à l’instant où la sonde a touché la surface de l’astéroïde, cette dernière s’est comportée comme un liquide. »

La scientifique et son équipe ont, pendant ces dix dernières années à l’Isae-Supaéro, conçu un prototype de machine pour comprendre les propriétés mécaniques de la surface des corps, au côté du professeur David Mimoun, de l’Isae-Supaero, dans le cadre de la mission InSight. « Imaginez-vous une boite qui tombe, à l’intérieur l’impression d’être en zéro G. Flotter pendant la chute. Nous allons aller plus loin dans le process pour récréer des environnements gravitationnels ».

Ajuster les gravités sur différents niveaux

L’objectif de la nouvelle machine est de permettre « d’ajuster les gravités sur différents niveaux, de 1G à 1/1000e de G et d’étudier l’influence de la gravité sur le comportement des sols. »

Le projet GRAVITE démarrera à l’été 2024 pour une mise en opération des essais scientifiques en 2026. Les 2,3 M€ de la bourse ERC financeront d’une part le personnel et d’autre part le matériel ainsi qu’une partie de la construction de la tour. « Cette bourse me permet de recruter trois thésards et trois post-doctorants ainsi que des ingénieurs pendant cinq ans », précise Naomi Murdoch. Le budget sera complété par l’Isae-Supaéro. Un marché public européen sera publié dans les prochaines semaines, « car il y a beaucoup de travail au préalable et une longue phase de dialogue avec le potentiel fournisseur ».

La jeune femme titulaire d’un master en astrophysique (obtenu à l’université d’Édimbourg en 2007) et d’un doctorat en physique et sciences planétaires (de l’Open University et de l’université de Nice-Sophia Antipolis obtenu en 2012), contribue ainsi depuis plusieurs années à de nombreuses missions spatiales internationales portées par la Nasa (DART, InSight, Mars 2020), par l’Agence spatiale européenne (ESA) (Hera) ou encore par l’Agence spatiale japonaise (JAXA) (MMX).

« J’espère que nos résultats seront applicables, notamment dans deux missions spatiales dans lesquelles je suis très impliquée : Hera et MMX. La mission Hera, dont le décollage est prévu fin 2024, vise à construire un modèle de simulation numérique de collision, qui pourrait servir si la Terre est un jour menacée par un choc avec un astéroïde. Nos travaux pourront ainsi aider à l’atterrissage des deux nano-satellites qui se poseront sur l’astéroïde. Quant à la mission MMX, elle consiste à envoyer le rover franco-allemand Idéfix explorer une lune de Mars, Phobos. C’est la première fois qu’on explorera la surface d’un objet avec une densité de 1500 fois plus faible que sur Terre. » Le nouveau prototype conçu à Toulouse entend servir la communauté scientifique ainsi que les acteurs industriels.