Accès des PME aux marchés publics : le pari de Toulouse Métropole est-il réussi ?
Achats. Fin 2014, la mairie de Toulouse et Toulouse Métropole signaient la charte des marchés publics. Objectif : favoriser l’accès des PME à la commande publique et rendre celle-ci plus solidaire et responsable. Dix ans plus tard, alors que d’autres communes et organismes ont rejoint la démarche, la collectivité dresse un bilan positif de son initiative.

En 2022, en France, quelque 235 600 marchés publics ont été passés pour un montant global de 160 Mds€ [1]. Des montants considérables dont ne profitent que partiellement les petites et moyennes entreprises. En effet, la part des PME représente près de 30% seulement du montant global des marchés.
Parce que les achats publics constituent un des leviers de développement économique des PME françaises - un enjeu particulièrement important dans un contexte difficile -, le gouvernement a publié en 2019 un Guide pratique afin d’encourager les opérateurs publics et les collectivités à leur ouvrir des marchés.
Small Business Act à la toulousaine
De leur côté, la mairie de Toulouse et Toulouse Métropole n’ont pas attendu ces recommandations pour adopter fin 2014 une charte des marchés publics avec ce double objectif : favoriser l’accès des PME à la commande publique et rendre celle-ci plus solidaire et responsable. Dix ans plus tard quels impacts ce Small Business Act à la toulousaine a-t-il eu sur le tissus de PME locales ?
C’est ce que vient de chiffrer la collectivité qui dresse un premier constat : l’initiative a fait florès. De nouvelles communes et plusieurs organismes publics du territoire, et non des moindres, ont en effet adopté la charte. C’est le cas de Blagnac, Saint-Orens, Bruguières, Cugnaux et Fenouillet, mais aussi du CHU - un des premiers employeurs de la région -, du centre communal d’action sociale (CCAS) ou encore de l’agence d’attractivité Toulouse Team.
Pour encourager les entreprises qui emploient moins de 250 salariés et réalisent moins de 50 M€ de chiffre d’affaires à se porter candidates, la charte utilise plusieurs leviers dont le principal est l’allotissement, c’est-à-dire le découpage des marchés en lots. En fragmentant la commande, on permet en effet à un plus grand nombre d’entreprises, quelles que soient leur taille, de passer des marchés de tous types (travaux, fournitures, services). La charte encourage d’ailleurs les plus petites entreprises à présenter des candidatures groupées.
1 Md€ de commandes pour les PME de la métropole
Alors que le volume global de la commande publique pour la mairie, la métropole, Tisseo, Toulouse Métropole Habitat, Oppidea et Europolia a fortement progressé en 10 ans, passant de 700 M€ en 1995 à 2 Mds€ en 2024, soit une hausse de plus de 185 %, dans le même temps, le volume de commandes vers des entreprises basées sur le territoire de la métropole a, lui, plus que doublé, bondissant de 463 M€ à 1 Md€.
Elles ne sont cependant pas les seules à avoir profiter de cette manne. En effet, le volume de commandes vers des entreprises basées en région Occitanie a, lui aussi, doublé, passant de 560 M€ en 2015 à 1,3 Md€ l’an dernier.
Pour faciliter encore la participation des PME, la charte active d’autres leviers tels que le paiement d’avances car toutes ne disposent pas toujours d’une trésorerie suffisante pour engager l’exécution des prestations. Ces avances peuvent atteindre 30 % du montant pour les marchés inférieurs à 300 000 €. Un outil que la collectivité utilise de plus en plus souvent : en 2024, 409 avances ont été versées pour un montant total 63 M€ contre seulement 155 en 2015 représentant au global 8 M€.
Des délais de paiement encore trop longs
Un autre point qui peut décourager les PME et les détourner des marchés publics, ce sont les délais de paiement, notamment lorsque, comme aujourd’hui, les finances des collectivités sont particulièrement sous pression. Une étude du cabinet Altares publiée en septembre dernier pointe l’allongement de ces retards qui atteignent en moyenne 12,7 jours pour les collectivités, les régions, métropoles et départements affichant les plus mauvais scores avec des retards respectifs de 23 et 20 et 19,7 jours.
Bien consciente des difficultés que ces retards peuvent engendrer pour des PME à la santé financière fragile, la métropole toulousaine s’est engagée à travers la charte qu’elle a signée à réduire ces délais de paiement. S’ils ont été effectivement divisés par deux en 10 ans, des progrès restent à faire : en 2024, les délais moyens de paiement sont de 23 jours.
Des marchés plus inclusifs
Au-delà d’ouvrir ses marchés aux PME, la charte entrée en vigueur le 1er janvier 2015 avait aussi pour ambition de rendre la commande publique plus solidaire et responsable, notamment en
de favorisant l’emploi de personnes en situation de handicap, mais aussi en imposant des certifications environnementales ou en imposant le réemploi de matériaux.
Force est de constater que sur ce plan-là aussi, l’impact du Small Business Act toulousain est positif. La part des marchés passés avec des entreprises adaptées (EA) et des établissements d’aide par le travail (ESAT) a doublé, de 1,5 M€ en 2018 à près de 3 M€ en 2024. Dans le même temps, grâce aux clauses sociales, le nombre d’heures de travail effectuées par des personnes en insertion professionnelle pour l’exécution des marchés publics a bondi de 640 000 à plus d’un million d’heures. En parallèle, la part des marchés dotés de clauses environnementales, est elle pasée de 25% en 2015 à 65% en 2024. À l’échelle nationale, en 2022, cette part était de moins de 30 %.
[1] Source ministère de l’Economie