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À Toulouse, le théâtre du Capitole gagne en autonomie

Institution. Bien que toujours sous tutelle de Toulouse Métropole, le théâtre du Capitole s’émancipe. L’institution s’appuie désormais sur son propre conseil d’administration. Une petite révolution rendue possible par la création d’une nouvelle identité administrative, dénommée « Établissement public du Capitole ». Les détails avec Claire Roserot de Melin,directrice générale.

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Photo du théâtre du Capitole
Le théâtre du Capitole (Crédit : CHRISTOPHE CARASCO)

Depuis le 1er janvier 2023, l’opéra et l’orchestre du Capitole sont réunis au sein d’une seule et même entité : l’Établissement public du Capitole. Qu’est-ce cela change ?

Cette nouvelle appellation, c’est un peu la face immergée de l’iceberg. Historiquement, la maison opéra et orchestre du Capitole était régi directement par la Ville, puis par Toulouse Métropole depuis 2016.

Nous avons obtenu le label opéra national fin 2021 et parmi les critères de labellisation, outre le projet artistique et culturel, il était aussi question de la gouvernance et du mode de gestion avec comme impératif de changer de statut.

Le but ? Avoir une structure juridique en propre, indépendante de la collectivité. Nous avons donc fait le choix de ce statut d’établissement public, très répandu dans le milieu de l’opéra et des orchestres.

Désormais, les projets de l’opéra et de l’orchestre sont portés administrativement par cette nouvelle entité juridique mais pour le grand public cela ne change rien. Les deux directeurs artistiques Christophe Ghristi, côté opéra et Tarmo Peltokoski, côté orchestre, restent aux manettes.

Ils continueront de proposer des productions différentes, même si bien sûr elles restent compatibles entre elles.

Si pour les spectateurs cela ne change rien, qu’en est-il en interne ? En termes de liberté artistique ? De management ? De gestion ?

Cette maison a toujours eu une indépendance artistique. Ce n’est donc pas en ces termes que cela se joue. En revanche, oui, sur le mode de fonctionnement de l’établissement, cela change les choses.

Photo de Claire Roserot de Melin
Claire Roserot de Melin poursuit sa mission à la direction générale de l’Établissement public, avec Christophe Ghristi qui assure depuis 2018 la direction artistique de l’Opéra national du Capitole et Tarmo Peltokoski, qui vient d’être désigné à la direction musicale de l’Orchestre national. (Crédit : VILLE DE TOULOUSE)

Avant, lorsque l’on devait prendre une décision structurante, même en matière de ressources humaines ou de gestion financière, cela relevait du conseil de la métropole.

Désormais, nous avons notre propre conseil d’administration, composé de neuf personnes, principalement des élus puisque nous restons sous tutelle. J’y siège aussi en qualité d’invitée permanente.

Plus restreint, cet organe de pouvoir permet d’aller plus vite dans la prise de décision et surtout, il est centré exclusivement sur des questions portant sur l’établissement public du Capitole. Cela veut dire que ce conseil connaît bien nos problématiques, nos aspirations et nos besoins. C’est beaucoup plus adapté.

En termes de budget, cela vous permet-il de prétendre à d’autres types de subventions ? De créer de nouveaux partenariats ?

C’est aussi un des objectifs, non pas du changement de statut mais bien de la labellisation opéra national. Outre la reconnaissance, il y avait aussi le souhait de voir augmenter la participation de l’État. Et il y a eu effectivement une hausse des subventions.

Après, est-ce que cela va nous permettre de lever d’autres sources de financement ? Seul l’avenir nous le dira mais, oui, sur le papier cela devrait faciliter les choses.

On attend notamment de pouvoir mettre la Région autour de la table pour qu’elle puisse participer à la gouvernance, et donc prendre une place au conseil d’administration et nous octroyer des financements structurels pour l’établissement. Concernant des investissements privés, la porte est ouverte mais rien n’est encore acté.

Combien de personnes l’établissement public du Capitole emploie-t-il ? Et pour quelles missions ?

Aujourd’hui, l’établissement compte 400 agents, pour 80 métiers représentés : 200 ar tistes permanents dont 120 musiciens, 35 danseurs, 45 choristes. Il y a aussi 120 techniciens dont la moitié sont des artisans d’art, sans compter les répétiteurs, les pianistes accompagnateurs, les équipes dites administratives…

La particularité de cet établissement est que toutes ces équipes sont mutualisées. Elles travaillent à la fois pour l’opéra et pour l’orchestre.

Les saisons 2019-2020 et 2020-2021 ont été marquées par la crise covid. Quel bilan tirez-vous de l’année 2022 ?

Nous réunissons en moyenne plus de 200 000 spectateurs par an, entre la Halle aux Grains, le théâtre du Capitole et nos actions dites hors les murs (en milieu rural, scolaire…). En 2022, non seulement nous avons retrouvé notre rythme d’avant crise covid, mais nous avons fait mieux.

En nombre de levers de rideaux, c’est 150 représentations à Toulouse et une cinquantaine en tournée. Concernant la vision artistique, la saison 2022-2023 a été dans la lignée de ce que à quoi nous aspirons depuis des années, à savoir ouvrir un champ des possibles qui soit éloigné de la vie quotidienne.

Notre fil rouge : la beauté. Nos spectacles doivent faire rêver mais même plus que ça… Nous travaillons chaque jour pour rendre tout un chacun plus humain et notre monde en a fortement besoin.

Nous avons le souci de faire les choses bien, avec passion et conviction. Nous revendiquons l’excellence, qui ne s’oppose pas du tout à l’ouverture et à la popularité.

Et chose très importante, l’ensemble des équipes ne prend jamais pour acquis le remplissage de nos salles. Chaque nouvelle saison est l’opportunité de se remettre en question et de se réinventer.

Et côté recettes ?

Là aussi, on peut dire que la crise sanitaire est enfin dernière nous. La fréquentation des spectacles est à la hausse. Sur un budget global de 40M€, la part billetterie représente 5M€. Pour rappel, 80 % de notre financement proviennent de subventions publiques et les 20% restants sont des recettes propres : mécénat, partenariats, projets en co-production… et billetterie.

Nous avons vraiment la chance d’avoir un public de passionnés qui nous a permis de redémarrer sur une bonne dynamique après deux années compliquées. Toulouse est indéniablement une ville de musique avec des habitants avides de sorties culturelles et de concert. Ici, l’orchestre du Capitole tient une place très importante.

La nouvelle saison de l’opéra a officiellement démarré le 5 avril. Quel temps fort aimeriez- vous mettre en avant ?

Les campagnes d’abonnements sont en effet ouvertes et les places individuelles seront accessibles à partir du 25 avril. Parmi les temps forts à venir, nous allons proposer juste après La Traviata, de Giuseppe Verdi, Le viol de Lucrècede Benjamin Britten.

Présentée pour la première fois au Capitole, cette oeuvre est d’une puissance dramatique incroyable. C’est vraiment un événement à ne pas manquer, comme l’ensemble de la programmation d’ailleurs (sourire).

Vous êtes directrice générale de la maison Capitole depuis 2019. Comment définissez-vous votre rôle ?

Mon rôle est de faire tourner la grande et belle maison Capitole (rire). Plus concrètement, je suis là pour impulser une vision, un état d’esprit… bref une direction générale même si, et c’est important de le rappeler, c’est vraiment un travail d’équipe. Je suis aussi là pour animer la gouvernance de l’établissement et faire le lien avec les différents partenaires ainsi que les élus.

Mon poste revêt aussi une dimension managériale importante, avec la gestion au quotidien des 400 intervenants permanents, sans parler des 350 intermittents qui viennent travailler avec nous tous les mois.