Automobile

Le marché automobile sens dessus dessous

Automobile. Seulement 147 000 véhicules neufs ont été immatriculés en mars : un recul de 19,5%. Du jamais vu (hors pandémie 2020) depuis 1980. Peu d’espoir d’amélioration à court terme.

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Près d’une Fiat sur deux immatriculées en mars était un modèle électrique. DR

Rien ne va plus pour le marché automobile national. Les mois se suivent et se ressemblent. Depuis juin 2021, il s’agit du dixième mois consécutif de baisse. Les chiffres de l’expert des données AAA Data, sont sans appel : 147 079 véhicules ont été immatriculés en mars contre 182.774 un an plus tôt et 225 818 en mars 2019, période de référence précédant la pandémie. La chute est spectaculaire : 19,5% par rapport à 2021, 34,8% si on prend 2019 comme base. Mars, mois habituellement dynamique, confirme un début d’année mal orienté avec 365.361 voitures ayant trouvé preneur : un recul de 34% par rapport à 2019.

Les causes de cette situation sont multiples et se combinent. La crise des composants électroniques, les fameux semi-conducteurs, continue de faire des ravages. Les constructeurs paient aujourd’hui au prix fort leur dépendance vis à vis de fournisseurs basés en Asie. Faute de pièces disponibles, certaines chaines de montage sont à l’arrêt chez plusieurs constructeurs et les délais de livraison s’allongent au-delà du raisonnable. Toutes les marques sont touchées les unes après les autres. Avec des records invraisemblables, inédits chez les généralistes en particulier pour leurs modèles hybrides ou électriques. Jusqu’à 18 mois pour un break Octavia hybride rechargeable, 14 mois pour la Dacia Spring, un an pour le duo VW ID.3 et ID.4, 11 mois pour une Tesla Model 3, 9 mois pour une Dacia Sandero tout comme pour une 3008 hybride rechargeable. Quelques exemples parmi d’autres. Il faut vraiment être motivé pour passer commande d’une voiture neuve auprès de distributeurs qui ont toutes les peines du monde à s’engager sur une date précise de livraison. On comprend que certains acheteurs préfèrent botter en touche.

« Quelques marques comme Kia, Hyundai ou Tesla parviennent à afficher une croissance solide. »

La guerre en Ukraine a encore accentué les problèmes de fournitures de pièces, pays où sont notamment fabriqués les faisceaux de câblages électriques de plusieurs modèles du Groupe Volkswagen, de BMW, Ford... Qui ose encore agiter le concept fumeux de « mondialisation heureuse » ? La forte hausse des prix des voitures, de l’ordre de 7% en moyenne, et celle des carburants qui atteint des sommets ne sont pas davantage de nature à encourager les clients à passer les portes des concessions. Un élément à ne pas négliger. Même constat pour les incertitudes liées à ce qu’il est convenu d’appeler la transition énergétique. Les acheteurs hésitent, ne savent pas s’ils doivent passer à l’hybride, à l’électrique, rester fidèles au moteurs essence. On ne parle même plus du diesel en chute de 50% qui n’a totalisé que 14% des immatriculations en mars. Les informations se bousculent dans tous les sens compliquant encore davantage les choix.

Diesels et électriques font presque jeu égal

Une certitude, les voitures 100% électriques poursuivent leur montée en puissance (+27%) et ont été quasiment au niveau des diesel en mars (13%) au bénéfice de plusieurs marques dont la part de modèles électriques a fortement augmenté : Fiat (48% du total des immatriculations), Kia (26%), Mini (22%) et Hyundai (21%) ou Dacia (17%) dont la Spring obtient un joli succès. A contrario, les hybrides rechargeables (-6,1%) et les micro hybrides marquent le pas tandis que les hybrides classiques se maintiennent mais, globalement, le recul atteint 9%. La hausse continue des prix des carburant profite au GPL et au bioéthanol, devenus des solutions de plus en plus pertinentes avec des ventes en progression de 152%, même si elles ne dépassent pas 6% du total. Dacia et Ford, les deux constructeurs majeurs à proposer une offre GPL ou bioéthanol sur leurs voitures neuves, sont les premiers à en bénéficier. Dans une moindre mesure, Jaguar et Land Rover en profitent également.

Si la plupart des constructeurs accusent le coup depuis le début de l’année, quelque uns réussissent à tirer leur épingle du jeu comme le souligne Marie-Laure Nivot, responsable Intelligence marché de AAA Data : « Quelques marques comme Kia, Hyundai ou Tesla parviennent à afficher une croissance solide. Le palmarès des ventes aux particuliers, avec sur le podium la Dacia Sandero et la Tesla Model 3, illustre aussi la polarisation du marché entre les modèles qui répondent à une problématique de pouvoir d’achat et ceux qui misent sur le contenu technologique à des tarifs bien plus élevés. » Entre les deux options, les autres souffrent.

Le marché de l’occasion est à la peine lui aussi. Alors qu’il ne cessait de battre des records, il a reculé pour le quatrième mois consécutif en mars (- 14,3%) avec 506 222 transactions. Le report des acheteurs vers les modèles de seconde main faute de voitures neuves disponibles trouve ses limites. Cela concerne particulièrement les moins de cinq ans qui ont enregistré une baisse de plus de 19%, le mois dernier. L’horizon à court terme semble bouché et les spécialistes n’entrevoient pas d’amélioration à court et moyen terme. 2022 promet d’être une année noire pour l’automobile.