Anthony Mandirac
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Anthony Mandirac

Une maison dans les vignes.

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À la tête de la Maison Sarment, le Blagnacais Anthony Mandirac est devenu en deux décennies, l’un des principaux distributeurs et importateurs de vins de la place toulousaine (©Maison Sarment).

Une société de distribution et d’importation de vins et spiritueux, une loge au marché Victor Hugo, un bar à vins aux Carmes : en 20 ans, Anthony Mandirac a bâti patiemment la Maison Sarment, un groupe qui réalise aujourd’hui 2 M€ de chiffre d’affaires par an et emploie sept salariés.

Une belle performance pour ce « caouec », fils et petit-fils de maçons, descendant d’une lignée d’immigrés italiens installée à Blagnac qui, de son propre aveu, « ne connaissait rien du tout au vin » avant de se lancer dans l’aventure.

En revanche, explique-t-il, « j’ai toujours eu l’entrepreneuriat dans le sang. D’ailleurs, tout le monde dans ma famille, hormis mes parents, a une entreprise ». Anthony Mandirac a fondé la sienne à 25 ans après avoir obtenu un DUT d’analyste programmeur à Blagnac puis un bachelor à l’ESC Toulouse, aujourd’hui TBS Education.

Une première orientation un peu par défaut : « J’ai suivi mon meilleur ami », sourit-il. Et puis, l’informatique, à l’époque, « c’était un peu la voie d’avenir ». Sauf que l’étudiant déchante très vite. « Je n’étais pas fait pour les algorithmes. Ni pour rester dans un bureau devant un ordinateur. » Une professeure d’économie de l’IUT va lui sauver la vie. « Elle m’a dit que je n’étais pas fait pour l’informatique. En revanche, m’a-t-elle assuré, j’étais doué pour le commerce. Du coup, elle m’a fait une lettre de recommandation pour l’ESC. » C’est là qu’il rencontrera ses futurs associés, Guillaume Douat et Arthur André.

Anthony Mandirac effectue sa troisième année d’études à Londres, pendant que ses deux amis optent pour le soleil de Barcelone. Le Blagnacais a une idée en tête, inspirée par un précédent voyage de fin d’études à Montréal. « Je voulais faire de l’import-export de textile. Il fallait donc parfaitement maîtriser l’anglais ». À Londres, l’intéressé étudie le jour et la nuit décharge les avions-cargos à Heathrow. Mais surtout, explique-t-il : « j’ai découvert le système anglo-saxon, que ce soit dans le commerce, la formation, l’entrepreneuriat… »

De retour à Toulouse, le jeune diplômé intègre une banque privée comme conseiller en gestion de patrimoine. Une expérience décevante à laquelle il met un terme au bout de six mois, pour, en compagnie de Guillaume Douat, rejoindre un cousin sommelier à la tête d’une entreprise spécialisée dans la vente aux enchères de vins et spiritueux. Les deux amis en ont cependant vite fait le tour et décident de se lancer de leur côté dans une activité de grossiste en vins auprès des restaurateurs toulousains. « On a commencé par une pizzeria, un petit restaurant, puis un autre à Victor Hugo et puis notre quatrième client, l’Holiday Inn, nous a demandé notre Kbis. Là, on s’est dit qu’il était temps de créer notre société ».

En 2003, le duo crée Vin sur 20. « On avait gagné 10 000 francs. Le comptable nous en a demandé 12 000 pour créer la société. J’avais une Clio et Guillaume sa 205. Mon oncle et ma tante nous ont laissé une petite partie de leur entrepôt pour stocker du vin. Un an et demi, après on avait rempli l’entrepôt. »

« Deux petits jeunes avec un petit catalogue »

S’ils n’ont pas encore tous les codes du vin, les deux amis sont d’excellents commerciaux. « J’ai fait 17 ans de porte-à-porte pour vendre chez les restaurateurs. À la différence des vendeurs reconnus qui avaient de belles cartes de vins ou de belles maisons de champagne, nous, on avait quelques bouteilles de vins de Pays d’Oc, un peu de côtes de Gascogne et puis c’est parti. » Si bien parti que leur chiffre d’affaires double chaque année tandis que la taille de l’entrepôt grossit elle aussi à vue d’œil. La recette de ce succès ?

On part de ce que veut le restaurateur, et ensuite on va trouver chez les vignerons ou sur les salons ce que demande le marché, au prix qu’il est prêt à payer. C’est un gros travail de sourcing et de négociation. »

Aujourd’hui, il travaille avec une soixantaine de producteurs. En 2009, Guillaume Douat se retire de la société pour s’adonner à la scène, sa passion. Jusqu’en 2017, qui voit l’arrivée d’Arthur André dans l’équipe, Anthony Mandirac reste seul aux commandes. Il construit pierre après pierre sa future maison : il ouvre un site de vente en ligne pour cibler les particuliers, rachète une loge au marché Victor Hugo, qui abrite une cave. Entre-temps, il a racheté les portefeuilles de deux importateurs de vins italiens et espagnols.

« Il y a des modes dans le vin, explique-t-il. Un temps, c’étaient les vins espagnols qui marchaient bien. On a aussi importé beaucoup de vins argentins et chiliens. Mais, le Covid a mis un grand coup d’arrêt à ces importations de vins d’Amérique du Sud. Cette année, ce sont des vins italiens qui marchent bien. » Prosecco mais aussi vins des Pouilles, de Toscane et de Vénétie, soit quelque 100 000 bouteilles les 300 000 vendues chaque année par Vin sur 20. Aujourd’hui, ce sont aussi les vins bios, naturels, les no/low qui plaisent de plus en plus. « On peut tout vendre si on sait l’expliquer », assure-t-il.

En novembre 2019, la maison s’agrandit. Anthony Mandirac et son épouse ouvrent un bar à vin place des Carmes, la Maison Sarment, un nom appelé à devenir la marque ombrelle du groupe. Covid oblige, la boutique restera fermée jusqu’en juin 2021. Depuis, la nouvelle adresse a conquis son public de particuliers et d’entreprises.

C’est un vrai bar à vin. C’est-à-dire que le service est fait par quelqu’un qui s’y connaît, un sommelier, qui va vous expliquer ce qu’il vous sert, parler du vigneron, du terroir, du cépage et de la typicité. On privilégie la qualité avec un prix cohérent plutôt qu’un petit prix et de la marge. »

Jamais à court d’idée, Anthony Mandirac a déjà jeté les fondations pour construire la suite : le développement d’une agence commerciale pour toucher la clientèle des cavistes, l’import-export en Europe, une percée dans l’œnotourisme, et pourquoi pas un jour lancer un vin sous sa marque ?