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Mal logement : la mairie de Toulouse dégaine le permis de louer dans le quartier Arnaud-Bernard

Logement. Alors que les tensions sur le logement conduisent ou maintiennent de nombreux locataires dans des habitats indignes, la Ville rose veut lutter plus efficacement contre ces situations en mettant en place à titre expérimental une autorisation préalable à la mise en location.

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Arnaud-Bernard est le premier quartier ciblé par le permis de louer institué par la mairie de Toulouse depuis le 3 novembre 2025. (© Didier Descouens, CC BY-SA 4.0)

Afin de lutter contre l’habitat indigne et les marchands de sommeil, la loi Alur de mars 2014 permet aux collectivités de mettre en œuvre des mesures de contrôle des biens mis en location. Comment ? En délimitant des zones soumises à autorisation préalable de mise en location. Un dispositif conforté par la loi Elan de novembre 2018.

Concrètement le propriétaire d’un logement situé dans un périmètre concerné par ce dispositif doit faire cette demande en cas de première location ou à chaque changement de locataire. Aucun bail ne peut être signé tant que l’administration n’a pas autorisé la mise en location, ou accordé une autorisation tacite.

Déjà effectif dans le 82 et le 34

De nombreuses villes un peu partout en France se sont saisies de ce dispositif parmi lesquelles, dans la région, celles de Montpellier ou Montauban. Dans la Cité d’Ingres, ce permis de louer existe depuis 2018 et couvre le secteur Cœur de ville - Villenouvelle et Villebourbon. À Montpellier, le dispositif est appliqué depuis 2021 dans le quartier de Celleneuve et dans le faubourg de Figuerolles depuis 2023.

La mairie de Toulouse vient d’ajouter son nom à cette déjà longue liste. La mesure adoptée à l’occasion d’une délibération du conseil municipal du 28 novembre 2024 est en effet entrée en vigueur le 3 novembre 2025 dans le quartier Arnaud-Bernard. De fait, dans la Ville rose, le mal-logement est un phénomène de plus en plus préoccupant. En témoigne le nombre grandissant de consultations pour ce motif auprès des juristes de l’Adil 31, association d’information sur le logement. En 2024, 1 630 consultations ont porté sur l’habitat indigne ou non-décent contre 1 464 en 2023.

Pour la municipalité, l’objectif est donc double : protéger à la fois les propriétaires et les locataires. « Le permis de louer garantit que les logements mis sur le marché locatif ne présentent pas de risque pour la santé ou la sécurité des occupants. C’est à la fois un outil de lutte contre les marchands de sommeil et un accompagnement protecteur des propriétaires dans l’entretien de leur patrimoine », assure la collectivité dans un communiqué daté du 31 octobre.

Arnaud-Bernard, premier quartier ciblé

Instituée à titre expérimental pour une durée d’un an, l’autorisation de mise en location vise une partie restreinte du quartier situé aux abords de la basilique Saint-Sernin. Un périmètre délimité au nord par les boulevards Lascrosses et de Strasbourg, au sud par la rue Saint-Bernard, l’allée du père Marie-Antoine, la place Saint-Sernin et la rue Émile Cartailhac et à l’ouest par les rues des Puits-creusés et Lascrosses.

Un choix qui ne doit rien au hasard. La mairie de Toulouse a recensé sur ce territoire « un nombre important de procédures liées à la salubrité et des situations d’habitat dégradé ». La mise en place d’un permis de louer doit permettre de « corriger ces dysfonctionnements », de « prévenir les dérives de certains bailleurs » mais aussi de « rehausser la qualité de l’offre locative dans ce secteur ».

Le périmètre délimité par la commune concerne 3 420 logements, dont environ deux tiers sont des locations. À l’issue de cette expérimentation, la mairie promet d’évaluer l’efficacité du dispositif en vue d’une éventuelle extension à d’autres quartiers confrontés à des problématiques similaires.

Comment ça marche ?

Pour rappel, le dispositif s’applique uniquement aux propriétaires de logements situés dans le périmètre défini. Les bailleurs sociaux en sont exemptés. Tous les logements à usage de résidence principale sont concernés, qu’ils soient vides ou meublés, anciens ou neufs. Sont donc exclues les locations touristiques. Les baux en cours ou leur renouvellement ne sont également pas affectés.

En pratique, les propriétaires concernés doivent demander à la mairie une autorisation pour louer leur logement, qu’il s’agisse d’une première mise en location ou d’un changement de locataire. La demande s’effectue en ligne depuis le site de la mairie de Toulouse, via un formulaire Cerfa, accompagné du Dossier de diagnostic technique (DDT) [1], document déjà obligatoire pour toute location, précise le communiqué.

À charge ensuite, pour un agent du service communal d’hygiène d’effectuer une visite du logement. Indépendamment de l’analyse des diagnostics techniques obligatoires, cette inspection a pour objectif de contrôler le respect des dispositions réglementaires relatives à la salubrité des logements. Les vérifications porteront sur des points tels que :

  • la présence d’une pièce principale d’une surface au sol d’au moins 9 m2 et d’une hauteur sous plafond de 2,20 m minimum ;
  • l’absence d’infiltrations d’eau, d’humidité et/ou de moisissures dans le logement ;
  • la présence de ventilations ;
  • le respect des critères minimaux d’habitabilité (dimensions des pièces de vie, présence d’ouvrants, luminosité naturelle suffisante) ;
  • la présence de moyens de production d’eau chaude et de chauffage ;
  • l’absence de risque lié aux installations électrique et gaz ;
  • l’absence de risque de chute ;
  • ou encore l’absence d’infestation d’espèces nuisibles et parasites.

Quelles sanctions en cas de défaut d’autorisation ?

La collectivité se donne un mois pour rendre sa décision, laquelle pourra être favorable ou bien favorable mais assortie de réserves, ou encore constituer un refus de mise en location. Passé ce délai, le silence de l’administration vaut autorisation tacite de mise en location. À noter que le permis de louer a une durée de validité de deux ans et devient caduque si le logement n’est pas loué durant ce délai. Le bailleur doit adresser une nouvelle demande de mise en location même en cas de changement de locataire dans les deux ans.

La mise en location d’un bien en l’absence de demande d’autorisation ou malgré un refus est passible de sanctions, rappelle la mairie de Toulouse. Le croisement de données de la CAF et des services fiscaux doit en effet permettre d’identifier les logements mis en location sans respecter le dispositif.

L’amende encourue pourra aller de 5 000 à 15 000 €. Toutefois, la mairie de Toulouse l’assure : elle privilégiera dans un premier temps « une approche pédagogique et d’accompagnement des propriétaires ».

[1Le Dossier de diagnostic technique contient l’ensemble des diagnostics qui doivent être communiqués au locataire au moment de la signature du contrat de bail.