Pointés du doigt par la Cour des comptes, acteurs de la montagne et élus montent au créneau
Tourisme. La juridiction financière a publié le 6 février 2024 un rapport alarmant sur l’adaptation des stations de montagne au changement climatique. Depuis, plusieurs institutions contestent le contenu du rapport de la Cour. Parmi elles, la station pyrénéenne Peyragudes, la Région Occitanie ou encore Domaines Skiables de France.
L’enquête nationale réalisée par la Cour des comptes et les Chambres régionales des comptes sur l’adaptation des stations de montagne au changement climatique, dont nous nous sommes fait l’écho ici-même, continue de provoquer des remous. En Occitanie notamment, les observations formulées par la Cour des comptes, publiées en février, ne convainquent pas tout le monde. C’est le cas du président de Peyragudes, Michel Pélieu, qui conteste le score de vulnérabilité attribué à cette station située aux confins de la Haute-Garonne et des Hautes-Pyrénées.
Pour les besoins de l’enquête, les juridictions financières ont en effet établi une classification des stations de montagne en fonction du risque auquel elles sont exposées, risque qui ne se résume pas au seul changement climatique.
Cet outil d’évaluation, appelé score de vulnérabilité, met ainsi en relation « trois types de données : le risque climatique, le poids socio-économique de la station et la capacité financière de l’autorité organisatrice des remontées mécaniques », précise la Cour des comptes dans son rapport. Plus ce chiffre est important, plus l’exposition au risque est forte. C’est sur cette base qu’ont, par exemple, été attribués les scores de 1,75 à l’Alpe d’Huez, en Isère, de 21,67 à Arvieux, dans les Hautes-Alpes, de 5,67 à Ax 3 Domaines, en Ariège, et de 24,56 à Peyragudes.
Erreur de calcul ?
Un score en l’occurrence particulièrement élevé qui fait bondir Michel Pélieu, alors même que, pointe le président de la station dans un communiqué daté du 21 mars 2024, « la Cour classe Peyragudes dans un risque climatique "moyen", c’est-à-dire parmi les stations pyrénéennes les moins exposées à ce risque environnemental ». Pour l’élu haut-pyrénéen, la Cour a commis une erreur en retenant « la seule surface financière de la commune de Gouaux-de-Larboust. » Une commune de 60 habitants dont le territoire couvre uniquement le versant haut-garonnais des Agudes. Et Michel Pélieu d’ajouter :
En réalité, l’autorité organisatrice du versant Agudes est constituée, pour 80 %, du Département de la Haute-Garonne et, pour 20 % seulement, de la commune de Gouaux-de-Larboust ! Un versant haut-garonnais auquel il faut rajouter, pour calculer la surface financière de l’autorité organisatrice de la station, son pendant haut-pyrénéen représenté par le Syndicat intercommunal de la Vallée du Louron qui regroupe, pour le versant Peyresourde, l’ensemble des communes de cette vallée. »
Transition ou rupture ?
La présidente de la Région Occitanie, Carole Delga, émet, elle aussi, des réserves quant à l’appréciation portée par la Chambre régionale des comptes sur sa politique de soutien à l’économie des stations de montagne. Si elle salue « le volontarisme » de la collectivité, la juridiction financière, qui évalue à 43,3 M€ le montant des aides distribuées aux stations par la Région entre 2018 et 2022, pointe notamment un manque de cohérence et des aides parfois mal ciblées.
La chambre estime ainsi « nécessaire de définir, pour toute aide publique directe ou indirecte, des critères précis et mesurables compatibles avec des objectifs clairs et chiffrés ». Pour la chambre, il s’agit en effet « de sortir, par une véritable diversification et par des choix plus clairs d’investissements, du sentier de dépendance à l’économie du ski que les stations continuent à emprunter, au prix d’investissements peu soutenables en termes de ressources (financières comme naturelles) notamment sur de la production de neige. »
Une vision que ne partage pas l’élue qui défend « une logique de transition et de transformation face au changement climatique, et non dans une logique de rupture, comme semble le préconiser la Chambre. » L’appréciation portée par la chambre sur le poids économique, social et démographique des activités liées au ski lui paraît en outre sous-évaluée.
Un chef de file
En réponse aux recommandations de la Chambre, Carole Delga annonce vouloir faire plus de place « aux projets de territoires, concertés entre acteurs publics pour empêcher la concurrence entre station et cohérents vis-à-vis des prévisions climatiques ». Elle indique par ailleurs que de nouveaux critères seront définis pour l’attribution des aides régionales. Et la présidente de région de préciser :
Ils mettront l’accent sur la nécessité de rechercher un modèle économique vertueux, mutualisant au maximum les coûts et les moyens. Les projets seront étudiés sur la base de données climatiques (études Climsnow des stations) et économiques (projections budgétaires à 20 ans) permettant de déterminer la viabilité des investissements. »
La Région se dit également prête à assumer le rôle de chef de file en vue de faciliter les échanges entre les différents acteurs, et rendre plus lisibles leurs actions.
Demande de rectifications
Domaines skiables de France (DSF), qui représente les opérateurs de l’ensemble des domaines skiables français, de son côté, vient d’adresser une demande officielle de rectification à la Cour, invoquant dans un communiqué en date du 16 mars 2024 « un certain nombre d’inexactitudes et d’appréciations discordantes ».
À l’appui de ses dires, DSF a adressé à la juridiction financière un document de 18 pages où la structure conteste les chiffres relatifs aux prélèvements d’eau pour la neige de culture, l’évolution des niveaux d’enneigement, le montant des subventions attribuées aux domaines skiables, évaluation des retombées économiques pour les domaines skiables ainsi que, plus globalement, les scores de vulnérabilité. Elle déplore enfin une « appréciation indifférenciée de la situation des stations de montagne face au changement climatique ».
Alexandre Maulin, président de Domaines Skiables de France, estime que ce rapport « jette injustement le discrédit sur tout une profession » qui représente rappelle-t-il « plus d’un 1,5 Md€ de recettes annuelles, plus de 50 millions de journées de ski enregistrées en France chaque hiver et 120 000 emplois qui en dépendent en station. »