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Démocratisation du télétravail : quelle protection pour les salariés ?

Interview. Depuis la crise sanitaire, le télétravail s’est généralisé et le législateur a suivi l’évolution imposée par les nécessités de protection des salariés. Aujourd’hui, le cadre est fixé. Quel est-il ? Le point avec Anne-Lise Castell, juriste aux Éditions Tissot, spécialistes du droit du travail.

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Photo d'une personne en télétravail
La crise sanitaire a provoqué une accélération sans précédent de la pratique du télétravail, un phénomène déjà en marche avant 2020. Les accords de télétravail ont ainsi été multipliés par dix entre 2017 et 2021. (©Pexels)

Comment le télétravail se met-il en place ?

Il peut faire l’objet d’un accord collectif ou, à défaut, d’une charte élaborée après avis du comité social et économique (CSE), s’il existe. Il est toutefois possible de l’instaurer en signant de simples accords avec les salariés.

Quels sont les points qui doivent dorénavant être examinés dans l’accord ou la charte sur le télétravail ?

L’accord ou la charte doivent trancher les points suivants :

• les conditions de passage en télétravail et de retour au présentiel, en particulier en cas d’épisode de pollution ;
• les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en oeuvre du télétravail ;
• les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail ;
• la détermination des plages horaires durant lesquelles l’employeur peut contacter le salarié en télétravail ;
• les modalités d’accès des travailleurs handicapés et des salariées enceintes au télétravail.

Quelle protection spécifique pour ceux qui ont le statut d’aidants ?

Il n’existait pas, jusqu’au 21 juillet 2023, de droits spécifiques pour les salariés parents d’enfants malades ou encore aidants d’un enfant, d’un parent ou d’un proche dans l’accès au télétravail. Il faut aujourd’hui inclure dans l’accord ou la charte les modalités d’accès de ces salariés au télétravail. Les entreprises qui n’ont pas d’accord ou charte et formalisent le télétravail par tout moyen, doivent, au surplus, motiver le refus d’une demande formulée par un travailleur handicapé ou un proche aidant.

Photo d'Anne-Lise Castell
Anne-Lise Castell, juriste aux Éditions Tissot, spécialistes du droit du travail. (©DR)

Quelle protection sociale pour les salariés transfrontaliers ?

Un salarié qui travaille dans deux Etats peut être rattaché à la Sécurité sociale de son pays de résidence s’il y travaille au moins 25 % de son temps. Depuis le 1er juillet 2023 et pour cinq ans, un accord-cadre européen sur le télétravail des salariés transfrontaliers permet le maintien à la législation de Sécurité sociale de leur État d’emploi des salariés frontaliers qui télétravaillent moins de 50 % de leur temps de travail dans leur État de résidence.

Si, par exemple, un salarié est employé par une entreprise suisse et télétravaille jusqu’à 49,9 % de son temps en France, il peut rester rattaché à la Sécurité sociale suisse. La demande de maintien à la législation de Sécurité sociale de leur Etat d’emploi doit résulter d’un accord entre le salarié transfrontalier et l’employeur.

Quelles évolutions pourraient survenir en terme par exemple d’égalité femmes-hommes ?

Le Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes recommande :
• de croiser les négociations sur le télétravail et sur l’égalité professionnelle, pour intégrer le sujet de l’égalité professionnelle dans toutes ses dimensions dans les accords collectifs ou les chartes sur le télétravail et, inversement, introduire un thème dédié au télétravail dans les accords égalité professionnelle/QVCT.
• de réintroduire dans le Code du travail le principe selon lequel l’employeur doit prendre à sa charge tous les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail, particulièrement dans le contexte actuel de l’augmentation du coût de l’énergie. Pour rappel, les pouvoirs publics ont annoncé la reconduction du régime fiscal de faveur concernant les allocations versées aux salariés en 2022. Elles sont donc non imposables et exonérées de charges sociales dans certaines limites.

Qu’en est-il concernant le télétravail face aux aléas climatiques ? Je pense notamment aux périodes de canicule ?

Pendant l’été, une proposition de loi visant à adapter le Code du travail aux conséquences du réchauffement climatique a été déposée. Il est notamment prévu d’interdire de soumettre un travailleur à une activité en cas d’activation du niveau 4 de vigilance météorologique (rouge), hors professions déterminées par décret et aussi de limiter le travail à 6 heures par jour en cas de vigilance 3 (orange).

L’employeur prendrait alors les mesures nécessaires d’aménagement du poste de travail, incluant un recours possible au télétravail.Reste à savoir si cette proposition de loi sera retenue et inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.