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Tribunal judiciaire de Toulouse : le renfort de 17 magistrats jugé insuffisant

Justice. Douze magistrats du siège et cinq parquetiers viennent compléter les effectifs du tribunal judiciaire de Toulouse (Haute-Garonne). Ils ont été accueillis le 8 septembre 2023 à l’occasion de l’audience solennelle de rentrée de la juridiction.

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17 magistrats viennent compléter les effectifs du tribunal judiciaire de Toulouse. Ils ont été accueilli lors de l’audience solennelle de rentrée le 8 septembre 2023. © La Gazette du Midi

En décembre 2022, dénonçant « les conditions indignes » dans lesquelles ils se voyaient contraints de rendre la justice, les magistrats du siège et du parquet du tribunal judiciaire de Toulouse s’étaient mobilisés pour demander à la Chancellerie l’affectation de moyens supplémentaires.

En soutien à ce mouvement, en février 2023, le Barreau de Toulouse avait adressé une lettre de mise en demeure au Garde des sceaux et organisé un procès fictif pour réclamer la nomination de magistrats et personnels de greffe supplémentaires.

Dix mois plus tard, l’appel au secours a-t-il été entendu ? Au moins partiellement, selon Xavier Pavageau, président du tribunal judiciaire de Toulouse. Le magistrat a présidé le 8 septembre, dans la grande chambre de la Cour d’appel, l’audience solennelle de rentrée du tribunal judiciaire. L’occasion pour lui et pour le procureur de la République Samuel Vuelta-Simon d’accueillir les nouveaux magistrats qui ont rejoint la juridiction.

Ils sont dix-sept au total : 12 au siège et cinq au parquet. Soit un chiffre bien en dessous des besoins exprimés par les magistrats eux-mêmes, qui à l’époque, pour faire face à la croissance démographique forte que connait la région, évoquaient la nécessité de recruter « 67 juges, 63 procureurs et 229 greffiers et fonctionnaires ».

Plusieurs magistrats viennent ainsi grossir les effectifs de services dont beaucoup sont en difficulté. C’est le cas du contentieux de la réparation des préjudices des victimes, en grande souffrance depuis plusieurs mois.

Grande souffrance est un mot bien poli pour décrire un service qui est fermé depuis six mois, reconnait Xavier Pavageau. Pourquoi ? parce que le magistrat en charge des intérêts civils en matière pénale était absent et n’a pas pu être remplacé. Il est grand temps en ce domaine de redresser la barre pour le plus grand profit des victimes. A mes yeux, ce n’est pas un objectif mais une obligation de résultat. »

D’autres renforts sont arrivés du côté des affaires familiales. Un service également délicat, qui concerne beaucoup de nos concitoyens. Il connait une situation très difficile depuis 2022 du fait – ce n’est pas très original – de l’état de ses effectifs de magistrats et de personnels de greffe.

Cette situation a sensiblement dégradé les délais de jugement en matière familiale. Il faut huit à neuf mois pour voir un juge et divorcer, pointe le président du tribunal judiciaire. Tout le monde s’en est ému à juste titre. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé, profitant de l’arrivée de ces nouveaux magistrats, de créer deux nouveaux cabinets de juge aux affaires familiales dès septembre. Cela permettra à l’évidence d’améliorer sensiblement le traitement des affaires en ce domaine. »

Effet domino

Le tribunal pour enfants a, lui aussi, traversé un premier semestre 2023 « sinistré ». Alors que ce service est déjà structurellement sous-dimensionné, avec huit juges en Haute-Garonne, contre douze en Gironde, deux juges ont été en arrêt pendant une longue période.

« Il s’agissait d’éviter un effet domino, à savoir que tout le service ne s’écroule, assure Xavier Pavageau avant d’ajouter :

Il a donc fallu faire des choix, dégrader l’activité, ce qui a pu émouvoir, pour essayer de sauver le service. Ces mesures m’apparaissent cependant comme indispensables. Il a notamment fallu renvoyer beaucoup d’affaires pénales concernant des mineurs délinquants. Il a également fallu prendre des mesures en matière éducative sans faire d’audience ce qui est à mille lieues de ce que nous devrions faire… Bref, aujourd’hui nous devons nous réjouir parce que nous allons passer de huit à dix juges des enfants. C’était indispensable, même si je pense que c’est encore insuffisant. Comparé au département voisin, il y a encore quelques marges de progression. »

Le tribunal judiciaire voit également l’arrivée d’une nouvelle juge de l’application des peines. Elle ne va toutefois pas exercée ces nouvelles fonctions dans l’immédiat, puisqu’elle devrait dans un premier temps et sans doute pour quelques mois renforcer les effectifs du service correctionnel, lui aussi mal-en-point.

Délabrement avancé

« Lors des États généraux de la justice en 2022, il avait été fait mention de l’état de délabrement avancé dans lequel se trouve l’institution judiciaire, rappelle le président. Les premiers efforts annoncés se réalisent par des recrutements importants de magistrats et d’agents du greffe puisqu’une trentaine nous a rejoint il y a une quinzaine de jours. Il faut se réjouir devant la création de sept postes nouveaux au tribunal judiciaire pour le siège. Pour autant, la reconstruction du tribunal n’est pas achevée. Nous connaissons encore certaines difficultés. Nous allons travailler là-dessus afin de rendre le meilleur service à nos concitoyens ».

Il pourra compter sur le soutien de la communauté judiciaire et des élus à l’image du président de Toulouse Métropole et maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc.

Lors de sa conférence de presse de rentrée, l’élu s’est exprimé sur le sujet, indiquant que :

Les augmentations d’effectifs sont heureuses parce qu’elles concernent à la fois les magistrats, les greffiers et les personnels administratifs de l’administration judiciaire avec une progression globale sur l’ensemble du pays, planifiée entre aujourd’hui et 2025. Toulouse bénéficie bien évidemment de ces décisions favorables. Pour autant, je vais continuer à me battre car dans les décisions annoncées, les répartitions des créations de poste telles qu’elles ont été cartographiées, je ne perçois pas une correction des déséquilibres dont nous sommes aujourd’hui victimes. Toulouse n’a pas une image dégradée de ce point de vue-là par rapport à d’autres villes que je ne citerai pas. L’inconvénient de cette image sympathique qui est la nôtre, c’est que vu de Paris et de la Place Vendôme, ils se disent : "ils n’ont pas besoin de grand-chose" ».

Malgré ces avancées, les déséquilibres demeurent patents selon l’édile. « Tout cela augure des démarches que j’aurai à faire en direction du ministère de la Justice », conclut-il.