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Le Département se prépare à mener la « bataille de l’eau »

Environnement. À l’issue d’une nouvelle réunion du comité Eau, le Département de la Haute-Garonne, avec l’appui de la préfecture, vient de lancer une vaste campagne de sensibilisation aux économies d’eau. Tous les acteurs sont concernés.

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Photo de la Garonne à Toulouse
La Garonne à Toulouse, été 2022. (Crédit : Pixabay)

Les épisodes de pluie de ces dernières semaines n’auront pas suffi à changer la donne : le déficit en eau est toujours aussi criant dans le département de la Haute-Garonne.

C’est ce qu’a tenu à rappeler Serge Jacob, secrétaire général de la préfecture de la Haute-Garonne à l’issue d’un nouveau comité Eau qui s’est tenu à Toulouse le 24 mai dernier.

« Même si la météo donne l’illusion que nous sommes plus privilégiés qu’en 2022, c’est une fausse idée, parce que pendant la période dite de recharge des nappes, entre le 1er novembre 2022 et le 31 mars 2023, la pluviométrie a été déficitaire d’environ 30 %, affirme-t-il. Et s’agissant du manteau neigeux, une ressource très précieuse pour nous, la situation de fonte très précoce que nous connaissons n’a jamais été aussi forte depuis les 60 dernières années. Ainsi, nous abordons la période de soutien d’étiage avec un capital de ressource en eau assez dégradé. Il faut donc absolument le préserver dans la durée de façon à ce qu’il puisse répondre aux multiples besoins générés par les activités agricoles, industrielles, touristiques ainsi qu’aux besoins en eau potable. »

Pour sensibiliser le grand public au caractère précieux de cette ressource, le Département de la Haute-Garonne profite de cette réunion du comité Eau pour lancer une large campagne de sensibilisation aux économies d’eau.

« Depuis le mois de juin dernier, le comité Eau – qu’on appelait auparavant comité Sécheresse et qui s’activait seulement entre juillet et août –, s’est réuni très régulièrement, pour traverser d’abord la crise de l’été, puis celle de l’automne. Dès le 2 janvier dernier, le Conseil départemental et l’État ont jugé qu’il fallait mettre en place un plan d’actions et se préparer dès ce moment puisque la situation était déjà exceptionnelle », rappelle Jean-Michel Fabre, vice-président du Conseil départemental de la Haute-Garonne, en charge notamment de la transition écologique.

La mise en place de ce plan d’action s’opère dans le cadre du projet de territoire Garon’amont (PTGA). Visant à « répondre aux grands enjeux de la ressource en eau », ce PTGA est issu d’une vaste concertation lancée en 2019 et 2020 au terme de laquelle 130 recommandations ont été formulées par un panel de citoyens haut-garonnais.

Lesquelles ont été traduites en 32 fiches d’actions qui constituent le programme du projet de territoire.

Tous concernés

« L’idée est d’agir à tous les niveaux, avec tous les acteurs, poursuit Jean-Michel Fabre, car il n’en est pas un, sur notre territoire, qui ne soit pas concerné par la question de l’eau. Avec une double préoccupation : agir sur le court terme, à savoir être prêt début juillet, et en même temps agir dans la durée. Il faut aussi sortir de cette logique de restrictions subies pour entrer dans une logique de sobriété, d’attention permanente au sujet de l’eau. On n’avait en effet un peu oublié que l’eau est un bien commun qui peut être rare à certaines périodes. Nous avons donc fait le choix de mener collectivement la bataille de l’eau, en sachant que si nous ne le faisons pas nous aurons la guerre de l’eau et le chacun pour soi. »

Depuis janvier, le comité Eau a mené des actions auprès des différents acteurs concernés. Au premier rang desquels ceux qui stockent de l’eau dont EDF, « pour faire en sorte que l’opérateur conserve de l’eau dans ses réserves pendant l’hiver pour être certain qu’on ait les stocks d’eau nécessaires pour les relâcher dans la Garonne et l’Ariège cet été et cet automne. »

Photo de Serge Jacob et Jean-Michel Fabre
Serge Jacob, secrétaire général de la préfecture de la Haute-Garonne, et Jean-Michel Fabre, vice-président du Conseil départemental de la Haute-Garonne en charge de la transition écologique, des mobilités douces, du logement et de l’habitat. (Crédit : GAZETTE DU MIDI)

70 millions de m3 ont ainsi été stockés (contre 50 millions les années précédentes) dont huit millions dans le lac d’Oô. Autres acteurs concernés : les agriculteurs qui représenteraient, en période d’étiage, 82% de la consommation d’eau soit 54 millions de m3 en Haute-Garonne, loin devant l’eau potable (15 % des volumes d’eau consommés, soit 10millions de m3) et l’industrie (2%, soit 3 millions de m3).

« Tous les agriculteurs ont pu avoir accès aux informations relatives à l’état des réserves de manière que chacun puisse prendre ses décisions en connaissance de cause, pointe Jean-Michel Fabre, sachant que nous ne pourrions pas leur garantir que cet été, il n’y aurait pas à nouveau des restrictions d’usage de l’eau. Certains ont opté pour des cultures différentes, d’autres ont fait le choix de planter plus tôt certaines variétés. »

Ce que confirme Christel Carpentier, élue à la Chambre d’agriculture de Haute- Garonne : « Des agriculteurs, dès l’automne, ont pris les devants et augmenté les assolements en blé (+20%) et en colza (+15%) ». Le maïs, très gourmand en eau, est aussi concerné. Les surfaces cultivées pourraient fortement se restreindre cette année, certains évoquant un recul de 30%.

L’alternative consiste à utiliser « des variétés de maïs dry qui nécessitent deux à trois fois moins d’eau, mais offrent également trois fois moins de rendements, poursuit Christel Carpentier. Cela pose des problèmes de rentabilité économique aux agriculteurs mais au-delà, également à l’ensemble de la filière, puisque des coopératives font de l’achat-revente de grains, etc. Cela a donc un impact beaucoup plus vaste que le monde agricole. »

D’autres cultures sont touchées. « Les surfaces irriguées de soja ont diminué elles aussi de 30 à 40 %, sachant que les restrictions d’usage de l’eau intervenues en août dernier ont fait perdre aux agriculteurs 30 à 40% de production. Ils se sont tournés du coup vers le maïs dry ou bien vers le tournesol. Mais on a vu l’an dernier, que sans eau, les pertes de rendement ont atteint 70 %. S’agissant de la saison à venir, nous sommes donc très inquiets ».

Même si leur part dans les prélèvements d’eau est moindre, les industriels aussi ont été appelés à faire des efforts, notamment les plus gros consommateurs. « L’unité départementale de la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) a adressé des courriers à ces derniers pour leur demander de faire des économies d’eau pouvant aller jusqu’à 50% », précise Serge Jacob.

Des courriers qui devraient être suivis de contrôles, et le cas échéant de mises en demeure, puis de sanctions. Depuis le 13 avril dernier, le département a été placé au niveau vigilance, sachant que des mesures de restriction graduées et temporaires peuvent être prises par les préfets selon quatre niveaux de gravité (vigilance, alerte, alerte renforcée et crise).

« Cela signifie que nous appelons tout le monde à baisser sa consommation d’eau », résume Serge Jacob. Pour y parvenir, des mesures simples peuvent être prises, ce que rappelle la campagne lancée par le Département qui a choisi cinq gestes de bon sens : réparer les fuites dans son installation domestique, utiliser une chasse d’eau à double commande, prendre des douches rapides, installer un collecteur d’eau de pluie, ne pas laver sa voiture…

« Dans le cadre du projet de territoire Garon’amont qui vise à assurer la gestion de la ressource en eau pour les décennies à venir, nous avons décidé de mettre en place toutes les propositions du panel citoyen, même si ce n’est pas immédiatement, puisque certaines font l’objet d’études techniques. Or, aujourd’hui, non seulement nous tenons le planning, mais les crises nous contraignent à accélérer » , conclut Jean-Michel Fabre.

C’est notamment le cas du projet de recharge des nappes phréatiques via le canal de Saint-Martory. L’expérimentation, inédite en France, vient de débuter sur le bassin de la Garonne. Grâce à la mise en place de cette campagne de communication, le vice-président du CD 31 espère une économie d’eau d’au moins 10 %.