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Cybercriminalité, recours à l’IA… la Caf 31 renforce ses moyens de lutte contre la fraude et le non-recours

Prestations sociales. L’an dernier, grâce à ses contrôles, la Caf de la Haute-Garonne a détecté 32,7 M€ d’indus et 8,3 M€ de fraudes. Au delà de ces chiffres, son directeur Jean-Charles Piteau a surtout annoncé des changements majeurs à venir à commencer par la fin du système déclaratif pour les bénéficiaires du RSA et de la Prime d’activité. Mise en place attendue : mars 2025.

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Photo de David Berlureau, Céline Fourcade et Jean-Charles Piteau
Pour présenter à la presse les résultats 2023 de la Caf 31 en matière de lutte contre la fraude et le non-recours étaient notamment présents : (de gauche à droite) David Berlureau, responsable du pôle maîtrise des risques, Céline Fourcade, directrice comptable et financière et son directeur Jean-Charles Piteau. (©Gazette du Midi)

2,3 Mds€. C’est le montant des aides versées en 2023 par la Caf de la Haute-Garonne pour répondre aux besoins des 352 086 allocataires que compte le département. C’est 5 % de plus par rapport à 2022. Dans le détail, plus de 2 Mds€ ont été distribués au titre des prestations légales : aides à la famille (418 M€), à la petite enfance (238 M€), au logement et à l’habitat (443 M€), aux personnes en difficultés (965 M€). Et 228 M€ au titre de l’action sociale (accueil du jeune enfant, accompagnement social des familles, etc.).

Et parce qu’aujourd’hui encore la Caf fonctionne sur un système déclaratif où les allocataires doivent déclarer tous les trois mois leurs ressources et indiquer tous changements de situation, la branche familiale de la Sécurité Sociale doit s’assurer que chaque versement de ces fonds publics correspond bien aux droits des bénéficiaires. Pour garantir le versement des prestations au juste droit, la caisse d’allocation a renforcé en 2023 sa politique en matière de prévention, de lutte contre la fraude et le non-recours.

Quatre fois plus de fraudes détectées par rapport à 2012

Avec l’appui du Service national de lutte contre la fraude à enjeux et surtout grâce au travail des contrôleurs assermentés, la Caf 31 a réalisé l’année dernière 1,2 million de contrôles, dont 1,1 million de contrôles automatisés (partage d’informations entre les différents services de l’État comme France Travail), 59 072 contrôles sur pièces (demande de justificatifs) et 2 223 contrôles sur place, dont 30 % directement au domicile. À noter que 155 contrôles ciblés vont être bientôt menés suite à des soupçons de prestations sociales versées à des personnes vivant à l’étranger.

Ces différentes vérifications ont permis de détecter dans le département 32,7 M€ d’indus, autrement dit des sommes perçues à tort à la suite d’une erreur involontaire que la Caf récupère, et 8,3 M€ de fraudes. « Par rapport à 2012, le nombre de cas de fraudes détectées a presque été multiplié par quatre », a annoncé Jean-Charles Piteau, le directeur de la Caf de la Haute-Garonne, à l’occasion d’un point presse organisé fin mai. Pour l’intéressé, cette progression est essentiellement due « aux progrès des moyens de détection » mis en place par l’organisme.

Sur les 171 962 allocataires ayant dû rembourser des sommes indûment versées, seuls 1 114 trop-perçus ont été reconnus comme frauduleux et sanctionnés. Des sanctions graduelles qui vont du simple avertissement (26,8 %) en passant par la pénalité financière (67,9 %) jusqu’aux poursuites pénales (5,3 %). Mis en place pour freiner la récidive, ce dispositif gradué a été renforcé en début d’année 2024 : « Depuis le 1er janvier, nous appliquons des frais de gestion qui viennent majorer de 10 % l’indu. Concrètement cela veut dire que sur un indu frauduleux de 1 000€, nous allons rajouter 10 % de frais de gestion, plus une pénalité », détaille Céline Fourcade, directrice comptable et financière de la Caf 31.

La menace grandissante de la fraude en bandes organisées

Et si la politique de lutte contre la fraude des caisses d’allocation a jusqu’ici visé principalement la fraude individuelle, elle s’accompagne désormais d’une stratégie de lutte accrue contre les fraudes dites à enjeux, le plus souvent d’ampleur nationale réalisées par des bandes organisées. « Au vu de leur sophistication et de leur complexité, les dernières fraudes en masse que nous avons détectées (usurpations d’identité aux RSA, usurpations de RIB, etc.) sont clairement l’œuvre de bandes organisées. Matériellement ce n’est pas possible autrement », assure Céline Fourcade avant de développer :

Pour lutter contre ce phénome de cybercriminalité et repérer des anomalies, nous avons de plus en plus recours à l’intelligence artificielle. Nos équipes utilisent déjà au quotidien des outils de datamining, autrement dit des algorithmes de ciblage qui permettent de coter des risques. Pour un couple avec deux enfants qui perçoit des prestations familiales pour 40€ par mois, le risque est moindre qu’une personne dont la situation nécessite de mettre à jour des ressources tous les trimestres avec une multiplicité de prestations qui fait que le dossier est compliqué à traiter. »

Pour lutter efficacement et durablement contre ce type de fraude, le gouvernement a sorti le carnet de chèque. Signée en juillet dernier entre l’État et la CNAF, la Convention d’objectifs et de gestion (COG) a en effet actée un investissement de près de 500 M€ pour « rénover et moderniser l’ensemble du système d’information nationale » sur la période 2023-2027. Une partie de cette enveloppe vise à financer le projet de Solidarité à la source. Destiné à faciliter le recours au RSA et à la Prime d’activité, ce projet qui s’étalera jusqu’en 2025 « va radicalement changer notre façon de travailler », affirme Jean-Charles Piteau. Et pour cause, « au lieu de demander à la personne de déclarer ses ressources, nous irons chercher les données directement en amont auprès de la base de données automatisée du Dispositif de ressources mensuelles (DRM) ».

Grâce à cette Solidarité à la source, la Caf de la Haute-Garonne espère faire baisser drastiquement la masse d’indus par rapport aux erreurs de déclarations mais pas seulement. « Cela va nous permettre de nous focaliser sur l’offre de services, la relation de services, l’accès aux droits, aux contrôles… Bref, cela va profondément changer notre positionnement en tant que service public », conclut le directeur de la Caf 31 qui donne rendez-vous l’année prochaine pour mesurer les premiers effets de ce projet très attendu, au même titre que celui inscrit dans la loi de Finances sur l’harmonisation des conditions de résidence quelles que soient les prestations.