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Aerospace Valley, moteur d’innovations dans les territoires

Aérospatial. Aviation durable, transition écologique et numérique des acteurs de la filière, réchauffement climatique, renforcement des compétences…Le pôle de compétitivité interrégional est au coeur des grands enjeux actuels.

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Aerospace Valley
Aerospace Valley accompagne notamment Tarmac Aerospace, basé à Tarbes et présent à Francazal, Vatry, en Espagne et en Chine, dans le cadre d’un appel à manifestation d’intérêt lancé par Airbus en vue d’améliorer les moyens de retraitement des aéronefs en fin de vie. Tarmac Aerosave est né d’une initiative du pôle il y a 15 ans. (Crédit : TARMAC AEROSAVE)

Créés, pour les premiers, en 2004 en vue de favoriser le rapprochement entre PME, ETI, grands groupes et laboratoires et ainsi accélérer l’innovation, les 54 pôles de compétitivité français attendent dans les jours prochains l’annonce du renouvellement de leur labellisation.

Cette politique de soutien à l’innovation et à la réindustrialisation dans les territoires est en effet entrée le 1er janvier 2023 dans une 5e phase, avec comme enjeu de pérenniser l’action des pôles grâce à l’engagement réaffirmé de l’État au côté des Régions et des acteurs publics et privés concernés.

Si le ministère de l’Industrie tarde à annoncer le nom des lauréats de l’appel à projet de la phase 5 des pôles de compétitivité lancé en août dernier, Bruno Darboux, président du pôle de compétitivité Aerospace Valley, se dit, quant à lui, « très confiant ». Le 21 mars, au B612, à Toulouse, en compagnie d’Éric Giraud, directeur général du pôle, il a dressé son bilan d’activité pour l’année 2022.

Doté d’un budget de fonctionnement de 7 M€, Aerospace Valley, qui emploie une équipe d’une vingtaine de permanents, est aujourd’hui, 17 ans après sa création, le premier pôle de compétitivité européen dans les domaines aéronautique, spatial et drones.

Il réunit plus de 830 membres dans les régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine : structures d’enseignement, laboratoires, grands groupes, ETI, startup auxquels s’ajoutent 591 PME, la véritable cible des pôles.

Après deux années marquées par la pandémie de Covid-19, 2022 aura été un cru particulièrement « dynamique » selon Bruno Darboux. 144 projets ont été accompagnés l’an dernier par le pôle, dont 64 ont été financés pour un montant global de 30,5 M€ d’aides publiques (émanant des deux Régions, de l’État et de l’Europe), soit 22% de plus que la moyenne des quatre dernières années.

Durant la phase 4 des pôles qui s’est achevée le 31 décembre, ce sont en effet plus de 100 M€ qui ont ainsi été mobilisés pour financer des projets d’innovation, soit 25 M€ en moyenne chaque année. Le pôle interrégional, qui a organisé l’an dernier près de 200 événements ayant réuni au global plus de 6 000 participants, entend maintenir la même dynamique en 2023.

De nombreuses actions sont en effet d’ores et déjà programmées dans la lignée des priorités qu’il s’est fixé, à savoir accélérer la décarbonation de l’aviation, favoriser la transition écologique et numérique des industriels du secteur ou encore faire émerger les compétences dont les entreprises ont et auront besoin.

Faire émerger l’innovation dans le spatial

En 2023, le pôle espère voir le démarrage effectif de son projet de création d’un FLab (Philab), dossier porté avec le Cnes, l’IRT Saint Exupéry, et l’Onera, dont l’objectif est de « conforter le parcours innovation » dans le domaine spatial.

« Il s’agit d’un dispositif mis en place par l’Agence spatiale européenne (Esa) pour permettre à des innovations issues de centres de recherche de faire un saut dans l’industrie spatiale », détaille Éric Giraud. Huit dossiers seulement ont été sélectionnés en Europe dont celui d’Aerospace Valley.

Dans le même temps, le pôle a renouvelé le contrat qui le lie à l’Esa pour la coordination d’Esa Bic Sud France, consortium d’incubateurs répartis sur l’ensemble des deux régions et dont Aerospace Valley est l’opérateur. Plus de 120 entreprises ont été incubées dans ce cadre.

« Nous allons également ouvrir la NewSpace factory à de nouveaux membres, ajoute Éric Giraud. Elle permet aujourd’hui à une douzaine d’entreprises de participer à des salons sous une ombrelle commune. Plus nombreux, nous serons plus forts et aurons des stands plus visibles. »

Autre initiative cette année le lancement de l’ombrelle Scale (Space ClimAte League) destinée cette fois aux entreprises qui utilisent la donnée spatiale pour l’observation du climat. Elle permettra à ces entreprises de participer ensemble à des salons et de bénéficier de ressources marketing notamment.

Avion plus vert

Dans le champ de la décarbonation du transport aérien, le pôle poursuit l’initiative Maele qui vise à soutenir l’innovation dans le champ de l’aviation légère. Dans ce cadre, ce sont 16 projets qui ont été soutenus représentant 17M€ d’investissements dont 8 M€ de subventions.

« Nous démarrons un nouveau challenge Maele, un nouvel appel à manifestation d’intérêt (AMI) venant d’être publié en vue d’identifier des technologies innovantes dans le domaine des batteries et des hélices notamment, précise Bruno Darboux. En parallèle, nous lançons une étude de marché sur cette aviation légère parce que tous les acteurs en région, qu’il s’agisse d’Elixir, Aura Aero, Voltaero,etc., ont une vision de leur marché avec de nombreux points d’interrogation. Nous allons les aider à consolider leurs hypothèses de marché en France, en Europe et dans le monde. »


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D’autres actions sont encore au programme. « Pour le compte de la DGAC, nous identifions les PME régionales qui ont des actions d’innovation en cours dans ce domaine et qui souhaitent être accompagnées en termes de coaching ou de financement par la DGAC, le financement provenant du Corac. Nous préparons la présentation d’une deuxième cohorte d’entreprises au Corac ».

Le pôle a également formalisé son engagement en faveur du développement de l’usage et de la production locale des carburants alternatifs (SAF) avec la signature d’une déclaration commune sur le sujet le 30 janvier avec l’État la Région, Airbus, ATR et l’aéroport de Toulouse Blagnac.

Changement climatique

Autre enjeu important pour le pôle : le changement climatique avec notamment la lutte contre les feux de forêt.

« Nous avons rédigé une note à l’attention des pouvoirs publics sur les apports que nos trois filières peuvent offrir. Il y a des projets de développement d’alternatives au Canadair en région, mais les drones sont aussi un appui important pour les forces au sol à des fins d’observation. Le vecteur spatial est aussi essentiel parce que les satellites d’observation de la terre peuvent fournir une cartographie de l’état de stress hydrique ou d’entretien de la forêt, de la température au sol, bref des cartes de vigilance pour relocaliser les moyens aériens de lutte contre les feux. Nous travaillons sur le sujet avec Nîmes Métropole, autour de la base de Nîmes Garons, où sont stationnés les Canadairs français. »

« La métropole doit lancer un quatrième AMI pour faire émerger de nouvelles solutions. »

« Nous l’aidons également à mettre en place un accélérateur de start-up dans ce domaine », ajoute Éric Giraud.

Autre enjeu fort : l’économie circulaire avec la publication d’un premier AMI par un grand groupe, en l’occurrence Airbus, autour du tarbais Tarmac Aerosave, spécialisé dans le démantèlement des avions, aujourd’hui implanté à Toulouse, en Espagne et en Chine, « est né d’une initiative du pôle il y a 15 ans », rappelle Bruno Darboux.

« L’AMI vise de nouveaux moyens de déconstruction plus rapides mais aussi le traitement de matériaux que Tarmac Aerosave ne sait pas aujourd’hui réutiliser. »

« Nous recherchons des filières de valorisation pour ces derniers, de telle sorte que la circularité soit la plus complète possible pour les appareils en fin de vie. »

En parallèle, Aerospace Valley participe à la mise en place de filières locales de retraitement des composants électroniques. Dernière problématique et non des moindres : celle des compétences. « Nous sommes en train d’élaborer un diagnostic des besoins en compétences, à 10 ans, des filières aéronautique d’un côté et spatiale de l’autre, financé dans le cadre de France 2030, détaille Bruno Darboux. Nous travaillons sur le sujet avec un consortium d’acteurs locaux dont l’UIMM, le Campus des métiers, des établissements d’enseignement ainsi que le Gifas. » Le pôle rendra sa copie le 10 mai prochain.

Reprise d’activité confirmée

Si la filière aéronautique n’a pas encore retrouvé ses niveaux d’avant crise, la reprise d’activité n’en est pas moins bien réelle. C’est ce que soulignait récemment la Banque de France Occitanie dans sa note de conjoncture régionale de début d’année.

Les chiffres d’affaires dans la filière aéronautique ont progressé de 14,4 % en 2022 et les perspectives pour 2023 sont de l’ordre de +11,7%. Les effectifs de la filière, qui avaient reculé de 0,9 % l’an dernier, sont orientés à la hausse cette année.

Les chefs d’entreprise du secteur tablent en effet sur une progression de 5,6% de leurs effectifs en 2023. Les investissements qui avaient fortement augmenté, soit + 51,3% l’an dernier, devraient progresser cette année encore, cependant à un rythme un peu moins soutenu, de + 41,6%, une forte majorité de chefs d’entreprise anticipant une hausse de leurs marges.

De fait, les carnets de commandes des industriels, Airbus, Safran, Dassault en tête, sont pleins et les cadences de production en nette hausse. Plusieurs ombres demeurent cependant : les difficultés de recrutement, sachant que huit chefs d’entreprise sur dix peinent à embaucher ; les difficultés d’approvisionnement en matières premières et composants ; les flux logistiques déstabilisés ; l’inflation ; la hausse du prix de l’énergie qui affecte l’industrie française et européenne et constitue pour celles-ci un désavantage compétitif par rapport à l’industrie américaine.

« Dans ce contexte, faire face à des demandes de montée en puissance de la production et préserver du cash pour investir dans la modernisation de l’outil industriel ou des produits : l’équation devient très compliquée pour les acteurs de la filière », constate Bruno Darboux, président du pôle de compétitivité Aerospace Valley.