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Territoires zéro chômeur : des inquiétudes pour la deuxième vague

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L’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée entre dans sa deuxième phase, suite à la publication, le 1er juillet dernier, du décret d’application de la loi relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique, qui permet l’extension de l’expérimentation à au moins 50 nouveaux territoires.

L’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée entre dans sa deuxième phase. DR

En permettant à près d’un millier de personnes de retrouver une sécurité d’existence, la fierté de travailler et des relations sociales, la première phase d’expérimentation, en cours depuis 2016 dans 10 territoires, a été suffisamment concluante pour engager le législateur à poursuivre et étendre la démarche. Mais elle a aussi mis en évidence des enseignements à retenir pour le succès de l’extension à venir.
ATD Quart Monde – à l’origine du projet – s’inquiète de certaines modalités annoncées dans le décret d’application de la loi qui ignorent les enseignements de la première phase et viennent fragiliser les principes fondamentaux du projet et son objectif originel : la mise en œuvre d’un droit à l’emploi pour tous.
-  Tandis que depuis 2016, les comités locaux pour l’emploi (CLE) sont présidés par le représentant de la collectivité territoriale qui porte l’expérimentation – soit la commune ou l’intercommunalité – le décret prévoit désormais qu’ils soient pilotés par le représentant du département. Ce point doit absolument être corrigé, au risque de remettre en cause la dynamique d’appropriation locale du projet qui a fait son succès lors de la première phase.
-  La deuxième inquiétude con­cerne le financement de la contribution au développement de l’emploi (CDE), dont le montant maximum mentionné par le décret reste ambigu. Or, un niveau de contribution au développement de l’emploi suffisant est essentiel pour permettre aux Entreprises à But d’Emploi (EBE) de réellement embaucher sans sélection. Em­ployer des personnes dont la productivité peut être au départ faible et dont l’accueil et l’intégration exigent des moyens humains spécifiques n’est possible que si les EBE ont des marges de manœuvre financières suffisantes. La première phase de l’expérimentation a montré que le montant de la CDE doit se situer autour de 22 K€ par équivalent temps plein : ce besoin de financement doit être assuré et assumé.
En outre, la deuxième loi d’expérimentation n’a prévu aucune base de financement pour les équipes projet que les collectivités territoriales, de plus en plus contraintes financièrement, ne peuvent assurer seules. Il est essentiel que l’État garantisse un socle de financement qui donne à ces équipes les moyens de développer toutes les actions nécessaires permettant d’embaucher et donc d’aller à la rencontre de toutes les personnes privées d’emploi depuis un an qui aspirent à travailler, aussi éloignées de l’emploi soient elles. Les enseignements tirés de la première phase d’expérimentation permettent d’estimer que trois à cinq équivalents temps plein sur toute la durée de l’expérimentation sont nécessaires au bon fonctionnement de territoires comptant de 5 à 10 000 habitants. Même si la deuxième loi d’expérimentation ne le lui impose pas, l’État a toute latitude pour apporter ce socle de financement aux territoires, il lui suffit de le décider.
Ce sont ces conditions – un décret corrigé sur les deux points ci-dessus et un socle de financement État pour les équipes projet - qui donneront les meilleures chances pour que se concrétise le formidable espoir suscité par le projet Territoires Zéro Chômeur de longue durée, à l’heure ou tant de personnes privées durablement d’emploi souffrent de se sentir inutiles et dans l’incapacité d’offrir à leurs proches une sécurité et des conditions de vie décentes.