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Le CNCT réagit aux conclusions de l’Office parlementaire sur les « alternatives au tabac fumé »

Santé. L’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) a publié sa note relative aux nouveaux produits du tabac ou à base de nicotine.

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Photo de cigarette
(Crédit : Freepik)

L’OPESCT avait été saisi par la commission des affaires sociales du Sénat, notamment en vue de faire le point sur la « dangerosité des alternatives au tabac ». Le Comité national contre le tabagisme (CNCT), ayant été auditionné, a pu rappeler la réglementation concernant l’influence de l’industrie du tabac. Si plusieurs recommandations formulées par l’OPESCT rejoignent celles soutenues par le CNCT, d’autres semblent inadaptées, ou potentiellement à risque pour la santé publique.

Victoire du CNCT en faveur de la transparence du lobby tabac

Le CNCT, informé que des représentants de l’industrie du tabac et de la nicotine seraient auditionnés par la mission scientifique, a pu alerter la sénatrice et rapporteure Catherine Procaccia sur l’obligation que ces auditions se fassent en toute transparence, comme l’y contraint la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT), ratifiée par la France. Cette obligation de transparence, également rappelée à l’attention du sénateur Arnaud Bazin, président du Comité de déontologie du Sénat, ainsi qu’à Gérard Larcher, président du Sénat, a été respectée.

L’enregistrement et la publication des différentes auditions, disponibles ici, constituent en soi une victoire pour la santé publique et contre l’opacité des interactions entre les fabricants et les décideurs. Ce souci de transparence constituait par ailleurs pour le CNCT un enjeu particulier. En effet, Kevin Reva, ancien collaborateur parlementaire de Catherine Procaccia, est aujourd’hui lobbyiste pour le compte de Philip Morris France.

Distinguer tabac à chauffer et cigarette électronique

La note de l’OPECST se penche sur la question des « alternatives au tabac fumé », associant ainsi des produits comme les cigarettes électroniques ou le tabac à chauffer. Or, cette terminologie est dans les faits celle utilisée par l’industrie du tabac, qui vise à entretenir une confusion et un amalgame entre des produits très différents.

Les cigarettes électroniques ne sont pas un produit du tabac, et n’ont pas été historiquement des innovations portées et encouragées par les fabricants de tabac.

Par ailleurs, si leurs risques pour la santé demeurent encore incertains, ces dispositifs peuvent, sous certaines conditions précises, être utilisés en tant qu’outil d’aide au sevrage. Le tabac à chauffer est en revanche un produit du tabac développé par les fabricants. Les risques sanitaires associés à ce type de produit sont considérablement plus élevés que ceux d’une cigarette électronique, et ne peuvent en aucun cas être considérés comme des outils de sevrage.

Paquet neutre, alourdissement des sanctions

Plusieurs mesures proposées dans la note scientifique de l’OPCST, sont soutenues par le CNCT, comme envisager l’instauration du paquet neutre pour l’ensemble des produits du vapotage, étoffer la connaissance scientifique sur la nocivité des nouveaux produits du tabac et de la nicotine, à travers des études indépendantes, mener des campagnes de prévention sur le vapo-fumage, interdire les cigarettes électroniques jetables, alourdir les sanctions en cas de vente de produits du tabac ou de la nicotine aux mineurs.

Des recommandations problématiques ou potentiellement problématiques

À l’inverse, d’autres pistes soulevées par la note scientifique sont jugées insuffisantes, problématiques ou potentiellement à risque par le CNCT, à l’instar de :

La mise en place d’études sur la nocivité de nouveaux produits du tabac dès leur émergence sur le marché. Une telle mesure semble insuffisante, quand un principe de précaution pourrait bloquer l’entrée d’un nouveau produit du tabac sur le marché. L’apparition et la démultiplication des nouveaux produits du tabac est un obstacle majeur à l’objectif de sortie du tabac, objectif poursuivi par les pouvoirs publics français avec la première génération sans tabac d’ici 2032 ;

La mise en place d’un « nociscore » permettant d’éclairer le consommateur sur la nocivité relative des différents produits. Une telle disposition, utile dans le cadre de l’agroalimentaire pour orienter les consommateurs vers des produits sains, n’est pas transposable pour les produits du tabac. Ces derniers ne sont pas des produits de consommation courante com - me les autres, en raison de leurs hauts niveaux de toxicité et de l’absence de bénéfices que leur consommation entraîne.

Une telle mesure est régulièrement proposée par l’industrie du tabac, qui vise ainsi à institutionnaliser une publicité en faveur des nouveaux produits du tabac, alors que leur moindre nocivité n’est pas démontrée. Aussi l’ensemble des dispositions et bonnes pratiques en la matière recommandent d’interdire toute présentation d’un produit du tabac laissant entendre que sa consommation serait moins toxique. Tel est notamment le cas des dispositions de la directive sur les produits du tabac transposée par la France. L’interdiction des arômes dits « pièges à enfants », semble trop insuffisamment précisée.

Le CNCT recommande l’interdiction de l’ensemble des arômes, à l’exception de l’arôme tabac. Par expérience, les interdictions partielles conduisent à une non-application de la mesure, qui peut être facilement contournée ou être sujette à interprétation. Enfin, le CNCT regrette que la question de la fiscalité pour les nouveaux produits du tabac ne soit pas évoquée, qu’il s’agisse, pour le tabac à chauffer, de l’instauration d’une fiscalité plus dissuasive, alignée sur la taxation des cigarettes, ou de la création d’une nouvelle catégorie fiscale pour les nouveaux produits de la nicotine.

Le CNCT déplore également qu’aucune mention dans le document ne soit faite à la CCLAT, qui pourtant structure et offre un cadre réglementaire général pour lutter contre l’épidémie tabagique et nicotinique. En particulier, le document élude la nécessité pour les pouvoirs publics de se protéger de l’influence de l’industrie du tabac, et de construire ses politiques publiques en totale indépendance des intérêts des fabricants, et ce quels que soient leurs produits : tabac, vapotage ou autres.