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Comment la Région veut faire de l’Occitanie la cheffe de file européenne en matière de santé ?

Santé. Déjà impliquée dans la lutte contre les déserts médicaux, la Région Occitanie a dressé le bilan de ses actions en la matière le 9 avril dernier. L’occasion pour sa présidente Carole Delga d’annoncer la mise en œuvre de nouveaux dispositifs parmi lesquels le financement de postes de médecins spécialistes dans les hôpitaux du territoire.

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Carole Delga, présidente de la Région Occitanie, s’est exprimée concernant la lutte contre les déserts médicaux le 9 avril dernier lors d’une conférence de presse. Elle a notamment annoncé 30 M€ d’investissement en faveur des services d’urgence et de réanimation. (© Maxime Alessandrini)

Victoire pour les partisans de la régulation de l’installation de médecins. Le 3 avril dernier, le premier article de la proposition de loi visant à lutter contre les déserts médicaux a été voté en première lecture par l’Assemblée nationale. Portée par le député socialiste Guillaume Garot, celle-ci bénéficie également du soutien de la présidente de la région Occitanie, Carole Delga. Et pour cause comme le rappelle l’élu : « Six millions de Français sont sans médecin traitant et huit millions vivent dans un désert médical. »

C’est dans ce contexte que la présidente du conseil régional a présenté le 9 avril dernier, lors d’une conférence de presse à Montpellier, un bilan d’activité du groupement « Ma santé, Ma région » lancé en 2022 pour répondre à la problématique des déserts médicaux. « Présidente de Région depuis neuf ans, j’ai vu la lente dégradation des services de soins s’opérer sur nos territoires, en particulier ruraux. J’ai vu la colère et le désespoir des habitants se transformer en sentiment d’abandon et d’angoisse légitime face au départ du médecin du village, du dentiste, du gynécologue… », a déploré l’élue PS rappelant que les actions entreprises dépassent le cadre des compétences de la collectivité.

Réarmer l’hôpital public

Ce bilan a surtout été l’occasion de présenter les nouvelles mesures actées en faveur de la formation des professionnels de la santé (voir encadré) et des hôpitaux publics du territoire. Des établissement de santé dans lesquels les conditions de travail se dégradent depuis des années en raison d’un manque de matériel et de personnel alors même que le nombre de passages aux urgences explose. Résultat : selon la Fédération hospitalière de France, en 2024, 68 % des Français déclaraient avoir renoncé à au moins un acte de santé ces cinq dernières années, contre 63 % en 2023.

Parmi les leviers activés pour répondre aux besoins de santé des habitants du territoire, notamment en matière de médecine spécialisée, la Région expérimente en partenariat avec l’Agence Régionale de Santé Occitanie (ARS), les facultés de médecine Montpellier-Nîmes et de Toulouse, les CHU de Montpellier, de Nîmes et de Toulouse, le financement de postes de médecins spécialistes dans les hôpitaux. Concrètement la collectivité prend « en charge 50 % du coût de la part universitaire de leurs postes, à parité avec l’ARS, sur un budget total d’1 M€ ».

Dans le cadre de cette expérimentation qui court jusqu’en 2027, 20 médecins ont d’ores et déjà été déployés dans 12 centres hospitaliers. C’est le cas notamment dans les CH de Montauban et de Foix, avec des spécialistes en gérontologie, gynécologie-obstétrique et pneumologie.

30 M€ vont également être mobilisés pour soutenir des investissements en matériel et aménagements dans les services d’urgence et de réanimation. 34 projets ont déjà pu être soutenus. Une enveloppe qui s’ajoute aux 52 M€ fléchés par la Région pour la construction et la réhabilitation de quatre hôpitaux dans le cadre des accords du Ségur de la santé.

Dans le détail, l’hôpital médian du Sud Aveyron a reçu 9 M€ pour financer ses travaux qui débuteront fin 2025. Le CH de Montauban, dont le chantier devrait s’achever en 2031, a lui bénéficié de 23 M€ d’aides publiques. Les CH d’Auch et de Lavelanet ont quant à eux été soutenus respectivement à hauteur de 18 M€ et 1,6 M€, pour des livraisons attendues en 2030 et 2025.

Le succès de Ma santé, Ma région

Depuis 2022, le groupement d’intérêt public (GIP) « Ma santé, ma région », composé de 45 membres dont 36 collectivités, ainsi que des institutions comme l’Ordre régional des médecins, continue de déployer ses actions. Cofinancée par la Région, qui a déjà injecté 5,4 M€, la structure est alimentée par l’Assurance maladie grâce au remboursement des consultations effectuées par les professionnels de santé salariés. Elle perçoit en outre des subventions versées par l’Agence Régionale de Santé (ARS), la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) et les différentes collectivités qui y participent.

Ce service public, qui a pour mission de créer et gérer les centres de santé régionaux, a notamment permis le recrutement par la Région de 100 médecins ainsi que six sages-femmes et 41 secrétaires et assistants médicaux. Selon la collectivité, ce sont ainsi « 31 000 personnes sur le territoire occitan ont retrouvé un médecin traitant ». À horizon 2028, le GIP a pour objectif de recruter 200 professionnels de santé au total.

Par ailleurs, depuis 2016, la Région a également accompagné la création de 143 maisons et centres de santé pour un montant total de près de 15 M€. Parmi ces projets, la maison de santé à Vic-en-Bigorre, dans les Hautes-Pyrénées, a reçu en 2021 près de 130 K€, et celle de Perpignan 88 K€ en 2023. Ces structures ont accueilli près de 300 000 consultations depuis juillet 2022.

Un contrat filière santé à 150 M€

« Ce volontarisme régional, nécessaire au vu de la situation actuelle, ne traduit en rien une volonté de régionaliser la santé, bien au contraire. Cette action que nous menons ne peut se substituer à une action de l’État, et à des mesures fortes pour réguler le système d’accès aux soins à l’échelle du pays », précise Carole Delga, qui ambition de faire de l’Occitanie « la cheffe de file européenne en matière de santé » notamment en investissant dans la recherche et l’innovation.

En effet, pour accompagner l’évolution de la filière de la santé et des biotechnologies sur le territoire, composée de 730 entreprises et de 25 000 salariés, la Région Occitanie a mis en place un contrat de filière santé doté de 150 M€ sur la période 2024-2028. Co-construit avec l’État, l’Inserm ou encore l’agence Ad’Occ, il a pour objectifs :

  • D’identifier et accompagner cinq nouveaux projets de relocalisation,
  • De créer 100 nouvelles entreprises développant des innovations de rupture,
  • De faire de l’Occitanie un leader français dans le domaine de l’intelligence artificielle appliquée à la santé et un des leaders européens en biothérapie,
  • Et de proposer des solutions innovantes pour le bien-vieillir.

Créé en 2021 l’écosystème montpelliérain de la Medvallée, véritable vivier d’acteurs de la santé composé de 200 entreprises spécialisées, 32 000 étudiants et 2 700 chercheurs en est un parfait exemple. À l’époque, la Région avait mobilisé 6,4 M€ de fonds européens pour son développement. Aux côtés de ces partenaires que sont la métropole de Montpellier, du CHU et l’État, elle ambitionne d’en faire un pôle d’excellence mondial en santé.