Acte 2, une nouvelle aventure et une nouvelle étoile pour Yannick Delpech
Interview. Entre 2024 et 2025, 16 restaurants ont reçu leur première étoile Michelin en Occitanie. Une distinction prestigieuse qui bouleverse la trajectoire de ces établissements. Aboutissement ou cadeau empoisonné, nous sommes allés poser la question aux principaux intéressés. Épisode 2 de cette saga estivale avec Yannick Delpech, chef du restaurant Acte 2 à Toulouse.

Comment définiriez-vous la philosophie de votre restaurant ouvert en 2023 ?
Yannick Delpech, chef du restaurant Acte 2 :« J’ai voulu prendre le contre-pied de mes précédents établissements. Ici je veux accueillir les gens comme chez moi, que les clients se sentent comme à la maison. C’est un lieu authentique, de partage et de convivialité. C’est beaucoup plus qu’un simple restaurant : les gens viennent pour découvrir un univers et passer du bon temps. Nous ne sommes que quatre à travailler en cuisine et en salle, et nous ne faisons qu’une quinzaine de couverts par service. Rien à voir avec l’Amphitryon que j’ai tenu pendant 30 ans à Colomiers et pour lequel j’ai obtenu deux étoiles Michelin. Je l’ai fermé en 2024 parce qu’il ne me correspondait plus. L’Acte 2 traduit cette volonté de changement. »
Que vous a apporté cette première distinction ?
Yannick Delpech : « La première chose que l’on remarque, c’est le gain d’affluence. Les gens sont curieux, ils veulent venir tester. Cela aurait pu me permettre d’augmenter mes prix mais j’ai décidé de ne pas le faire. Ici nous ne servons qu’un menu dégustation, qui change au fil de mes envies et des saisons. Si nos prix évoluent, c’est simplement du fait de l’augmentation des matières premières, soit de l’ordre de 3 % à 5 % par an. Mon but n’est pas de faire du restaurant une grosse affaire. En 2024, notre chiffre d’affaires était de 700 K€, ce qui est peu par rapport à d’autre établissements que j’ai pu tenir. Évidemment, je suis chef d’entreprise donc je veux la faire fructifier mais ce n’est pas mon but premier. Pour être honnête, je n’en voulais pas de cette étoile. Bien sûr que c’est plaisant de recevoir le coup de fil du Guide, mais je ne me suis pas senti légitime par rapport aux autres qui essayent de l’avoir depuis des années. Ce qui est certain, c’est que je ne changerai rien dans ma manière de faire ! »
L’entrée au guide Michelin est un gage d’excellence. Dans votre ancien établissement, aviez-vous mis en place une stratégie pour obtenir vos étoiles ?
Yannick Delpech : « Il n’y a pas de cahier des charges pour obtenir une étoile. On sait forcément, par expérience, ce qu’il est préférable de faire ou non pour y arriver mais il n’y a pas de recette miracle. Avec l’Amphitryon, je peux dire que j’ai tout fait pour l’obtenir et ça a payé puisque je ai obtenu la première en 2000 alors que j’avais seulement 24 ans. Mais ici, c’est une autre histoire, je n’ai plus forcément besoin de ces reconnaissances, même si c’est toujours très gratifiant. Ce qui me plaît le plus dans le fait d’avoir obtenu cette première étoile pour Acte 2, c’est de constater que le guide Michelin évolue avec son temps. Il est de plus en plus ouvert d’esprit. 20 ans en arrière, je ne l’aurais jamais reçu. C’est très encourageant pour la nouvelle génération. »
Quelle est la prochaine étape ? Garder l’étoile, en décrocher une deuxième ou obtenir une autre distinction ?
Yannick Delpech : « J’ai déjà tenu plusieurs affaires. En plus d’Acte 2 il me reste la boulangerie-pâtisserie Sandyan rue Alsace-Lorraine. Pour le reste, j’ai presque tout vendu. J’ai envie de profiter un peu plus de la vie. Il faut dire que je ne me suis jamais arrêté de travailler et la restauration est un métier prenant. Mais aujourd’hui, je vais avoir 50 ans et j’ai envie de me recentrer sur mon métier et de m’éclater en le faisant. Nous allons continuer de travailler comme nous le faisons depuis le début avec la même exigence et la même authenticité pour garder l’étoile, mais mon but n’est pas d’en obtenir une autre. Je n’ai pas non plus pour ambition d’ouvrir un nouveau restaurant, même si je ne m’interdis rien. »
Quels conseils donneriez-vous à une cheffe ou un chef qui souhaite obtenir une étoile ?
Yannick Delpech : « La clé, c’est d’avoir une vraie conviction culinaire, d’aimer ce qu’on fait et de savoir pourquoi on le fait. La nouvelle génération est très intelligente et talentueuse. Elle n’hésite pas à s’exprimer et ne cherche pas à correspondre aux codes établis. Beaucoup de ces jeunes talents mettent en avant une agriculture et une viticulture raisonnées. Il ne faut pas briser cet élan et je suis heureux de constater que de grandes institutions comme le Guide Michelin évoluent aussi sur leur manière de voir et de récompenser la bonne cuisine. »