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L’audois Tracto-Lock révolutionne l’agriculture avec son système d’attelage universel semi-automatique

Agriculture. Lauréate du concours Les Inn’Ovations 2023, l’entreprise de Saint-Papoul débutera l’an prochain la commercialisation de son dispositif qui permet de simplifier et de sécuriser le travail des agriculteurs tout en leur faisant gagner du temps. Une innovation fruit de plus de 10 ans de travail.

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Photo de Romain Ribo
Romain Ribo est le fondateur de Tracto-Lock, une start-up audoise qui développe un système d’attelage universel semi automatique pour relier le tracteur à ses outils (© Tracto-Lock).

Transformer radicalement les pratiques agricoles, c’est ni plus ni moins ce qu’ambitionne de faire Tracto-Lock avec son système d’attelage universel semi-automatique pour les outils portés, semi-portés et trainés. La start-up installée à Saint-Papoul, près de Castelnaudary, dans l’Aude, a été créée en 2012 par Romain Ribo, fils d’agriculteur. Après avoir bifurqué professionnellement, son père est revenu à l’agriculture à l’heure de la retraite. Constatant qu’atteler ses différents outils (charrue, semoir, pulvérisateur…) à son tracteur était toujours aussi compliqué et chronophage, le père a cherché une solution pour rendre cette étape plus facile, mais en vain. Les deux hommes ont alors décidé de plancher sur un système qui permette de relier les outils au tracteur beaucoup plus facilement et surtout en supprimant les dangers associés à cette étape.

« L’attelage et le dételage, dans le domaine agricole, sont des phases très accidentogènes », détaille Quentin Derouck, directeur commercial chez Tracto-Lock. De fait, un agriculteur monte et descend de son tracteur plusieurs fois par jour, notamment pour atteler et dételer ses outils, une activité manuelle fastidieuse et surtout à haut risque selon la Mutuelle sociale agricole. 52 % des accidents surviennent en effet au moment de la montée et de la descente du tracteur et 9 % lors de la phase d’attelage-dételage. En France, chaque année, on dénombre ainsi plus de 440 accidents liés à ce moment-clé dont 60 accidents graves.

10 ans de recherche

Après dix ans de R & D et des heures de tests chez les agriculteurs du coin, la solution longuement mise au point devrait être commercialisée en 2025. Et Quentin Derouck de préciser :

Si cela a pris autant de temps, c’est que notre ambition est de développer un système universel qui peut être utilisé avec tous les tracteurs et tous les outils pour répondre à la totalité du marché. »

À moyen terme, l’objectif de Tracto-Lock est de faire de son dispositif d’attelage automatique une véritable norme. Dans le domaine agricole, de telles normes existent déjà, notamment le système trois points mis au point par Massey Fergusson, mais il est loin de résoudre toutes les difficultés liées à la phase d’attelage et de dételage.

Relier un outil au tracteur comprend jusqu’à présent plusieurs phases : en premier lieu assurer la liaison mécanique via le système trois points ; ensuite, afin de transmettre la puissance aux outils animés (pour travailler la terre ou semer par exemple), procéder à l’accroche de la prise de force, via un arbre à cardan qui tourne à 1000 tours minutes, « ce qui constitue le moment le plus dangereux », souligne Quentin Derouck ; enfin, pour permettre à certains outils de se plier et de se déplier, procéder à l’accroche des connexions hydrauliques. « Aujourd’hui, notre système semi automatique permet de faire toutes ces étapes (relier l’outil, les connexions hydrauliques et la prise de force) sans descendre du tracteur ».

Gain de temps et d’argent

La photo du système Tracto-Lock
L’opération d’attelage et de dételage peut être réalisée depuis la cabine du tracteur en moins d’une minute (© Tracto-Lock).

Le dispositif se compose de plusieurs châssis, l’un positionné à l’arrière du tracteur et les autres sur les outils, et cela sans qu’aucune modification ne soit nécessaire. « Depuis sa cabine, l’agriculteur, n’a plus qu’à reculer vers l’outil, et à valider certaines étapes d’emboitement via une télécommande. L’attelage se fait en moins d’une minute ! » Au-delà de l’aspect sécurité et gain de temps, Quentin Derouck pointe un autre avantage : l’autonomie. « Notre système permet à l’agriculteur ou l’agricultrice de mener ces tâches seul, alors qu’aujourd’hui pour atteler manuellement certains outils la présence d’un tiers est indispensable », ajoute le directeur commercial.

Le système proposé par Tracto-Lock doit aussi permettre d’optimiser l’exploitation agricole en réduisant le parc de machines. En effet, poursuit Quentin Derouck :

Compte tenu de ces difficultés liées à l’attelage, dans beaucoup d’exploitations, les outils les plus compliqués restent attelés au tracteur, qui est alors dédié à une seule tâche. Cela contraint les agriculteurs à multiplier le nombre d’engins qu’ils possèdent. »

Selon les chiffres du ministère de l’Agriculture, on compte en moyenne en France trois tracteurs et sept à huit outils par exploitation, ce qui représente pour l’exploitant un effort financier considérable quand on sait que le prix d’un tracteur varie de près de 100 000 € à plus de 450 000 € selon sa puissance… « On peut imaginer que l’agriculteur décide d’équiper tous ses outils avec notre système. Mais plus vraisemblablement, comme il est réversible, c’est-à-dire qu’il peut être installé et désinstallé en quelques minutes, il décidera en fonction de la saison d’installer le dispositif sur les outils utilisés à ce moment-là de l’année puis de changer au fil du temps. Ce qui permettra de diminuer son investissement. Pour équiper un tracteur et trois outils avec notre système d’attelage universel, il faudra compter dans les 20 000 € », précise Quentin Derouck.

L’international en point de mire

L’entreprise audoise, qui travaille avec des sous-traitants tous basés en Occitanie, va démarrer à la rentrée 2024 la fabrication d’une pré-série en vue d’équiper plusieurs exploitations ainsi que des lycées agricoles pour mener, dans les prochains mois, une nouvelle campagne de tests à plus grande échelle et récolter les derniers retours d’expérience. Son objectif est en effet de lancer une première série, puis la commercialisation l’année prochaine, auprès des agriculteurs en direct ou à travers le réseau des concessionnaires de machines agricoles. « On imagine également que les agriculteurs équipés de notre système deviennent eux-mêmes prescripteurs auprès de leur communauté, voire installateurs. On réfléchit de plus en plus à la mise en place d’un système d’ambassadeurs », ajoute le directeur commercial, un peu à la manière des ventes Tupperware.

Lauréate au printemps 2023 du concours Les Inn’Ovations organisé par Ad’Occ, l’agence régionale de développement économique, Tracto-Lock, qui emploie aujourd’hui quatre salariés, a reçu à ce titre une aide de 25 000€. L’entreprise est accompagnée par le pôle de compétitivité Agri Sud-Ouest Innovation mais aussi par la Région notamment via un contrat Export. « Nous avons également travaillé avec Business France et Team France Export sur une étude de marché assez poussée sur l’Amérique du Nord. Nous avons ainsi pu commencer à identifier des relais de distribution à la fois aux États-Unis et en Europe car dès que la commercialisation sera lancée, l’internationalisation devra suivre très vite », conclut Quentin Derouck.