Entreprises

À Toulouse, les forces économiques se mobilisent pour défendre l’entreprise, pilier du contrat social

Mobilisation. Alors que la France traverse une crise politique inédite et que tous les voyants économiques (ou presque) sont au rouge, l’heure est au rassemblement dans les rangs des dirigeants d’entreprise haut-garonnais et occitans. Ils étaient plus de 600 rassemblés le 24 novembre 2025 au palais des sports de Toulouse pour défendre "l’entreprise".

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À la tête de cette mobilisation générale : Pierre-Olivier Nau, président du Medef 31, Didier Katzenmayer, président de l’UIMM Occitanie, Mathieu Roudié, président de la FBTP 31 et Nicolas Durand, président de la CPME 31. (©Gwen Bovilan)

C’est tout simplement du jamais vu depuis plus de 40 ans, preuve de l’urgence de la situation. Le 24 novembre dernier, à l’appel des organisations patronales haut-garonnaises (CPME 31, Medef 31, FBTP 31, UIMM Occitanie) et des présidents des différentes branches professionnelles, ils étaient entre 600 et 800 entrepreneurs, artisans, dirigeants de TPE, PME et ETI au palais des sports de Toulouse pour faire front commun et défendre l’entreprise.

Rare par son ampleur, cette mobilisation locale intervient dans un contexte général dégradé entre hausse du nombre des défaillances d’entreprises (70 000 attendues cette année, un record !), multiplication des impayés, allongement des délais de paiement, dégradation des trésoreries [1]... À cette liste s’ajoute un symbole lourd de sens pour un territoire qui fait de la formation sa colonne vertébrale : la chute de 50 % du nombre d’apprentis dans les CFA d’Occitanie.

« Boulimie fiscale » et « surdité politique »

Alors que tous les voyants (ou presque) sont dans le rouge - et que le vote d’un budget pour 2026 d’ici la fin de l’année apparaît de plus en plus incertain - les acteurs économiques haut-garonnais dénoncent une classe politique hors-sol, qui n’est pas à la hauteur des enjeux. Entre « mélange délétère de postures, de renoncements et d’absence de vision, la séquence politique en cours fait de l’entreprise la variable d’ajustement budgétaire de notre pays, quand nos voisins et concurrents en font leur priorité », déplorent-ils. Et d’insister : « L’entreprise ne peut plus éponger l’addition des non-réformes ! »

Plus que de la colère ou de l’incompréhension, « nous sentons une vraie lassitude, et surtout une rupture grandissante entre sphère publique et sphère privée. Les décisions économiques se prennent désormais malgré la politique, non plus avec elle », alerte le patron du Medef 31 Pierre-Olivier Nau qui s’alarme du risque de voir des chefs d’entreprise « se détourner d’un vote rationnel », faute de confiance dans les leviers publics.

Pour sortir de la crise par le haut, les organisateurs ont présenté un plan d’actions construit autour de trois axes majeurs. Première revendication : stop à l’excès fiscal. Le patronat toulousain dénonce une augmentation de la fiscalité pesant sur les entreprises prévue de 53 Md€. Une trajectoire jugée « déraisonnable » et incompatible avec la compétitivité internationale.

Deuxième revendication : lutter contre l’inflation normative « notamment la sur-transposition des normes européennes en France, qui freinent la production, la construction et l’investissement », détaille Pierre-Olivier Nau. Troisième revendication : la défense de dispositifs stratégiques. À commencer par le maintien du crédit impôt recherche (CIR), clé de la souveraineté technologique ainsi que de l’aide à l’apprentissage, indispensable à la réindustrialisation et à la formation des jeunes.

« Ces mesures fiscales, qui sont aujourd’hui menacées, ne doivent pas être considérées comme des dépenses, mais bien comme des investissements cruciaux pour l’avenir », insiste celui qui est aussi PDG de Manatour, leader français du tourisme industriel.

Un plan d’action sur la durée : du local au national

Loin d’un coup d’éclat sans lendemain, les organisations patronales entendent inscrire leur mobilisation dans la durée. À partir de décembre, elles rencontreront tous les candidats aux municipales pour co-construire des initiatives locales « basées sur la confiance et l’activité entrepreneuriale » (fiscalité, taxe foncière, etc). Une offensive parlementaire est également prévue, notamment sur les dossiers explosifs du moment dont la remise en cause du pacte Dutreil, conçu pour faciliter la transmission d’entreprises familiales ou encore la hausse du prélèvement forfaitaire unique (PFU) qui plafonne la fiscalité des dividendes.

« Si la trajectoire budgétaire ne change pas, nous n’excluons pas d’élargir et d’intensifier la mobilisation », prévient le président du Medef 31 affirmant que d’autres villes pourraient bien leur emboîter le pas. La tenue d’un meeting national est également relancée après celui avorté en octobre dernier « pour ne pas jeter de l’huile sur le feu », suite à la démission surprise du gouvernement Lecornu I.

Enfin, cette mobilisation générale a aussi été l’occasion d’aborder un sujet sensible trop souvent négligé, celui de la santé mentale des dirigeants. « Le chef d’entreprise est souvent perçu comme une "éponge" capable de transformer l’angoisse des salariés en enthousiasme. Mais lorsque cette motivation s’effrite ou disparaît, c’est l’énergie d’un pays entier qui vacille », prévient Pierre-Olivier Nau, soulignant le rôle fondamental joué par celles et ceux qui créent de la valeur et participent au lien social dans les territoires.

[1Dégradation des trésoreries : à la rentrée, la trésorerie moyenne des TPE françaises est tombée à 15 710 €, son plus bas niveau depuis 2020.