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CPAM de la Haute-Garonne : année record avec 12 M€ de fraudes détectées

Santé. Le 14 mai dernier, la Caisse primaire d’assurance maladie haut-garonnaise est revenue sur les résultats de 2024 en matière de fraudes. Constat : des résultats records concernant les faux arrêts de travail (470 K€ en 2024) mais aussi des dérives chez les audioprothésistes (1,8 M€). L’occasion aussi pour la CPAM d’évoquer les moyens mis en place pour prévenir les fraudes.

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Pour lutter contre les fraudes, la CPAM de la Haute-Garonne a créé six nouveaux pôles interrégionaux d’enquêteurs judiciaires (PIEJ). (©La Gazette du Midi)

Face à la recrudescence des fraudes et à leur sophistication, la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) emploie les grands moyens. Depuis 2023, elle a renforcé ses équipes avec une augmentation de 10 % des effectifs dédiés à la lutte contre les fraudes. Ce sont désormais plus de 1 600 collaborateurs, dont 27 en Haute-Garonne qui interviennent dans ce domaine d’action. Parmi eux, 60 agents spécialisés (enquêteurs judiciaires, statisticiens, managers expérimentés), répartis dans six pôles interrégionaux d’enquêteurs judiciaires (PIEJ).

« Ces cyber-enquêteurs sont dotés de pouvoirs similaires à ceux des enquêteurs judiciaires. Ils peuvent enquêter sous pseudonyme, infiltrer des réseaux frauduleux et intervenir en amont afin que les services de police ou gendarmerie neutralisent rapidement les fraudeurs numériques », a ainsi expliqué Isabelle Comte, directrice de la CPAM de la Haute-Garonne, lors d’un point presse organisé le 14 mai dernier.

Cette « task force » a permis à l’organisme social de sécuriser, détecter ou empêcher près de 12 M€ de fraudes en 2024, soit une hausse de 27 % par rapport à 2023. Un record ! « La prévention du préjudice constitue un axe prioritaire de notre stratégie », précise la directrice, qui rappelle que 4,6 M€ (+25 % en un an) de potentielles escroqueries ont été anticipées avant même le versement d’indemnités ou de remboursements.

Explosion des fraudes à l’arrêt maladie

Ces fraudes sont majoritairement le fait de particuliers (53,3 %) mais leur impact financier reste plus faible que celui imputable aux professionnels de santé puisqu’il se chiffre à 2,3 M€, contre 9,7 M€. « Les assurés fraudent plus, mais ce sont les détournements des professionnels qui coûtent le plus cher. Cette problématique touche l’ensemble du territoire français », affirme Isabelle Comte qui pointe parmi les responsables de cette recrudescence de fraudes les réseaux sociaux, devenus LE terrain de jeu de prédilection des “resquilleurs”.

Ce sont en effet vers Facebook, Snapchat ou encore Instagram que certains assurés se tournent pour obtenir de faux arrêts de travail sous la forme de kits prêts à l’emploi pour un préjudice évalué à près de 470 K€ en 2024, contre 17 500 € en 2023, soit une hausse de 22,5 % en un an. À noter que près de la moitié de cette somme (45 %) a pu être repérée avant que les sommes aient été indûment versées. « Le but de ces faux arrêts de travail n’est pas d’obtenir des jours d’arrêt mais bien de détourner de l’argent public à l’Assurance maladie », précise Stéphane Cobigo, directeur santé de la CPAM de Haute-Garonne.

Les audioprothésistes pointés du doigt

Dans le collimateur des agents de la CPAM se trouvent aussi certains professionnels de santé dont les audioprothésistes qui vendent les appareils auditifs. Pour frauder, les techniciens médicaux mal intentionnés, qui ne représentent qu’une infime partie de la profession, utilisent l’usurpation d’identité, les facturations fictives, l’exercice illégal de la profession ou encore la création d’entreprises fantômes sans locaux ni personnel qualifié. Pour cette seule profession le préjudice détecté et stoppé a atteint 1,8 M€ en 2024 en Haute-Garonne, contre 41 440 € en 2023, soit en hausse de 73 % en un an !

Pour endiguer le problème et stopper ces pratiques frauduleuses, la CPAM de la Haute-Garonne travaille conjointement avec les représentants de la profession à la mise en place de garde-fous. Depuis octobre 2024, les audioprothésistes sont dans l’obligation de réaliser les factures avec les Cartes Vitales des assurés. Cela permet d’éviter les usurpations d’identité. Le taux de télétransmission avec la carte vitale est ainsi passé de 45 % le dernier semestre 2024 à plus de 90 % en février 2025.

Une utilisation prochaine de l’IA ?

D’autres solutions ont été mises en place pour prévenir et lutter contre les fraudes par la CPAM au niveau national, parmi lesquelles « ASAFO-Pharma ». Destiné aux pharmaciens, ce nouveau service est accessible depuis le portail internet de l’Assurance maladie. Il permet aux officines de signaler et de consulter les ordonnances qu’elles soupçonnent frauduleuses, notamment dans les cas de trafics de médicaments en bande organisée.

Enfin, la CPAM n’exclut pas d’utiliser, dans un futur proche, l’intelligence artificielle pour repérer les fraudes. Plusieurs organismes publics comme la police, la gendarmerie ou encore la DGSI [1] l’utilisent déjà, notamment pour l’analyse de données. « Le projet est en discussion. Cela pourrait être un bon outil, mais seulement si nous le maîtrisons à 100 %. Les fraudeurs l’utilisent aussi, donc tout l’enjeu est de ne pas malencontreusement faire fuiter des informations qui pourraient tomber entre leurs mains », conclut Yves Loubère, responsable du service de lutte contre les fraudes à la CPAM de la Haute-Garonne.

[1DGSI : Direction générale de la sécurité intérieure