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En Occitanie aussi les buralistes se diversifient pour continuer à exister

Interview. Confrontés à une hausse du prix du tabac et à une baisse des volumes de ventes, les buralistes se sont engagés dans une dynamique de transformation de leur modèle économique. Six ans après la signature d’un premier protocole entre l’État et la Confédération nationale des buralistes visant à faciliter la diversification d’activités des bureaux de tabacs, où en est-on ? Éléments de réponse avec Thierry Arnaudin, président régional des buralistes d’Occitanie.

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Photo d'un buraliste
Pour faire face à la chute de la consommation du tabac, les 1 800 buralistes d’Occitanie diversifient leurs activités grâce notamment à un dispositif d’aide à la transformation, créé en octobre 2018, est reconduit pour la période 2023-2027. (©Gazette du Midi)

Avant de revenir en détail sur ce plan de transformation, pouvez-vous faire un état des lieux général du réseau ?
Thierry Arnaudin : « En 15 ans, 10 000 buralistes ont disparu en France. Le territoire compte aujourd’hui 23 000 points de vente, dont 1 800 en Occitanie. Le réseau génère plus de 80 000 emplois et près de 10 millions de Français franchissent chaque jour la porte d’un bureau de tabac. En 2022, 40 milliards d’unités ont été livrés aux buralistes dans l’Hexagone, dont 31 milliards de cigarettes. L’année dernière, les buralistes ont réalisé 17,4 Mds€ de chiffre d’affaires global. Enfin, et c’est très important de le souligner, près de 40 % de la consommation de tabac provient des marchés parallèles. »

Avec des paquets de cigarettes qui dépassent désormais les 11 € et un marché parallèle qui se porte bien en France, la vente de tabac est-elle encore aujourd’hui la principale source de revenus des débitants ?
Thierry Arnaudin : « La réalité n’est pas la même pour tous et dépend principalement de la situation géographique du buraliste, autrement dit s’il est installé en plein centre-ville, en périphérie ou en zone rurale. Pour certains, l’activité tabac représente plus que 70% de leur chiffre d’affaires, pour d’autres ce chiffre tombe à 20%. Le reste étant assuré par la vente de produits et de services variés : jeux, presse, épicerie, relais colis, compte Nickel, encaissement des factures de services publics (cantines, crèches, hôpitaux, etc.) et de certaines amendes… Mais pour plus de la moitié des 23 000 débitants français, la vente de tabac reste encore aujourd’hui leur principale source de revenus. »

En 2018, l’État a lancé un dispositif d’aide pour soutenir et accompagner les buralistes dans la transformation profonde de leur métier. Au final, de quel montant ce fonds de transformation a-t-il été doté et pour quels résultats ?
Thierry Arnaudin : « Au plan national, le ministère de l’Économie a débloqué 100 M€ pour le fonds de transformation sur la période 2018-2022, soit 20 M€ par an. Après des audits menés par les CCI, l’État a pu accorder des aides à hauteur de 30 % des investissements soit 33 000 € maximum aux buralistes qui souhaitaient réaliser des travaux pour transformer leur point de vente. Ça n’a pas forcément été simple à mettre en place au départ, mais nous ne pouvions plus nous laisser damer le pion par des commerces qui ne sont pas soumis aux mêmes règles et impératifs que nous (stages, protocoles…), à l’image des boutiques de cigarettes électroniques. Outre proposer de nouveaux services et vendre des produits annexes, il fallait moderniser, relooker nos bureaux de tabac. Mais cela demandait des moyens et des investissements parfois conséquents que beaucoup ne pouvaient pas se permettre. Le fonds de transformation a permis de changer la donne avec des résultats immédiats (augmentation des produits à marge, augmentation du chiffre d’affaires…) pour les 5 000 débitants qui en ont bénéficié, dont 900 en Occitanie. En tout, 7 000 dossiers ont été déposés. À noter que le Tarn-et-Garonne, grâce notamment à la forte implication de la CCI, a été le bon élève de cette première phase du plan de transformation. »

Le 19 janvier 2023, Gabriel Attal – alors ministre délégué des Comptes publics – a signé la prolongation sur cinq ans des aides d’État aux buralistes, pour un montant de 290 M€. Quel est l’objectif de cette “phase deux” ? Par ailleurs, celle-ci répond-elle à vos prétentions en matière de rémunération ?
Thierry Arnaudin : « Cette nouvelle phase doit nous permettre de poursuivre et surtout d’accélérer notre diversification. L’objectif est de doubler d’ici 2027 le nombre des débits de tabac transformés en commerces dits d’utilité locale. Cette enveloppe comprend aussi une participation de l’État pour soutenir les buralistes les plus exposés au trafic de tabac et donc les plus pénalisés. Véritable filet de sécurité, ces aides ciblées doivent leur permettre de maintenir leur chiffre d’affaires le temps de trouver une solution pérenne. À cela s’ajoutent 15 M€ par an pour aider la profession à se sécuriser face aux cambriolages et aux actes violents. Les buralistes toucheront également davantage par paquet de cigarettes vendu, avec une part qui passera progressivement de 8,1% aujourd’hui à 8,35% en 2025. »

Cette diversification s’accompagne-t-elle d’un plan de formation ?
Thierry Arnaudin : « Oui bien sûr. Depuis longtemps, le réseau s’appuie sur son propre organisme de formation professionnelle. Les buralistes d’Occitanie peuvent y suivre des formations sur des sujets précis : connaître les fondamentaux du CBD et développer une offre pertinente de produits associés ; connaître la réglementation en vigueur sur les produits de vapotage et savoir conseiller les clients ; comment négocier efficacement avec son banquier ; comment gérer sa comptabilité… L’idée est vraiment de les aider à développer de nouvelles compétences. »