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En 2023, le chômage des dirigeants d’entreprise a explosé en Occitanie

Conjoncture. L’année 2023 a été particulièrement rude pour les chefs d’entreprise occitans, notamment ceux à la tête de TPE. C’est ce que révèle la dernière étude publiée par l’Observatoire de l’emploi des entrepreneurs de l’association GSC et du groupe Altares. 4 924 d’entre eux ont ainsi perdu leur emploi, soit une accélération de + 38,7 % sur un an. Plus que les chiffres, c’est la tendance qui inquiète.

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Photo d'un chef d'entreprise
4 924 chefs d’entreprise ont perdu leur emploi en Occitanie en 2023, c’est 1 374 femmes et hommes de plus qu’en 2022, soit une accélération de +38,7 % sur un an. Les professionnels du secteur de la construction sont parmi les plus touchés. (©Pixabay)

Les chiffres ne sont pas bons, ils sont même inquiétants. En 2023, en Occitanie, chaque jour près de 13 chefs d’entreprise se sont retrouvés au chômage selon l’Observatoire de l’emploi des entrepreneurs de l’association GSC et du groupe Altares. L’année dernière, 4 924 d’entre eux ont ainsi perdu leur emploi, c’est 1 374 femmes et hommes de plus qu’en 2022, soit une accélération de + 38,7 % sur un an. Le nombre de dirigeants en situation de perte d’emploi dépasse désormais les seuils d’avant crise Covid-19 et atteint son plus haut niveau depuis la crise financière de 2016.

Si pour Anthony Streicher, le président de l’association Garantie sociale des chefs d’entreprise (GSC), ces chiffres sont « alarmants », ils n’ont malheureusement rien de surprenants. Et pour cause explique-t-il : « Entre les hausses des taux d’intérêt, le surendettement des entreprises, la fin des aides Covid et du moratoire de l’Urssaf… de nombreux indicateurs laissaient craindre une accélération des liquidations judiciaires en France avec des pertes d’emploi importantes à la clé ». Et pourtant, « ce n’est pas faute d’avoir alerté sur cette réalité », renchérit l’intéressé qui fustige l’inaction ambiante, appelle à la mobilisation générale et insiste « sur la nécessité de mieux informer les dirigeants d’entreprise sur les solutions perte d’emploi à leur disposition ».

Le chômage frappe plus durement les patrons de TPE

Autre constat peu réjouissant lui aussi, l’âge médian des entrepreneurs impactés s’établit à 46,9 ans. Dans les départements du Gard et du Gers, il atteint même 48,3 ans, ce qui pose bien évidemment la question « du rebond professionnel pour cette population d’actifs matures ».

Issue de l’analyse des données des entreprises placées en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce ou le tribunal judiciaire, cette étude publiée le 17 mars 2024 nous apprend également que près de huit entrepreneurs sur 10 ayant perdu leur emploi en 2023 dirigeaient une structure de moins de trois salariés. Ces résultats viennent confirmer une tendance déjà observée, à savoir la plus grande vulnérabilité des TPE (moins de 10 salariés) dans un contexte de forte inflation et donc de ralentissement de l’économie, comme le confirme Frédéric Barth, le directeur général d’Altares :

Le nombre de défaillances a augmenté de 36 %, une tendance lourde mais pas surprenante après la parenthèse Covid. Les très petites entreprises sont les plus nombreuses. Ces TPE sont généralement des structures familiales participant depuis plusieurs années à animer l’économie locale. De santé financière parfois fragile, elles doivent faire face depuis plusieurs mois à une trésorerie qui se dégrade conduisant de plus en plus de dirigeants à devoir solliciter l’accompagnement du tribunal. »

Des disparités sectorielles et géographiques

Carte du nombre de chefs d'entreprise au chômage en Occitanie
(©source l’Observatoire de l’emploi des entrepreneurs de l’association GSC et du groupe Altares)

Du côté des secteurs les plus touchés, ce sont les entrepreneurs de la construction (+43,9 %) et du commerce qui concentrent le plus de difficultés avec respectivement 1 184 et 1 170 dirigeants ayant perdu leur emploi en 2023. La hausse est aussi supérieure à 41 % dans le secteur de l’hébergement, restauration et débit de boissons. Cela représente exactement 825 personnes. Si le secteur agricole occitan n’échappe pas à cette tendance négative, il présente une plus faible hausse des pertes d’emploi des chefs d’entreprise (+ 1,2 %). Dans le détail, seules les activités liées à l’élevage enregistrent un net recul (- 25, 9 %). « Certains secteurs comme le bâtiment devraient voir leur activité repartir mais l’année 2024 s’annonce tout aussi délicate », prévient Anthony Streicher.

Ces disparités ne sont pas seulement sectorielles, elles sont aussi géographiques. Si sans grande surprise, la Haute-Garonne est le territoire le plus impacté avec 1 160 entrepreneurs ayant perdu leur emploi (+ 47,8 %), quatre autres départements dépassent la barre des 40% de progression : Hautes-Pyrénées (+ 49,5 % ; 160), Ariège (+ 43,2 % ; 106), Tarn-et-Garonne (+ 42,8 % ; 227) et Tarn (+ 40,4 % ; 285). La Lozère et l’Aveyron enregistrent la plus forte évolution avec respectivement + 106,3 % et + 100 % de dirigeants en situation de chômage. Seul le Lot enregistre un recul d’1 % des pertes d’activité en Occitanie en 2023.

Enfin, alors que l’inflation baisse plus vite que prévu dans la zone euro, 2024 peut-il incarner l’année du grand rebond en matière de maintien en emploi - et aussi de créations d’emploi - pour les chefs d’entreprises ? Rien n’est moins sûr pour Frédéric Barth : « La croissance est attendue faible cette année et les défauts d’entreprises plus nombreux qu’en 2023. L’anticipation des risques sera donc déterminante. »