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L’ENAC lance une chaire unique au monde sur le futur du transport aérien

Aérien. L’école d’ingénieurs toulousaine vient de signer, via sa fondation, un partenariat avec deux compagnies aériennes françaises, Air Caraïbes et French Bee, en vue de mener des recherches sur les nouvelles attentes des passagers.

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Photo d'Alexandre Fouet, Stéphane Sié, Christine Ourmières-Widener, Olivier Chansou et Estelle Malavolti
Au moment de la signature du partenariat, de gauche à droite : Alexandre Fouet, directeur du développement Fondation ENAC, Stéphane Sié, directeur des programmes Air Caraïbes & French Bee, Christine Ourmières-Widener, PDG d’Air Caraïbes et présidente de French Bee, Olivier Chansou, directeur général de l’ENAC et Estelle Malavolti, titulaire de la chaire. (©ENAC)

À la fin de l’année 2018, un nouveau mot a fait son apparition dans les médias : flygskam, un terme suédois pour désigner la honte de prendre l’avion en raison de son impact sur l’environnement. Évaluant le risque pour leurs activités, les Entreprises du voyage - organisation professionnelle qui regroupe les agents de voyages - ont fait réalisé en juin 2019 un sondage sur « l’impact du réchauffement climatique sur les habitudes de voyages en avion ».

À l’époque, 37 % des personnes interrogées affirmaient avoir déjà changé leur comportement pour limiter l’impact environnemental de leurs voyages en avion tandis que 26 % l’envisageaient. 49 % de ces personnes disaient préférer opter pour une destination moins lointaine, 44 % pour un mode de transport moins polluant. D’autres indiquaient préférer compenser les émissions carbone de leurs voyages (34 %) ou y renoncer tout simplement (30 %).

Six ans plus tard, ces résolutions ne se sont pas traduites dans les faits. Après avoir été fortement perturbé pendant la pandémie, le trafic aérien a retrouvé dès l’an dernier ses niveaux d’avant crise, à l’échelle mondiale. En 2024, un nouveau record devrait même être battu, avec cinq milliards de passagers transportés cette année.

C’est dans ce contexte que l’Ecole nationale de l’aviation civile (ENAC) vient d’annoncer la création, via sa Fondation, de la chaire TRAVEL (« sustainable air mobility and new passangers behaviour modelling »). Elle a vu le jour à Toulouse grâce au soutien des compagnies aériennes Air Caraïbes et French Bee.

Pour ses promoteurs, cette chaire, dotée d’un budget de 800 K€ sur cinq ans, est « une première à double titre » : elle est en effet « la première chaire française en sciences économiques appliquées au transport aérien et la première chaire au monde dédiée à l’étude de la demande des passagers », détaillent ces derniers dans un communiqué daté du 12 juin 2024.

La durabilité du secteur au cœur des enjeux

À travers la collecte de données et l’analyse quantitative et formalisée des comportements des consommateurs, l’objectif est d’une part de mieux comprendre les changements structurels dans la demande des passagers. « En particulier les choix des modes de transports et l’intermodalité », précise l’ENAC. Les chercheurs veulent également étudier « les conditions dans lesquelles le progrès technique et les diverses innovations opérationnelles pourraient répondre aux nouvelles attentes, particulièrement en termes de durabilité du secteur ».

Pour Estelle Malavolti, professeure de l’ENAC, titulaire de la chaire, « les travaux actuels, souvent issus de disciplines du management, se focalisent essentiellement sur le progrès technique comme solution au challenge de durabilité du transport aérien ». Des travaux nécessaires, parce qu’ils contribuent à la réflexion autour de la décarbonation du secteur, mais pas suffisants, selon cette spécialiste en économie industrielle, chercheuse associée à la Toulouse School of Economics. Et d’ajouter :

Il faut en effet travailler sur la demande, sur la transformation des besoins, des usages et des attentes des passagers, ce qui ancrera ces réflexions sur la réalité du terrain et donc permettra de les objectiver. »

Des travaux stratégiques

Photo des locaux de l'ENAC à Toulouse
Les locaux de l’ENAC à Toulouse. (©Lydie Lecarpentier)

Le directeur général de l’ENAC, Olivier Chansou, estime, pour sa part, que « mieux appréhender la demande est essentiel pour anticiper et accompagner les évolution structurelles des systèmes du transport aérien ». Ces travaux sont pour lui « stratégiques » si l’on veut « répondre pleinement aux attentes des usagers, et plus largement de la société ».

Mécène de la chaire, Christine Ourmières-Widener, PDG d’Air Caraïbes et présidente de French Bee, se dit très intéressée par ces recherches qui vont lui permettre d’avoir une meilleure compréhension de l’évolution de la demande. « Il était fondamental pour nous de soutenir un tel projet d’intérêt général, assure-t-elle. Les résultats de ces travaux, publics et destinés aux décideurs, nous permettront en effet d’avancer collectivement, de manière éclairée sur les nécessaires évolutions de nos activités et de façonner le futur du transport aérien. »