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TER à 1€ en Occitanie : une fréquentation en hausse mais pour quel coût ?

Mobilité. En Occitanie, les usagers du train peuvent voyager pour 1€ les premiers week-ends de chaque mois. Cette offre fait partie, avec d’autres dispositifs, des tarifs avantageux mis en place par la Région pour booster le transport ferroviaire sur son territoire. Une politique unique en France qui vient d’être passée au crible par la Chambre régionale des comptes d’Occitanie dans un audit flash.

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Depuis 2016, la Région Occitanie a fait le choix d’une politique volontariste en faveur du train avec différentes offres de billets à 1€. (©Gazette du Midi)

Le 4 septembre dernier, la présidente de la Chambre régionale des comptes (CRC) d’Occitanie Valérie Renet a présenté, aux côtés de son équipe, les résultats d’un audit flash sur la politique tarifaire « TER à 1€ » mise en œuvre par la Région Occitanie sur le réseau de transports express régional sur la période 2019-2024. Inédit, ce rapport se concentre sur ses objectifs d’attractivité, de report modal, d’impact environnemental et bien sûr son coût.

Initiée en 2011 par Christian Bourquin, alors président du Conseil régional de Languedoc-Roussillon pour dynamiser certaines lignes et éviter leur fermeture, cette offre ferroviaire a depuis été reprise puis étendue par Carole Delga, présidente de la Région Occitanie. Elle se décline désormais en cinq propositions distinctes : les billets 1er week-end du mois (730 538 vendus en 2023), les billets jeunes pour les moins de 27 ans du 15 juillet au 15 août (778 713), les billets contingentés (683 647), les billets des cinq lignes historiques (536 156), et les billets dits « pics de pollution » (0).

Avant de dévoiler les résultats de cet audit flash, Valérie Renet a d’abord tenu à expliquer le choix de la CRC de se pencher sur ce dispositif qui a encore vu plus de 104 000 billets vendus au cours du premier week-end d’avril 2025. « Ce rapport n’est pas une évaluation globale de la politique de mobilité régionale, a ainsi insisté en préambule la magistrate. Il est là pour porter un éclairage sur un dispositif spécifique, unique en France, sur lequel la collectivité communique énormément tout au long de l’année. L’Occitanie est en effet la seule région à avoir développé une offre de billets à 1 € à cette échelle. » Dans les Hauts-de-France, elle est par exemple limitée à 250 000 billets à destination des jeunes de 4 à 12 ans, sur la période estivale.

Toujours plus de voyageurs

(©CRC Occitanie)

Alors que la Région s’est donné pour objectif d’atteindre les 100 000 voyageurs par jour d’ici 2032, les billets à 1 € ont-ils permis au réseau ferroviaire occitan de gagner en attractivité ? Avec aujourd’hui 80 000 voyageurs quotidiens et un taux d’occupation de 39 % (contre 32 % en moyenne dans le reste de l’Hexagone), il serait facile de répondre oui à cette question mais la réalité est plus contrastée. Et ce pour une raison historique.

En effet, si entre 2019 et 2024 la fréquentation globale du réseau a bien augmenté de 68 %, plaçant la région en tête des progressions nationales, la population d’Occitanie reste une de celles qui utilise le moins le train avec un ratio voyageur-kilomètre par habitant de 248. Ce qui la classe en avant-dernière position au niveau national.

Pour autant les effets de cette politique tarifaire sont bien réels. « En 2023, plus de 2,7 millions de ces billets ont été vendus, représentant 12,9 % du volume total de voyageurs-kilomètres, souligne le rapport. Les offres ciblant les jeunes et les premiers week-ends constituant 55,3 % des ventes totales de billets à 1 €. Par ailleurs, les week-ends à 1 € ont généré 47 % de voyages supplémentaires comparativement aux week-ends ordinaires sur le premier semestre 2024. »

Ce choix d’un ferroviaire moderne, avec des tarifs accessibles, avait aussi pour objectif de favoriser le report modal vers le train. Un enjeu de taille sur un territoire où la dépendance à la voiture est encore forte. Ce pari est-il réussi ? Pas totalement. « Nous avons constaté des effets plutôt limités de ces offres sur le transfert de flux de passagers », a indiqué Valérie Renet tout en regrettant l’absence générale de suivi statistique sur cette question par les régions de manière générale. « Nous nous sommes donc appuyés sur une enquête menée en 2022 par la collectivité auprès des usagers. Celle-ci a montré que seuls 12 % des voyageurs avaient été incités à prendre le train grâce aux billets 1€. »

Pour expliquer cet impact modéré, la CRC s’est appuyée sur les résultats d’une autre enquête, réalisée et publiée par Ipos en juin 2023. Celle-ci révèle que « le coût de l’abonnement ou des billets n’arrive qu’en septième position comme motif de non-utilisation des transports en commun, après la fréquence des trajets, les horaires et la durée de trajets. Or, la qualité de service des TER en Occitanie, évaluée par les taux de fiabilité (86,8 %) et de ponctualité (86,5 %), demeure inférieure à la moyenne nationale ».

Un coût global évalué à 9,1 M€ par an

Quid du coût de cette politique tarifaire ? Les transports et la mobilité constituent le premier poste de dépenses des régions. En Occitanie, il représente 30 % de son budget, qui est de 3,5 Md€. « Dans le budget transport, le ferroviaire c’est un quart des dépenses de fonctionnement (466 M€) et un tiers des dépenses d’investissement. Un montant alloué qui a été multiplié par deux entre 2018 et 2023 : hausse de l’investissement, augmentation des coûts de l’énergie, enrichissement de l’offre… », détaille la présidente de la chambre régionale des comptes d’Occitanie, avant de poursuivre :

À noter que l’usager ne paie jamais la totalité du coût du service. La part des recettes commerciales amenées par les usagers en Occitanie sur ces billets-là tourne autour des 23,4 %, contre 32,8 % au niveau national. Le reste est financé par les contribuables. »

Concrètement, la CRC a calculé que le coût de l’ensemble de ces offres se montait à environ 9,1 M€ par an, soit à peu près 2 % du coût global de l’exploitation des trains régionaux. Cela correspond à 3,4 € par billet en 2023.

Enfin, s’il est difficile d’évaluer vraiment la contribution de cette offre tarifaire sur l’environnement de l’aveu même de Valérie Renet, son impact est positif sur les billets contingentés et les billets jeunes « puisque nous avons une augmentation du taux d’occupation sans trains supplémentaires ajoutés ». Une bonne nouvelle alors que la Région porte l’ambition de réduire de 40 % les émissions exprimées en grammes de CO₂ par voyageur-kilomètre.

Toutefois, a alerté la magistrate, l’impact est quasi nul pour les lignes dites historiques. Des lignes pour lesquelles la collectivité a engagé d’importants travaux de rénovation et donc investi massivement. « Sur les cinq lignes historiques [1], trois ne sont pas électrifiées donc forcément leur niveau d’émission de CO2 est équivalent à celui de la voiture ou de l’autocar. » Quant aux deux autres lignes à traction thermique, il est similaire à ceux de la voiture en raison de leur faible taux d’occupation, ce qui compromet l’objectif environnemental recherché.

Alors, quel bilan tire finalement la CRC de la politique tarifaire de la Région en faveur du tain ? « Nous ne sommes pas là pour tirer de conclusion mais bien pour poser des constats. Ce que l’on peut dire c’est que c’est un choix politique qui a un réel effet positif sur la fréquentation mais qui a aussi un coût, 2 % du coût global d’exploitation », a ainsi conclu Valérie Renet.

[1Les cinq lignes historiques : Nîmes - Le Grau du Roi / Carcassonne – Quillan / Perpignan - Villefranche-Vernet-les-Bains / Marvejols - La-Bastide-St-Laurent-les-Bains / Béziers - Bédarieux - St-Chély-d’Apcher.