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Après avoir levé 43 M€, Medincell s’engage dans la lutte contre la tuberculose

Santé. Forte de 9 M€ de chiffre d’affaires et de 140 salariés, la société qui développe des médicaments injectables à action prolongée dans de nombreux domaines (schizophrénie, paludisme, etc.), s’associe au suisse iM4TB pour développer un nouveau traitement contre la tuberculose, responsable de 1,25 million de décès chaque année dans le monde.

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Le montpelliérain Medincell vient de nouer un nouveau partenariat avec la fondation suisse iM4TB en vue de développer une version injectable à action prolongée du Macozinone, un traitement expérimental prometteur contre la tuberculose. (©Medincell)

La société de licensing biopharmaceutique montpelliéraine Medincell, qui développe, en interne ou par le biais de collaborations avec d’autres laboratoires, des médicaments injectables à action prolongée dans de nombreux domaines thérapeutiques, enfourche un nouveau cheval de bataille. Après la schizophrénie et le paludisme, elle s’attaque à la tuberculose.

Dans un communiqué daté du 22 avril 2025, elle vient d’annoncer la signature d’un nouveau partenariat avec la fondation suisse iM4TB (Innovation Medecines for Tuberculosis) en vue de développer une version injectable à action prolongée du Macozinone, un traitement expérimental prometteur contre la tuberculose.

Structure à but non lucratif basée à Lausanne notamment soutenue par la Fondation Bill & Melinda Gates, iM4TB a pour ambition d’accélérer le développement des traitements antituberculeux et d’en faciliter l’accès. Elle est membre du consortium ERA4TB (European Regimen Accelerator for Tuberculosis), une initiative publique-privée lancée en 2020 par la Commission européenne et dotée de 200 M€ sur six ans. Celle-ci réunit une trentaine de partenaires, en Europe et aux États-Unis dont l’institut Pasteur, le laboratoire GSK et l’université Carlos III de Madrid, autour d’un même objectif : élaborer de nouveaux schémas thérapeutiques contre cette terrible maladie bactérienne.

Première cause de mortalité infectieuse dans le monde

Touchant le plus souvent les poumons, la tuberculose se propage dans l’air et se transmet lorsque les personnes atteintes toussent, éternuent ou crachent. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), en 2023, 10,8 millions de personnes ont contracté la tuberculose dans le monde, provoquant 1,25 million de décès. À l’échelle planétaire, l’infection est ainsi redevenue, cette même année, la principale cause de décès due à un seul agent infectieux.

Pourtant, la tuberculose est une maladie évitable notamment grâce au vaccin antituberculeux (BCG), qui administré aux nourrissons ou aux jeunes enfants à titre préventif, les protège contre les formes graves. On peut également guérir de la tuberculose via la prise d’antibiotiques particuliers. Mais pour être efficace, ces médicaments doivent être pris quotidiennement pendant quatre à six mois, tout arrêt du traitement trop tôt ou sans avis médical pouvant rendre le bacille pharmacorésistant. De fait, chaque année, environ 500 000 personnes sont infectées par une tuberculose multirésistante.

Malheureusement ces conditions de traitement ne sont pas toujours réunies, 80 % des cas et des décès survennant dans des pays à revenu faible essentiellement en Asie et en Afrique. Plus des deux tiers des nouveaux cas recensés en 2023 se trouvaient ainsi au Bangladesh, en Chine, en Inde, en Indonésie, au Nigéria, au Pakistan, aux Philippines et en République démocratique du Congo.

Outre ces graves conséquences sanitaires, la tuberculose a également d’importantes répercussions sociales et économiques. Le développement d’alternatives aux traitements traditionnels est donc aujourd’hui un enjeu de santé publique majeur à l’échelle mondiale. C’est justement l’objectif que poursuit le partenariat que viennent de signer Medincell et iM4TB.

Un enjeu crucial à l’échelle mondiale

Installée à Jacou, en banlieue de Montpellier, l’entreprise, qui emploie 140 personnes, a développé une technologie révolutionnaire, nommée BEPO, qui permet de contrôler la délivrance d’un médicament à dose thérapeutique pendant plusieurs jours, semaines ou mois. Ceci grâce à une injection sous-cutanée ou locale d’un simple dépôt de quelques millimètres, lequel dépôt est biorésorbable.

L’emploi de cette technologie de rupture pour l’administration du Macozinone, nouveau traitement prometteur en cours de développement, vise à améliorer le traitement de la tuberculose à la fois : en réduisant considérablement la fréquence des prises ; en améliorant l’observance des patients (respect des prescriptions notamment sur la durée) et en diminuant les risques de résistance médicamenteuse.

Quiterie de Beauregard, directrice Santé globale de Medincell, parle d’ailleurs d’« une avancée majeure ». Et d’ajouter :

En réduisant la nécessité d’une supervision quotidienne, les injectables à action prolongée pourraient soulager les systèmes de santé publique et faciliter l’accès aux soins pour les communautés mal desservies. »

Un enjeu aujourd’hui « crucial » alors que l’OMS pointe déjà les fortes répercussions sur les systèmes de santé des pays pauvres suite à la réduction de l’aide publique au développement (APD), conséquences des coupes drastiques décidées par l’administration Trump dans les programmes de l’USAID (dont le budget est passé de 37 Mds$ en 2023 à 9 Mds$ en 2025) et par certains pays européens dont la France (-2 Mds€).

De son côté, le professeur Stewart Cole, président du conseil d’administration de iM4TB se dit très confiant quant aux chances de succès de ce nouveau partenariat. « Les injectables à action prolongée d’antirétroviraux ont simplifié et radicalement amélioré le traitement du VIH et nous sommes convaincus qu’il pourra en être de même pour la tuberculose », précise-t-il.

Doubler voir tripler son chiffre d’affaires

Forte d’une dizaine de programmes de recherche, la medtech héraultaise a réalisé 9 M€ de chiffre d’affaires en 2024, un montant qu’elle espère multiplier par deux ou trois cette année. Notamment grâce aux ventes du rispéridone, un médicament administré par injection sous-cutanée à action prolongée prescrit pour prévenir les rechutes en schizophrénie. Il est commercialisé aux États-Unis depuis mai 2023 par le laboratoire israélien Teva sous le nom d’Uzedy.

En décembre dernier, Medincell annonçait avoir déjà perçu 2,8 M€ de royalties pour cet antipsychotique sur un total de 105 M$ attendus. Alors que les ventes de l’Uzedy ont atteint 117 M$ en 2024, contre 80 M$ initialement espérés, les deux sociétés ont annoncé en février dernier l’extension d’indication du rispéridone au traitement des patients atteints de trouble bipolaire de type I aux États-Unis. Outre Atlantique, ce trouble maniaco-dépressif affecte 3,4 millions de personnes.