À Toulouse, les syndicats vent debout contre France Travail
Mardi 26 septembre 2023, les agents de Pôle emploi étaient appelés à cesser le travail pour dénoncer le projet de loi « Plein emploi ». Celui-ci doit donner naissance à France Travail, le successeur de Pôle emploi. Inquiets, les syndicats dénoncent le « flicage » et la « stigmatisation » des chômeurs.
« Il ne s’agit pas de faire un big bang institutionnel mais de jouer collectif. » Voilà comment Élisabeth Borne résumait début juin la création de France Travail.
Une nouvelle entité qui doit venir remplacer Pôle emploi à partir de janvier 2024. Au-delà du simple changement de nom, cette refonte complète de l’établissement public vise à mieux coordonner l’ensemble des acteurs du service public de l’emploi (collectivités locales, les missions locales, organismes et associations d’insertion, CAF, Cap emploi…) via notamment des systèmes informatiques interconnectés.
Objectif : atteindre le plein emploi d’ici 2027
Si l’objectif affiché par le gouvernement de réduire le chômage autour de 5% d’ici 2027 ne souffre pas de contestation, la méthode pour y parvenir est, elle, contestée. En effet, alors que le projet de loi « Plein emploi » est examiné en ce moment à l’Assemblée Nationale, les agents de Pôle emploi étaient appelés mardi 26 septembre 2023 à cesser le travail partout en France.
Si à Toulouse (Haute-Garonne) le mouvement de grève n’a pas été grandement suivi, la CGT Pôle emploi Occitanie et Solidaires Sud Emploi Occitanie ont organisé un point presse pour faire part de leurs inquiétudes. Les syndicats demandent l’arrêt immédiat de ce projet de loi.
Pour Daniel Mémain, agent Pôle emploi et secrétaire régional chez Solidaires Sud Emploi :
Cette réforme va accélérer la transformation de notre métier de conseil vers un métier de contrôle. Si elle passe, nous allons assister à la naissance d’une méga structure dans laquelle Pôle emploi va être noyé au milieu de différents opérateurs notamment privés, y compris les agences d’intérim. Autrement dit, tout le monde va avoir accès à une masse de données sur les allocataires pour leur mettre la pression, de manière directe ou indirecte, afin d’accepter une offre d’emploi, notamment dans des secteurs en tension où les contrats précaires sont légion. »
Une « pression » qui selon eux a déjà commencé avec l’inscription automatique des bénéficiaires du RSA (et de leurs ayants droits) sur la liste des demandeurs d’emploi et surtout la généralisation d’un contrat d’engagement qui instaure le principe de contrepartie pour pouvoir toucher une allocation (607,75 € pour une personne seule).
Ces deux articles clés du projet « Plein emploi » ont été adoptés par le Sénat le 10 juillet dernier. Jugé « injuste », « stigmatisant » et « inefficace », ce dispositif instaure l’obligation pour l’allocataire de produire pour la collectivité 15 à 20 heures d’activités. Depuis juin, il est en phase d’expérimentation dans 19 départements.
« Le non-dit dans cette histoire, c’est que ce contrat d’engagement va être généralisé à tous les demandeurs d’emploi. Il va remplacer le PPAE : le projet personnalisé d’accès à l’emploi », assure Daniel Mémain. Et si Olivier Dussopt, le ministre du Travail a assuré à plusieurs reprises que ces activités ne seront « ni du travail gratuit, ni du bénévolat obligatoire », les modalités restent encore très floues.
« Contrôle partout, service nulle part ! »
Pas de quoi rassurer des syndicats déjà très sceptiques sur sa faisabilité : « Dans l’Aveyron, Decazeville et une partie de Villefranche-de-Rouergue font partie des bassins d’emploi choisis pour expérimenter ce fameux contrat d’engagement, explique Nadia Vuagnat de la CGT. À l’heure actuelle, 1 650 demandeurs d’emploi bénéficiaires du RSA seraient potentiellement concernés. Sur les 172 allocataires qui sont rentrés dans le processus à Decazeville, 18 seraient en reprise d’emploi ; les 110 restants sont rentrés dans le portefeuille d’un conseiller. »
Alors que certains conseillers Pôle Emploi suivent déjà plus de 300 personnes, les syndicats alertent :
Nous avons choisi comme slogan "Contrôle partout, service nulle part !" car il serait mensonger de continuer à parler d’accompagnement de qualité des demandeurs d’emploi dans ces conditions. Si on doit contrôler toutes les semaines leurs activités, nous n’aurons matériellement pas le temps de les recevoir et de les conseiller. Les contrôles automatiques, qui existent déjà, vont donc se systématiser et cela va engendrer automatiquement davantage de suspensions d’allocation et de radiation. »
Vent debout contre cette demande de contrôle accrue des allocataires qui « menace » leur travail d’accompagnement, ils plaident pour davantage de moyens humains et une meilleure organisation.
« La spécialisation des conseillers de Pôle emploi et la dématérialisation ont changé notre façon de travailler et donc notre organisation, affirme Éric Bruguière, élu CGT. Nous sommes passés d’une période où les personnes arrivaient sur le flux et pouvaient voir un conseiller présent pour régler rapidement une problématique, à un fonctionnement où tout se passe ou presque par internet avec des délais très longs avant de pouvoir les prendre en charge. »
Remettre l’humain au cœur du métier
Conscients de la difficulté pour eux de mobiliser les gens dans la rue, car « malheureusement le chômage reste quelque chose qui stigmatise », les syndicats n’entendent pas pour autant abdiquer.
« Nous allons continuer la mobilisation afin de faire entendre nos revendications. Il faut rouvrir les agences aux demandeurs d’emploi et rétablir un accueil physique. Nous ne sommes pas contre les évolutions numériques et la visioconférence, mais il est temps de remettre l’humain et l’empathie au cœur de notre métier ! »