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À Toulouse, Manon Deschamps plaide pour la création d’un registre national des volontés funéraires

Initiative. À 24 ans, cette jeune clerc de notaire rencontre chaque semaine des familles endeuillées par la perte d’un être cher. Une épreuve difficile à laquelle vient se rajouter une souffrance supplémentaire : celle de n’avoir pas toujours respecté les dernières volontés funéraires des défunts.

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À 24 ans, Manon Deschamps est clerc de notaire au sein d’une étude du centre-ville de Toulouse. Elle travaille au pôle droit de la famille, et donc des successions.

Si la mort fait partie intégrante de la vie, elle reste un tabou puissant dans notre société. Parce qu’elle fait peur, nous évitons d’aborder le sujet en famille, auprès de nos proches et de nos amis. Preuve de ce malaise, même confrontés à la mort, nous avons souvent du mal à trouver les mots pour en parler.

Une réalité que connaît bien Manon Deschamps. À 24 ans, la jeune femme est clerc de notaire dans une étude du centre-ville de Toulouse (Haute-Garonne). En charge des successions, « je me suis trop souvent retrouvée le témoin impuissant de tensions entre membres d’une même famille quant aux dernières volontés d’un de leurs proches », explique l’intéressée. Et de développer :

Aujourd’hui ces dernières volontés, qui peuvent porter sur l’organisation des obsèques, sur ce qu’il adviendra du corps ou encore des directives à l’attention du corps médical sont la plupart du temps inscrites dans des testaments. Or, ces derniers ne sont ouverts et leurs contenus révélés qu’après les obsèques. Du coup, les proches et la famille du défunt ne respectent pas toujours ces volontés par méconnaissance. »

Éviter de rajouter de la souffrance au deuil

Pour la clerc de notaire toulousaine, cette chronologie rajoute du conflit, de la souffrance et de la culpabilité à un deuil souvent immense. « Bien sûr pour éviter cela, déclare-t-elle, il suffirait de confier ces dernières volontés (manuscrites ou à l’oral) à un proche ou une personne de confiance, mais celle-ci peut oublier ou égarer le document, volontairement ou involontairement. Et surtout ces directives peuvent changer/évoluer avec les années. »

C’est donc portée par son expérience, et aussi avec un certain culot, que Manon Deschamps a décidé de prendre ce problème à bras-le-corps. Depuis plusieurs mois, elle plaide pour la création d’un fichier national des volontés funéraires.

Calqué sur le même modèle que le fichier central des dispositions de dernières volontés (FCDDV), qui centralise pour toute la France des informations sur les testaments reçus par les officiers publics et ministériels : « ce nouveau fichier serait uniquement dédié aux volontés funéraires et consultable par les notaires ainsi que, et c’est la nouveauté, par les pompes funèbres », détaille l’intéressée.

Le ministre de la Justice saisi

Son idée est simple : permettre à ces professionnels qui accompagnent avant, pendant et après les obsèques les familles endeuillées, d’avoir accès – sur présentation de l’acte de décès – aux dernières volontés des défunts.

Pour créer ce registre, Manon Deschamps a envoyé sa demande par lettre recommandée au cabinet de la Première ministre et au ministre de la Santé en juin dernier «  pensant que c’était lui qui s’occupait de ce genre d’affaire, indique-t-elle. On m’a finalement répondu que c’est le garde des Sceaux qui serait chargé de ma requête. Si elle est acceptée, ce sera au gouvernement de créer ce registre et d’en définir les contours ».

Encouragée dans sa démarche par ses collègues et ses professeurs, la jeune femme attend désormais une réponse positive de la part du ministre de la Justice. « Je pense sincèrement que ce registre peut décharger d’un poids et d’une responsabilité les familles. Il permettrait aussi de respecter l’intégralité des volontés de nos défunts et plus largement contribuerait à lever le tabou de la mort dans notre pays », conclut avec conviction Manon Deschamps.