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Budget 2026 : jours feriés, année blanche… quelles sont les autres pistes de Bayrou pour réduire le déficit ?

Budget. Le 15 juillet dernier, le Premier ministre François Bayrou a présenté un plan d’économies de 43,8 Mds€. Objectif : ramener le déficit public à 4,6 % dès 2026 contre 5,4 % en 2025. Un programme qui passe par une baisse des dépenses publiques, l’instauration d’une année blanche, la lutte contre la fraude, une chasse aux niches fiscales ou encore une diminution des dépenses de santé…

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Le Premier ministre François Bayroun le 15 juillet dernier lors de la présentation d’un nouveau plan d’économies budgétaires. (©Service d’information du gouvernement)

« La France vient de traverser deux années noires en matière de finances publiques », écrivaient début juillet les magistrats de la Cour des comptes à l’occasion de la publication de son rapport annuel sur la situation et les perspectives des finances publiques. Après une dégradation inattendue du déficit public de 0,6 point de PIB en 2023, celui-ci s’est en effet de nouveau creusé de 0,4 point en 2024 pour s’établir à 5,8 %, soit 168,6 Mds€.

Une dérive qui ne doit rien à des circonstances extérieures, assure la Cour. La juridiction financière y voit tout au contraire « la conséquence d’hypothèses trop favorables sur la croissance et les recettes, et surtout d’une incapacité à maîtriser la dynamique de la dépense et à engager des efforts d’économies pérennes. »

Plus de 40 Mds€ d’économies à trouver

Un avertissement sans frais adressé au Premier ministre François Bayrou quelques jours avant la présentation par ce dernier le 15 juillet 2025 de son « plan pluriannuel pour rééquilibrer les comptes publics » lors d’une conférence de presse. Objectif : réaliser 43,8 Mds€ d’économies et ramener le déficit à 4,6 % du PIB en 2026, à 4,1 % en 2027, 3,4 % en 2028 pour atteindre le seuil de 2,8 % en 2029.

Dans cet ensemble fourre-tout, puisqu’on y trouve pêle-mêle la création d’une taxe sur les petits colis, l’institution d’une société foncière pour « réduire, gérer et rendre utile le patrimoine improductif », la lutte contre la fraude fiscale et sociale ou encore un renforcement des sanctions contre les débiteurs en cas de retard de paiement…, plusieurs propositions fortes se dégagent.

2026 : année blanche ?

Au premier rang desquelles l’instauration d’une année blanche en 2026, à savoir l’absence d’indexation ou de revalorisation du barème de l’impôt sur le revenu, des prestations sociales, des retraites et des salaires des fonctionnaires.

Une solution décriée pour Pierre Moscovici, le président de la Cour des comptes pour qui « ce serait ce qu’on appelle un one-shot, c’est-à-dire qu’on le fait une fois et après ? ». Or, expliquait-il le 8 juin dernier sur les antennes de RadioJ, « ce n’est pas en 2026 qu’il faut faire des économies mais en 2026, 2027, 2028, 2029 et 2030 au moins. Pour ça, il faut modifier les politiques publiques ».

Avec une hypothèse d’inflation basse estimée à 1,1 %, l’année blanche devrait permettre, selon les projections de Matignon, de dégager 7,1 Mds€ d’économies, l’effort portant essentiellement sur les retraités (3,7 Mds€), les allocataires de prestations sociales (800 M€) et les demandeurs d’emplois (400 M€).

À noter que les retraités devraient également voir disparaitre l’abattement fiscal de 10 % pour frais professionnels dont ils bénéficient, lequel serait remplacé par un forfait annuel de 2 000 €. Une mesure qui permettrait d’économiser 5 Mds€. Ce forfait serait supérieur aux 10 % pour les retraités les plus modestes (jusqu’à 20 000 € de retraite), ne pénaliserait pas lourdement les revenus moyens et mettrait surtout à contribution les ménages plus aisés.

Une nouvelle chasse aux niches fiscales

Plus globalement, le Premier ministre annonce une énième chasse aux niches fiscales « inutiles et inefficaces ». Pour rappel, en 2023, on dénombrait 467 dispositions fiscales dérogatoires, représentant pour l’État une diminution des recettes fiscales de l’ordre de 81,3 Mds€. Outre les dispositifs qui arrivent à extinction, seraient également visées les avantages, réductions et crédits d’impôt qui profitent d’abord aux ménages les plus aisés et aux grandes entreprises. Le gouvernement espère dégager 3,4 Mds€ par ce biais.

Les contribuables les plus fortunés seraient par ailleurs soumis à une « contribution de solidarité » dont les contours restent à définir. Elle pourrait cependant se calquer sur la contribution différentielle sur les plus hauts revenus (CDHR) créée par la loi de finances pour 2025 pour un an, afin d’atténuer les disparités de taux d’imposition parmi les plus aisés.

Acquittée en 2025 par les contribuables dont le revenu fiscal de référence est supérieur à 250 K€ pour une personne seule (500 K€ pour un couple), cette contribution au taux progressif garantit un niveau minimum d’imposition de 20 %. L’actuelle contribution, qui, selon les derniers calculs de l’Institut des politiques publiques, devrait finalement générer 1,2 Md€ de recettes supplémentaires, au lieu des 2 Mds€ escomptés initialement, pourrait ainsi être élargie.

Ouverture de négociations sur le droit du travail

Autre mesure particulièrement médiatisée, la proposition de suppression de deux jours fériés – le lundi de Pentecôte et le 8 mai – a suscité une polémique. La mesure vise essentiellement à augmenter le temps de travail annuel ce qui devrait permettre d’accroître la production et en définitive les recettes fiscales (TVA, impôt sur les bénéfices).

Ce temps de travail supplémentaire ne donnerait lieu ni à rémunération ni à une compensation financière des entreprises (contrairement à la journée de solidarité, déjà initialement fixée au lundi de Pentecôte). Pour le gouvernement, la mesure pourrait représenter un gain de 4,2 Mds€.

Un montant pas tout à fait en phase avec les données de l’Insee. Selon les statisticiens, un jour férié aurait en effet un impact de 0,06% sur le PIB. Alors que ce dernier s’est élevé à 2 919,9 Mds€ en 2024, deux jours fériés équivaudraient ainsi à près de 3,5 Mds€.

Les modalités de la mesure seront toutefois soumises à la négociation des partenaires sociaux. Le Premier ministre propose d’ailleurs d’ouvrir plus largement les négociations sur le droit du travail. Il serait ainsi envisagé de faciliter le travail à temps partiel (en diminuant le minimum de 24 heures hebdomadaires) et de permettre le travail le dimanche dans certaines professions (boulangeries notamment).

Assurance chômage à nouveau en chantier ?

Alors que la dernière convention signée par le patronat et les syndicats a été agréée en novembre 2024 seulement, François Bayrou veut également remettre en chantier la réforme de l’assurance chômage, afin de porter une attention particulière sur le taux d’emploi des jeunes et des seniors. Le gouvernement pourrait se baser sur une proposition de loi, actuellement en discussion au Parlement qui prévoit de durcir encore les conditions d’indemnisation des demandeurs d’emploi.

La durée d’affiliation requise pour ouvrir droit aux allocations serait portée à huit mois sur les 20 derniers mois (contre six mois sur les 24 derniers mois). La durée maximale d’indemnisation passerait de 18 à 15 mois pour les chômeurs de moins de 55 ans.

La négociation devrait aussi porter sur les ruptures conventionnelles (rupture d’un CDI d’un commun accord entre l’employeur et le salarié et ouvrant droit aux indemnités légales de licenciement et à l’indemnisation du chômage). Or, les indemnités de chômage versées suite à une rupture conventionnelle représenteraient, selon Les Échos, un montant non négligeable, de l’ordre de 10 Mds€ sur les 37 Mds€ d’allocations versés par France Travail en 2024.

Alors que le nombre de ruptures conventionnelles se stabilise depuis 2022 (soit près de 514 600 en 2024, chiffre de la Dares), le ministère du Travail interrogé par Capital pointe des abus (licenciements économiques ou démissions déguisés). Une critique toutefois à nuancer sachant que le nombre de démissions est quatre fois plus important (plus de deux millions l’an dernier). La réforme pourraient surtout viser les salariés les mieux rémunérés (diminution du montant de l’allocation et de la durée d’indemnisation, allongement du délai de carence).

Baisse du train de vie de l’État

Pour dégager plus de 40 Mds€ d’économies, le plan prévoit également de faire baisser le train de vie de l’État, notamment via le non-remplacement d’un fonctionnaire sur trois partant à la retraite à compter de 2027 mais également grâce à une diminution des dépenses de santé.

Sont notamment envisagés un doublement du plafond annuel de franchises de 50 à 100 € ainsi qu’une réforme du régime des affections de longue durée ou encore un renforcement des moyens de lutte contre « l’explosion des arrêts maladie ».