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À Saverdun, Laine Paysannes fait sa pelote

Artisanat. Olivia Bertrand et Paul de Latour aiment se définir comme des paysans et des artisans. Ils ont recréé depuis l’Ariège une filière de valorisation de la laine de moutons. C’est tout un écosystème qui s’est mis en place.

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Olivia Bertrand et Paul de Latour à la tête des Laines Paysannes. DR

« La laine a une mission transversale », aime expliquer Olivia Bertrand, très fière d’être impliquée à 100 % dans ce réseau de la laine ariégeoise qui redonne des couleurs à toute la filière en France. Installée à Saverdun, la Scop Laines Paysannes est née en 2016 sous le statut d’association. Olivia Bertrand s’est passionnée pour cette matière grâce au tissage, elle a appris cette technique en Amérique centrale lors d’un voyage d’études. De retour en Ariège, elle ouvre un petit atelier de tissage et travaille sur le projet de reprise de la filature de Niaux.

« On affiche fièrement une laine triée, récoltée et filée, en Occitanie »

Puis, Olivia Bertrand rencontre Paul de Latour, éleveur de moutons à Saverdun. Il était en agriculture bio et en vente directe pour les agneaux. Il réfléchissait beaucoup à la question de la valorisation de la laine. « J’avais une approche matière et Paul avait la vision d’un troupeau. En 2015, nous avons mis en place, pour la première fois, un chantier de tonte sur la ferme avec des bénévoles pour trier la laine et tester les premières ventes de fils à tricoter ». Très vite l’association devient une Scop, elle compte aujourd’hui une équipe de neuf personnes.

Structurer une filière

Olivia Bertrand insiste sur l’aspect transversal du travail de la laine : « Tous les membres de l’équipe se déplacent sur le terrain pour trier la laine. Au fur et à mesure de la tonte, la toison est disposée sur une table de tri. On complète le travail du tondeur. C’est un vrai savoir-faire », détaille la jeune femme. Laines Paysannes a tissé des partenariats avec une vingtaine de fermes de la région, la plus grosse activité se situe entre février et juin avec un pic au mois d’avril. Brebis rouge du Roussillon, brebis tarasconnaises… Laines Paysannes met en valeur la laine de sept races différentes.

Laines Paysannes nettoie chaque année près de 14 tonnes de laine. DR

Chacune a sa particularité, certains fils conviennent mieux aux pulls, d’autres aux tissages de tapis par exemple. « On affiche fièrement une laine triée, récoltée et filée, en Occitanie, explique Olivia Bertrand, à Dreuilhe, à la filature de Niaux ou à celle du Parc à Brassac, dans le Tarn. On structure une filière de transformation à 350 kilomètres maximum de chez nous. » Pour un kilo de laine récupérée, on obtient 500 gammes de laine utilisable. Laines Paysannes nettoie chaque année en moyenne 14 tonnes de laine.

Une démarche puriste et écoresponsable

La laine est une matière première peu valorisée. Son cours varie énormément sur les marchés mondiaux. « On l’achète un euro TTC le kilo chez un éleveur, tandis qu’un négociant n’y mettra que cinq centimes », explique Olivia Bertrand. Il va ensuite l’envoyer au bout du monde pour la tisser et faire revenir les pelotes en Europe. « Personne ne s’y retrouve, surtout pas la planète. » Donner du sens, assurer une traçabilité des produits finis, créer de l’emploi, valoriser les producteurs…

La démarche séduit des consommateurs en recherche de produits éthiques. Le métier intéresse, les demandes de stage et de reconversion affluent ces dernières années. On dirait bien qu’Olivia Bertrand et Paul de Latour ont répondu à la question : comment faire d’une matière ancestrale une filière d’avenir ?