Alpha Impulsion veut lever 8 M€ pour industrialiser son modèle de fusée révolutionnaire
Spatial. Polluants et coûteux, les lancements orbitaux n’ont cessé de se multiplier ces dernières années. Pour réduire leur impact financier et environnemental, la start-up toulousaine Alpha Impulsion mise sur une technologie innovante de propulsion autophage. Le principe : la fusée progresse dans l’atmosphère en se consumant à la manière d’une bougie. Ambitieuse, la jeune pousse vise les 350 M€ de chiffre d’affaires dès 2030.
De 114 en 2020 à 223 en 2023 ! Le marché des lancements orbitaux, à savoir le lancement de fusées destinées à mettre des satellites en orbite, ne cesse de croître. Véritable marqueur de puissance économique et politique, ce secteur est pourtant très polluant et coûteux. Même s’il n’existe pas aujourd’hui d’étude sur l’impact environnemental de ces opérations, les calculs de l’astrophysicien et directeur de recherche au CNRS Jürgen Knödlseder aident à se faire une idée. Selon lui, le secteur du spatial est à l’origine de 1,2 million de tonnes d’émissions de CO2 par an, équivalent aux émissions annuelles de Malte ou de l’Estonie. Le prix d’un lancement oscillerait, quant à lui, de 3 à 15 M$.
Plusieurs pistes ont été étudiées par des acteurs publics et privés pour diminuer cet impact. Installée sur le campus de l’Isae-Supaero à Toulouse, la start-up franco-italienne Alpha Impulsion planche depuis 2022 sur des lanceurs de nouvelle génération. Elle vient d’ailleurs de démarrer un tour de table pour amorcer leur industrialisation. Créée par trois anciens diplômés de l’école d’ingénieurs aéronautiques, la jeune pousse - qui compte 16 collaborateurs - ambitionne de devenir l’un des leaders européens du lancement de petits satellites pour rendre l’espace plus accessible aux acteurs du marché.
Une technologie innovante
Les lanceurs d’Alpha Impulsion sont basés sur la technologie autophage, un processus dans lequel la propulsion est générée par la combustion du fuselage de la fusée elle-même. Un procédé innovant qui a nécessité deux ans de R&D. « Il s’agit d’une technologie imaginée dans les années 20 et jusqu’à présent irréalisable. Concrètement, la fusée progresse dans l’atmosphère en se consumant à la manière d’une bougie. À la fin du vol, il ne reste que le moteur-fusée et le satellite, tout le reste a été consumé », explique Marius Celette, co-fondateur de la start-up dans un communiqué daté du 9 décembre 2024. Un projet pour lequel l’entreprise a bénéficié du soutien financier de Bpifrance et du Centre national d’études spatiales (Cnes). Elle est également incubée en France par l’ESA-BIC Sud France, un réseau d’entreprises créé par le Cnes, et en Italie par l’incubateur Takeoff.
Encore inédite, cette technologie permettra, selon les équipes de la deeptech, « de réduire le poids du lanceur de 40 % mais également de diviser les coûts de production de ceux-ci par cinq ». Comment ? Grâce à la suppression de composants devenus inutiles, tels que les réservoirs ou les moteurs supplémentaires. De ce fait, les fusées produites par les équipes d’Alpha Impulsion seront plus respectueuses de l’environnement, comme l’affirme Marius Celette : « De quoi avons-nous besoin au minimum pour lancer un objet dans l’espace ? La réponse tient en deux éléments : du carburant, et pour transformer ce dernier en propulsion, un moteur-fusée. Tout le reste est superflu. » S’inscrivant pleinement dans une démarche écoresponsable, le Toulousain fait partie des premiers signataires de la charte Zéro Débris adoptée en 2024 par l’Agence spatiale européenne (ESA). Celle-ci vise à atteindre la neutralité en matière de déchets dans l’espace d’ici 2030.
350 M€ de CA en prévision
Pour concrétiser son projet, la start-up prévoit une phase d’essais au sol dans les prochaines semaines pour préparer le vol de la fusée prototype prévu pour 2025. Ce pourrait être le premier vol d’une fusée autophage de l’histoire. À la suite de cela, Alpha Impulsion commencera l’industrialisation de son micro-lanceur baptisé Grenat et le développement d’un moteur-fusée de grande échelle. La pépite a déjà entamé un tour de table de 8 M€ auprès d’investisseurs privés pour concrétiser ces projets. « Nous serons les pionniers du micro-lanceur européen le moins cher du marché, offrant un accès sûr et abordable à l’espace pour les acteurs des constellations, satellites d’observation de la Terre et réseaux télécoms », se projette avec enthousiame Marius Celette.
À court terme, l’équipe d’Alpha Impulsion envisage de créer son propre outil de production de moteurs-fusées pour concevoir ses engins et « proposer une fréquence de lancement hebdomadaire, soit 52 lancements par an, au cours de la décennie à venir », précise l’équipe avant de conclure : « L’atteinte de ces objectifs permettrait de générer un chiffre d’affaires annuel d’environ 350 M€, en s’appuyant sur un effectif d’environ 500 salariés, soit autant d’emplois créés en Occitanie et en Italie. »