Entreprises

Plan logement, « un désastre pour tout le secteur »

Immobilier. Le président de la Fédération des promoteurs immobiliers Toulouse Occitanie, Stéphane Aubay, réagit aux propositions formulées par le gouvernement pour contrer la crise du logement.

Lecture 7 min
Photo de Stéphane Aubay
Stéphane Aubay, président de la Fédération des promoteurs immobiliers Toulouse Occitanie (Crédit : DR)

C’est peu de dire que les professionnels de l’immobilier n’ont pas bien accueilli les propositions de la Première ministre formulées le 5 juin pour résoudre la crise du logement en France. Plusieurs organisations la FFB, la Fnaim, la FPI, Pôle Habitat-FFB, Procivis, l’Unis et l’Unsfa ont publié un communiqué commun pour exprimer « leur colère », pointant « des mesures non chiffrées, ou pas à la hauteur des enjeux ».

« Sacrifier le seul outil d’accession à la propriété dans le neuf, le prêt à taux zéro (PTZ), dans plus de 90 % des communes, c’est accroître la fracture entre ceux qui ont les moyens de choisir leur mode d’habitation et ceux qui seront assignés à résidence, estiment les organisations signataires.

Supprimer le Pinel sans alternative, c’est nier le rôle du parc locatif privé pour la mobilité de nombreux Français. Ne rien prévoir en soutien des travaux de rénovation énergétique, après avoir annoncé qu’il faudrait investir 48 Mds€ de plus par an pour répondre aux objectifs, c’est aller droit dans le mur. »

« Le gouvernement a réalisé la prouesse de mettre tout le monde d’accord pour dire que le plan proposé n’est absolument pas à la hauteur des enjeux et de la crise actuelle, résume le président de la Fédération des promoteurs immobiliers Toulouse Occitanie, Stéphane Aubay.

En effet, la baisse de production de logements neufs qu’on observe en France depuis quelques années entraîne de vives tensions sur le marché du locatif et sur le marché des ventes. Depuis un an, s’est ajoutée à cela une hausse des taux d’intérêt qui est en train de gripper complètement la production. Ce qui fait que les gens vont avoir de plus en plus de mal à se loger. Qu’ils soient propriétaires ou locataires, que ce soit dans le parc privé ou dans le parc social ».

De fait, poursuit le président de GreenCity Immobilier, « promoteurs et bailleurs sociaux sont en effet intimement liés dans le sens où, en France, les logements sociaux sont produits à 54 % par des promoteurs privés. Dans les opérations que nous réalisons, nous avons habituellement une servitude de mixité sociale qui nous im pose de construire entre 25 et 30% de logements sociaux.

De fait, si nous ne réalisons pas l’opération, nous ne créons pas les logements sociaux qui l’accompagnent. Le problème du logement va donc s’aggraver. Il va devenir de plus en plus compliqué d’habiter près de son travail, obligeant certains à faire 30km parce qu’ils ne trouvent pas de logement dans les zones tendues ou parfois à refuser un travail parce qu’ils ne trouvent pas de logement… La crise du logement est une vraie crise sociale. »

Un gouvernement dans le déni

Le seul point positif, selon Stéphane Aubay, est que « le gouvernement s’est saisi du sujet. La mise en place du Conseil de national de la refondation Logement mis en place par le gouvernement il y a quelques mois pour réfléchir à des solutions pour relancer la production en est l’illustration. Les promoteurs y ont d’ailleurs participé ». Sauf que manifestement, la montagne a accouché d’une souris.

« Il y a, de fait, à l’Elysée, un vrai problème sur la perception de la production de logements neufs. Il considère que le logement, ce n’est pas productif. Il vaut donc mieux investir dans l’industrie par exemple. Alors que le logement neuf, c’est de l’emploi non délocalisable, c’est donc un secteur tout à fait productif ».

Le promoteur toulousain pointe un autre écueil dans le plan du gouvernement. « Pour assurer le parcours résidentiel, il faut en effet différents types de logements : du logement social, du logement en accession à la propriété et du logement locatif privé. C’est lui qui, à travers les dispositifs d’investissement locatif type Pinel, était jusqu’à présent le moteur de l’ensemble, explique Stéphane Aubay.

Prenez une opération de 50 logements, elle comprend une quinzaine de logements sociaux, 17 ou 18 logements locatifs privés vendus en Pinel, et 17 ou 18 logements vendus en accession à la propriété. Sachant qu’une opération de promotion immobilière dure, entre la commercialisation et la livraison, de 24 à 30 mois, autant un investisseur privé qui achète en Pinel est prêt à attendre 24 mois pour être livré, autant un accédant à la propriété ne se projette pas sur une si longue durée.

Dans la réalité, nous vendons la partie sociale à un bailleur social, la partie investissements locatifs et ensuite, seulement quand les travaux ont démarré, les accédants à la propriété se manifestent et n’ont plus à attendre qu’un an à un an et demi, ce qui est “ supportable ” pour quelqu’un qui achète pour habiter. Dès lors, s’il manque un des piliers de ce processus, les opérations ne démarrent pas.

Aujourd’hui, le gouvernement veut remplacer les investisseurs particuliers par des investisseurs institutionnels (sociétés d’investissement, fonds de pension, banques et sociétés d’assurance, NDLR), sauf que ces derniers n’achèteront jamais 15 logements dans une copropriété mixés avec de la résidence principale et du logement locatif social.

Pour savoir un peu comment le marché fonctionne, ces investisseurs institutionnels achètent de préférence à Paris, en couronne parisienne, dans les zones hypertendues, des emplacements premium avec de fortes rentabilités. »

Pas sûr donc, selon Stéphane Aubay, qu’ils se précipitent pour acheter à Tournefueille ou Saint-Orens. « Cela ne marchera jamais ! » Alors que la fin du Pinel est annoncée, le professionnel prédit « un désastre pour tout le secteur du logement neuf ». Dans ce contexte, sa fédération avec l’ensemble des acteurs concernés veut continuer de discuter avec le gouvernement, pour « le ramener à la raison ». Pas facile lorsque « tout est dicté par les économies et pas par l’investissement ».