Entreprises

En Occitanie, près de 262 000 embauches projetées en 2024, dont seulement un tiers de CDI

Emploi. Dans un contexte économique tendu, les entreprises, qui manquent de visibilité, ont revu à la baisse leurs projets de recrutement pour l’année en cours. Qui plus est, ces intentions d’embauches portent sur des contrats de plus en plus précaires. C’est ce qui ressort de la nouvelle enquête Besoins de main-d’œuvre de France Travail, présentée à Toulouse le 24 avril 2024.

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Photo de Christophe Carol et Pierre Brossier
Christophe Carol, directeur régional adjoint France Travail Occitanie et Pierre Brossier, responsable Études et Statistiques ont présenté le 24 avril à Toulouse les résultats de la nouvelle enquête Besoins de main-d’œuvre (© La Gazette du Midi).

Conséquence du ralentissement économique observé depuis fin 2023, après les deux années très dynamiques qui ont suivi le Covid, les intentions d’embauche marquent le pas dans la région Occitanie. C’est ce qui ressort de la nouvelle enquête Besoin de main d’œuvre (BMO) de France Travail dont les résultats ont été dévoilés à Toulouse le 24 avril. Cette étude a été menée entre octobre et décembre 2023 auprès de quelque 160 000 établissements de la région. Son ambition est de mieux identifier les besoins des entreprises et les difficultés de recrutement qu’elles rencontrent afin de mieux les accompagner. Elle doit permettre aussi de mieux orienter les demandeurs d’emploi et de financer des formations.

261 810 recrutements sont en effet prévus en Occitanie en 2024, soit 18 000 de moins qu’il y a un an, un recul de 6,5 %. À l’échelle nationale, la baisse des intentions d’embauche est encore plus marquée puisqu’elle atteint 8,5 %. Alors qu’en région, France Travail recense 535 000 demandeurs d’emploi de catégorie A, B et C, 28 % des entreprises interrogées déclarent vouloir recruter cette année, un chiffre en retrait de deux points par rapport à l’enquête BMO 2023. Le contexte économique et géopolitique (guerre en Ukraine, inflation, sécheresse, délai d’approvisionnement, ralentissement de la croissance…) est pour beaucoup dans ce repli des intentions d’embauche : 29 % des entreprises confirment qu’il a joué dans leurs projections.

Un tiers de CDI seulement

Seule la moitié des embauches prévues (51 %) devrait donner lieu à la signature de contrats durables, à savoir des CDI et des CDD de plus de six mois, une proportion bien moindre qu’il y a un an : en 2023, les contrats durables représentaient 71 % des prévisions de recrutement. La part des CDI a ainsi chuté de 24 points en un an : ils représentaient 57 % du total des projets de recrutement en 2023 contre 33 % seulement en 2024. Un recul qui s’explique, selon Pierre Brossier, responsable Études et Statistiques au sein de France Travail Occitanie, par « le manque de visibilité » des entreprises. Cette incertitude se traduit aussi par une baisse du nombre d’offres d’emploi gérées par France Travail (3,5 millions en 2023 contre 3,6 millions en 2022) : « Les seules qui progressent aujourd’hui sont les offres de moins d’un mois », précise Pierre Brossier. Seul point positif, 62 % des recrutements correspondent à une hausse d’activité des entreprises, c’est trois points de plus qu’il y a un an.

Sans grande surprise, les intentions d’embauche concernent à 64 % les services, un vaste fourre-tout qui regroupe aussi bien l’hébergement et la restauration que les services à la personne et les services aux entreprises. Cependant, tous les secteurs d’activité affichent une baisse des projets de recrutement, celui de la construction accusant le plus fort recul. Les intentions d’embauche dans ce secteur chutent de près de 20 %, soit plus de 4300 recrutements en moins entre 2023 et 2024. Dans le commerce comme dans l’agriculture et les industries agro-alimentaires, les entreprises se montrent également très prudentes : les intentions d’embauche reculent dans ces deux secteurs respectivement de 12,6 % (-4270 embauches) et de 11,1 % (-4570).

Hormis les emplois saisonniers qui représentent 39 % des recrutements en Occitanie, contre 30 % à l’échelle nationale, les métiers les plus recherchés sont pour la plupart peu qualifiés. Il s’agit des aides-cuisiniers et employés de restauration, des agents d’entretien, des aides à domicile et auxiliaires de vie, des aides-soignants, des infirmières et sages-femmes, des serveurs de café-restaurant, des personnels de ménage chez les particuliers, des cuisiniers, des secrétaires et des employés de libre service.

Un recrutement sur deux jugé difficile

Statistiques sur les projets difficiles à caractère non saisonnier

Les recrutements jugés difficiles représentent en 2024 plus d’un projet sur deux (53 %), c’est cependant un peu moins qu’en 2023. L’Occitanie, qui connait le deuxième plus fort taux de chômage de France, est aussi la deuxième région de France où les difficultés de recrutement sont les moins nombreuses, derrière les Hauts-de-France, plus haut taux de chômage de France. Depuis 2019, ces difficultés de recrutement n’avaient pas cessé de croitre pour atteindre leur plus haut niveau l’an dernier, soit 58 %. À noter que les bassins d’emploi de Rodez (12), Tarbes (65), Saint-Gaudens (31), Beaucaire (30) et Muret (31) connaissent le plus fort taux de recrutements jugés difficiles par les employeurs. Ainsi dans la préfecture de l’Aveyron, le phénomène touche 70 % des recrutements. À Muret, ce sont 63 % des embauches qui sont considérées comme difficiles par les recruteurs.

En 2024, le top cinq des métiers en tension est marqué par l’arrivée en pole position des ouvriers mécaniciens, 85 % des recrutements étant jugés comme difficiles, devant les aides à domicile et auxiliaires de vie (76 %), les maçons qualifiés (72 %), les techniciens d’étude et de développement informatique (70 %) et les personnels de ménage chez les particuliers (68 %). Les ingénieurs et cadres d’étude, R&D en informatique et télécoms se hissent en 6e position dans ce classement alors qu’ils étaient au 8e rang l’an dernier.

Les motifs avancés par les chefs d’entreprise pour justifier ces difficultés restent inchangés, la pénurie de candidats figurant au premier rang. Elle-même s’explique, selon les entreprises interrogées par France travail, par « une rémunération trop faible, les horaires de travail, la technicité du poste » ou encore, phénomène de plus en plus important, par «  la concurrence exacerbée que se livrent entre elles les entreprises », précise Pierre Brossier. Et Christophe Carol, directeur régional adjoint France Travail Occitanie d’ajouter :

Ces dernières années, il y a eu beaucoup d’intentions d’embauche. Cela a joué sur le marché du travail, c’est-à-dire que les entreprises les plus offrantes ont trouvé des candidats. Et puis, durant le Covid, beaucoup de salariés se sont interrogés sur leur parcours professionnel et ont fait le choix de se réorienter, ce qui a aussi pu déstabiliser certaines entreprises. Certains secteurs se sont ainsi retrouvés en difficultés parce que leurs salariés, pendant la pandémie, en ont profité pour se former et identifier les entreprises les plus offrantes sur le marché. »

L’autre motif évoqué par nombre d’entreprises pour expliquer ces difficultés de recrutement est l’inadéquation du profil du candidat, les recruteurs ayant relevé « le manque d’expérience professionnelle, le défaut de motivation des candidats ou encore l’absence de formation ».

Développer son attractivité

« Depuis plusieurs années, France Travail tente d’anticiper ces tensions de recrutement  en proposant par exemple des formations, des préparations à l’entretien ou bien en recontactant très rapidement les entreprises confrontées à de telles difficultés, pour notamment revoir avec elles les profils attendus et ainsi adapter les candidatures », poursuit le DGA. L’établissement public travaille plus particulièrement sur les viviers sectoriels que constituent le transport et la logistique, l’hôtellerie-restauration, la santé et l’industrie. Il a également mis en place différents dispositifs dont le contrat d’engagement jeune ainsi que le plan de remobilisation des chômeurs de longue durée « afin de leur ouvrir des perspectives sur des secteurs dans lesquels ils n’avaient pas envisagé de se porter candidat », grâce éventuellement la mise en œuvre de formations.

« De manière globale, nous conseillons aux entreprises de mettre en avant tous les services et avantages liés au contrat de travail, mais aussi tous les éléments relatifs à la qualité de vie et aux conditions de travail, ainsi que les démarches menées sur le plan de la RSE. Ce sont autant de facteurs qui peuvent attirer les candidats », conclut Christophe Carol.