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Adoption de l’IA en entreprise : comment mieux exploiter ses capacités ?

Nouvelles technologies. L’IA générative est en plein essor, et pourtant les entreprises sont encore trop peu nombreuses à l’utiliser dans sa pleine capacité. À l’occasion d’un tour de France organisé par Walter France, réseau de cabinets d’expertise comptable, Dimitri Kassubeck, CEO de Moby Analytics, a donné quelques pistes afin de mieux exploiter les performances de l’IA.

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CEO de Moby Analytics, Dimitri Kassubeck donne quelques pistes afin de mieux exploiter les performances de l’IA. (©Pixabay)

Selon une étude de l’Insee publiée en juillet dernier, en 2024, 10 % des entreprises françaises déclaraient utiliser au moins une technologie d’intelligence artificielle (IA). Si ce taux progresse de quatre points par rapport à 2023, il reste toutefois en retrait par rapport à l’ensemble de l’Union européenne où la part des entreprises utilisatrices a atteint 13 % en 2024.

L’arrivée de l’IA dans les entreprises de l’Hexagone n’est, qui plus est, pas homogène. L’adoption de ces technologies dépend en effet fortement de la taille de l’entreprise et du secteur d’activité. Ainsi un tiers des entreprises de 250 salariés ou plus utilisent l’IA mais seulement 9 % des sociétés de moins de 50 salariés y ont recours. De la même manière, 42 % des entreprises de l’information-communication utilisent l’IA, contre 5 % ou moins pour les transports, l’hébergement et la restauration ou la construction…

Et si vous osiez l’IA

Pour accélérer le déploiement de l’IA au sein des entreprises françaises et éviter qu’elles ne prennent trop de retard par rapport à leurs homologues européennes, le gouvernement de François Bayrou a lancé en juillet dernier le plan Osez l’IA. Considéré comme un levier de compétitivité, cette nouvelle technologie est censée offrir aux entreprises des gains de productivité de l’ordre de 20 % et plus. Selon Clara Chappaz, ministre en charge du dossier, l’IA permet en effet « de gagner du temps sur la facturation, d’améliorer sa relation client, d’optimiser sa logistique ou encore d’accélérer l’innovation ».

C’est dans ce contexte, qu’à l’occasion d’un tour de France organisé par Walter France, réseau de cabinets d’expertise comptable, d’audit et de conseil, Dimitri Kassubeck, CEO de Moby Analytics, a donné les principaux repères permettant d’exploiter l’IA avec pertinence dans son entreprise. Fondée en 2022 et installée à Paris, la jeune pousse développe une plateforme IA destinée aux auditeurs financiers.

Beaucoup d’internautes utilisent l’IA pour répondre à une question simple ou complexe. Mais les possibilités de l’IA se développent de manière exponentielle. Avant de la déployer dans son entreprise, il est donc essentiel d’identifier son potentiel ainsi que la meilleure manière de l’implanter pour augmenter l’efficacité des équipes.

Désormais les IA raisonnent

Deux grands changements majeurs ont eu lieu depuis 2024, le premier étant que les IA se sont mises à raisonner. Désormais, sur ChatGpt, Mistral, Claude ou autre, il est possible, lorsque l’on pose sa question, de lui demander de réfléchir davantage, en sélectionnant « Recherche approfondie ». On peut également lui donner un outil – fichier, base de données ou autre. L’IA va prendre davantage de temps, mais il est ainsi possible de démultiplier les questions complexes.
Cela permet de diminuer le nombre d’erreurs, de vérifier les sources, et de savoir où chercher pour valider les informations données.

Dans le secteur de l’informatique, qui est celui où l’IA est le plus utilisée, la première version battait moins de 10 % des programmeurs. Aujourd’hui, les derniers modèles expérimentaux battent quasiment 100 % d’entre eux. Les IA sont particulièrement performantes en codage informatique et en maths. Récemment, elles ont remporté les Olympiades internationales de mathématiques, surpassant ainsi les performances des meilleurs étudiants.

Les « agents » IA réalisent des tâches en autonomie

Deuxième évolution majeure : il est désormais possible de confier à l’IA la réalisation d’une tâche, grâce aux "agents" autonomes. On lui confie une tâche comme on la confierait à une personne physique, en sélectionnant le mode « agent » sur le navigateur. Pour une tâche simple, il n’est même pas nécessaire de savoir coder. En expliquant clairement à l’agent ce que l’on veut obtenir, il pourra ensuite réaliser la tâche de manière autonome.

Par exemple, l’agent autonome va pouvoir, toutes les semaines ou tous les mois, aller chercher sur un site de taxi toutes les notes de frais de la période, et les classer dans un dossier informatique. Il est en outre capable d’identifier la facture, et non le reçu. Nul doute que toutes les entreprises peuvent commencer ainsi par identifier des tâches simples qui, mises bout à bout, vont leur faire gagner un temps précieux.

Les tâches complexes doivent pouvoir être contrôlées

Plus les entreprises utiliseront l’IA, plus elles prendront l’habitude de lui confier de plus en plus de tâches, et des tâches de plus en plus complexes. La question qui se pose alors est la suivante : pour les tâches complexes, peut-on faire confiance à l’IA ? En partie seulement ! En effet, Dimitri Kassubeck insiste sur le fait qu’il est absolument indispensable, pour ce type de tâches, d’être capable de relire et de contrôler le travail de l’IA.

Cette vérification est d’autant plus importante que si l’on regarde les chiffres concernant l’utilisation de l’IA, c’est l’automatisation des tâches qui connaît la plus forte augmentation. Le fait de confier une tâche complexe à l’IA nécessitera une programmation avec les agents de code, ou tout du moins des compétences pour vérifier cette programmation. Dans tous les cas, il faut intégrer un processus de « co-création » entre l’utilisateur et l’IA.

Nouvelles méthodes de travail et évolution des fonctions

Le secteur informatique est révélateur des tendances de l’IA. Dans l’industrie du développement du logiciel, un test a permis de mesurer le gain réalisé. Un groupe de développeurs qui n’utilisait pas l’IA a mis 2 h 41 minutes pour réaliser une tâche donnée, tandis que le groupe qui l’utilisait n’a mis qu’1 h 11 minutes, soit deux fois moins de temps !

L’impact sur les salariés est très significatif, puisque 88 % des utilisateurs se sentent moins frustrés et mieux placés pour se concentrer sur un travail plus satisfaisant. En clair, plus les équipes utilisent l’IA, plus la qualité de vie au travail augmente.

Toutefois, utiliser l’IA nécessite de modifier les méthodes de travail. En effet, pour que l’IA fonctionne comme l’entreprise le souhaite, cela suppose que les données soient organisées d’une certaine manière, que les fichiers soient structurés afin de faciliter le travail de l’IA, etc.

Autre évolution attendue : celle des fonctions. Un excellent exemple est fourni par le secteur de la comptabilité : les opérations de saisie comptable se faisant de manière de plus en plus automatique – mais devant être vérifiées –, les collaborateurs de cabinets d’expertise comptable se dégagent du temps pour soigner la relation client et accompagner leurs clients chefs d’entreprise.

Un léger investissement peut s’avérer très rentable

Pour des questions ou une utilisation simple, les versions gratuites d’IA suffisent. Mais à partir du moment où l’entreprise utilise l’IA de manière intensive, il est préférable d’opter pour les versions payantes, assure Dimitri Kassubeck. La plupart des développeurs informatiques et des start-up investissent de l’ordre de 200 € par collaborateur et par mois. Le retour sur investissement est rapide et très largement positif.

Selon le spécialiste, « le paysage des IA évolue de manière exponentielle, mais à ce jour les systèmes les plus performants sont ChatGpt, Gemini (Google) et Claude (Anthropic). Mistral (IA française et Open source) n’est pas encore tout à fait au même niveau, mais suffit largement pour de nombreuses tâches, et va rapidement rattraper son retard. »

Et Pascal Ferron, président de Walter France de conclure : « Aujourd’hui, toutes les entreprises devraient sensibiliser et former leurs équipes à l’IA avec des formateurs qui s’adaptent à leur métier. » C’est du reste ce que le réseau de cabinets a entrepris de faire en interne depuis le début 2024, avec désormais plus de 560 associés et collaborateurs déjà formés sur l’utilisation de l’IA dans les domaines comptable, audit, juridique et social.