Voiture électrique : les us et coutumes
Tendance. Quels sont les usages des voitures électriques dont les ventes ont plus que triplé en 2020 et qui sont leurs utilisateurs ? Une enquête d’Enedis apporte des éléments de réponse.
110 912 voitures 100% électriques ont été immatriculées en France en 2020 : près de trois fois plus qu’en 2019. Elles ont totalisé 6,7% du marché contre moins de 2% un an plus tôt. Un bond en avant consécutif pour une bonne part aux incitations fiscales massives - payées, on ne le répétera jamais assez, par l’ensemble des contribuables - et à un élargissement sans précèdent de l’offre, en particulier chez les constructeurs français où le pionnier Renault – la Zoe figure au 9e rang des ventes en France en 2020 avec 37 409 unités – n’est plus seul. Peugeot, Citroën et DS disposent désormais d’une gamme de modèles zéro émission.
De quoi avoir envie d’en savoir davantage sur « l’homo électricus. » Enedis, filiale d’EDF, a réalisé une enquête permettant de mieux cerner le profil de ceux qui roulent en voiture électrique et d’en savoir davantage sur l’usage qu’ils en font. Premier enseignement : 88% des acheteurs vivent dans une maison individuelle. Une nécessité pour pouvoir recharger sereinement les batteries à domicile. 43% se branchent sur une prise classique, 37% sur une prise renforcée et seulement 19% disposent d’une Wallbox dédiée.
Trop peu de bornes de recharge publiques
95% des utilisateurs de VE déclarent ne jamais se brancher sur des recharges publiques. Un pourcentage identique aux recharges effectuées sur le lieu de travail. Ceux qui habitent en immeuble réussissent à 54% à recharger leur
voiture électrique à domicile, 26% sur des bornes publiques et 16% au travail. Une répartition qui traduit une indispensable adaptation en fonction des circonstances. Les recharges publiques sont d’autant moins utilisées qu’elles sont en nombre très insuffisant – seulement 32 000 – et qu’un quart d’entre elles est en panne ou ne fonctionnent pas.
Mais le gouvernement a promis qu’il y en aurait 100 000 disponibles dans
neuf mois. Défense de rire ! Constat : les voitures électriques ne sont pas là où on devrait les trouver en priorité : au coeur des centre-villes. Ceux qui roulent en électrique, s’en servent surtout pour leurs trajets domicile-travail. 48% d’entre eux la réservent à cet usage exclusif. Ils parcourent en moyenne 44km par jour.
De quoi se brancher seulement une fois par semaine. Cela n’empêche pas près de la moitié d’entre eux de faire le plein d’énergie tous les jours ou tous les deux-trois jours sans que cela soit indispensable. Comme s’ils doutaient de l’autonomie promise de leur voiture. Bizarrement, 12% des sondés affirment ne « jamais » ou « presque jamais » recharger les batteries de leur voiture. Le coup de la baguette magique de la fée Electricité ?
Familles aisées multi motorisées
79% des possesseurs d’une voiture électrique disposent d’un modèle thermique ou hybride complémentaire qu’ils réservent pour les déplacements plus longs. La nécessité d’avoir dans son garage un véhicule thermique aux cotés d’une voiture zéro émission témoigne des limites actuelles des 100% électriques. Les batteries sont de plus en plus puissantes et permettent d’aller plus loin mais pas encore au point de concurrencer un modèle thermique.
Maison individuelle avec garage, résidence en périphérie des grandes agglomérations, plusieurs véhicules dans la famille : ces informations indiquent que la voiture électrique est encore majoritairement réservée aux français aisés. D’autant plus que contrairement aux idées reçues, les tarifs des voitures électriques n’ont cessé d’augmenter - +42% en Europe entre 2011 et 2020 - notamment en raison de l’amélioration de l’autonomie qui a généré un prix croissant des batteries.
Le prix de la recharge a également considérablement grimpé et varie beaucoup selon les types de bornes et leur puissance. Dans certains cas, on est proche du montant d’un plein de sans plomb. Diverses études ont mis en avant ces éléments avec à terme le risque d’une « fracture électrique », selon la formule de l’Arval Mobility Observatory. Avec d’un coté ceux qui n’auront pas les moyens de passer à l’électrique, même avec les aides, de l’autre ceux pouvant rouler au volant de hauts de gamme disposant d’un rayon d’action plus étendu et bénéficiant de surcroit d’un accès privilégié à des réseaux de recharge exclusifs à l’image de Tesla par exemple.
Et entre les deux, les acheteurs des VE les plus accessibles financièrement mais dotés d’une autonomie limitée. Sans même envisager le jour plus ou moins proche où les incitations fiscales diminueront avant de disparaître. La voiture électrique, nouveau révélateur des inégalités sociales ?