Stations quatre saisons : le directeur du réseau N’Py défend un modèle qui interroge
Interview. Alors que la Chambre régionale des comptes d’Occitanie alertait, en début d’année, sur la dépendance des stations de ski pyrénéennes aux subventions publiques, Guillaume Roger, directeur du réseau N’Py, qui regroupe huit stations, défend un modèle repensé, misant sur un tourisme quatre saisons pour assurer leur avenir.
Le 13 mars dernier, Valérie Renet, la présidente de la Chambre régionale des comptes (CRC) d’Occitanie, présentait le rapport sur « l’adaptation des stations de montagne face au changement climatique ». Un rapport pour lequel ses équipes ont réalisé des contrôles sur 17 des 38 domaines skiables des Pyrénées françaises. Avec à la clé des conclusions alarmantes concernant la viabilité économique et la dépendance des stations aux subventions publiques.
Un document qui n’avait à l’époque pas manqué de faire réagir les professionnels du secteur parmi lesquels France Montagne, l’organisme de promotion touristique des stations et massifs de montagne français, dont le président qualifie ce rapport de « dogmatique ». À l’occasion du lancement de la saison de ski 2024-2025, Guillaume Roger, directeur opérationnel de N’Py, marque commerciale de la Compagnie des Pyrénées, société d’économie mixte (SEM) créée par la Région Occitanie pour soutenir le développement des stations de ski du territoire, a accepté de revenir sur le sujet qui fâche.
Le rapport de la Cour des comptes s’interroge sur la viabilité des stations de ski. Selon vous, le ski a-t-il un grand avenir ?
Guillaume Roger, directeur opérationnel de N’Py : « Oui bien sûr, on constate saison après saison la même appétence du public pour le ski. Dès que la neige et la météo sont au rendez-vous, les clients sont là, et les stations sont bondées. Ici, je ne parle pas que de la clientèle locale, car l’affluence est d’autant plus forte lors des vacances scolaires ou des longs week-ends. »
Qu’en est-il de leur modèle économique, qui, comme le rapporte la Cour des comptes, reste fortement dépendant des subventions publiques ?
Guillaume Roger : « En ce qui concerne le modèle économique, il y a quatre ans de cela, la Région Occitanie, accompagnée de la Région Nouvelle-Aquitaine et des départements qui composent le massif, sauf la Haute-Garonne, qui n’est pas encore dans le dispositif, ont décidé de créer la Compagnie des Pyrénées sous la forme d’une SEM pour créer justement une alternative au modèle de subvention qui était en place jusqu’alors et basé sur le principe suivant : "j’ai besoin de construire un télésiège, la Région va aider, et ça s’arrête là". Véritable maison mère, la SEM regroupe trois sociétés : une qui s’occupe de la partie hébergement, qui est le nerf de la guerre puisque si on n’arrive pas à loger les vacanciers, ils ne viennent pas ; une autre qui s’occupe de toute la commercialisation et du marketing, c’est N’Py ; et une société de participation financière, la Compagnie des Pyrénées Participation (CDPP). Celle-ci a pour vocation de prendre des participations au capital des sociétés locales d’économie mixte en charge de l’exploitation des stations. C’est ce qu’il s’est passé il y a deux ans avec le Grand-Tourmalet, dont la Compagnie des Pyrénées est aujourd’hui actionnaire à 28 %. »
En quoi la création de la Compagnie des Pyrénées change-t-elle la donne ?
Guillaume Roger : « Cela change complétement le paradigme puisque nous ne sommes plus dans une logique "je donne des subventions et je laisse faire". Aujourd’hui, nous sommes entrés dans une logique de mutualisation, d’économie de charges ou encore d’échelle, tout cela dans le but de faire progresser les stations. Cette initiative s’accompagne de la volonté de passer à une stratégie de diversification, donc à un modèle plus orienté sur les quatre saisons. »
Que répondez-vous à la CRC qui parle de déni de réalité sur le manque d’enneigement et ses conséquences pour la viabilité des stations sur le très long terme ?
Guillaume Roger : « Eh bien moi, je réponds que la Cour des comptes a aussi dit que la Compagnie des Pyrénées, grâce à ses actions et les outils déployés, arrive à s’inscrire dans une stratégie de viabilité. Le rapport décrit même la SEM comme une société vertueuse et que les huit stations du réseau N’Py ne sont pas en danger. »
Est-on sûr que le modèle des « quatre saisons » est LA solution ?
Guillaume Roger : « Si nous prenons un peu de recul, tous les investissements réalisés sont pensés pour être réversibles, c’est-à-dire qu’ils s’adaptent à la conjoncture et qu’ils n’engendrent pas de coûts importants. Le modèle dit des « quatre saisons », c’est notamment permettre aux gens de profiter de la montagne toute l’année. De quoi permettre aux stations d’engranger des recettes sur 12 mois et ainsi pouvoir préparer la saison d’hiver avec plus de fonds. »
La pérennité des stations dépend aussi du changement climatique. Que mettez-vous en place pour appréhender ce défi ?
Guillaume Roger : « Outre cette stratégie de diversification, nous travaillons depuis trois ou quatre ans sur de nouveaux outils dont un dispositif de collecte et d’analyse des données de ventes, de fréquentation, de météo ou encore de gestion du personnel. Si l’on intègre de l’intelligence artificielle là-dedans, cela va nous permettre de prédire en quelque sorte l’avenir. Si nous savons que, la semaine qui suit, il y aura moins de neige, nous pourrons adapter les services que nous proposons à notre clientèle, comme par exemple sortir les VTT en plein hiver ! »