Entreprises

Après les sacs isothermes, Le Mouton Givré veut s’attaquer au marché de l’isolation pour le bâtiment

Innovation. Après une année 2024 difficile marquée par une baisse de trésorerie et des tensions sur les approvisionnements, Le Mouton Givré redresse la barre. Spécialisée dans la vente de sacs isothermes en laine de brebis, la TPE amorce une phase de croissance, portée par une stratégie de diversification de ses produits. Elle vise les 350 K€ de chiffre d’affaires.

Lecture 7 min
(De gauche à droite) Fondée par Élodie Madebos, costumière et Cinthia Born, couturière de formation, la PME lotoise conçoit et fabrique (entre autres) des sacs isothermes durables à partir de matériaux 100 % naturels : laine de brebis caussenarde, chanvre et lin. (©Nadia Mauleon)

Fondée en 2019, à Cambes (Lot) par Cinthia Born et Élodie Madebos, Le Mouton Givré conçoit et fabrique des sacs isothermes durables à partir de matériaux 100 % naturels destinés aux particuliers en recherche « d’un produit porteur de sens ». Aujourd’hui, l’entreprise compte cinq personnes : les deux cofondatrices associées et trois salariées.

L’aventure entrepreneuriale débute avec une campagne de financement participatif via la plateforme Ulule qui permet de récolter 24 650 €. Grâce à ce financement, la TPE imagine son premier modèle de sac isotherme, baptisé « Marguerite ». Il est fabriqué à partir de laine de brebis caussenarde, de lin et de chanvre. Ces matériaux, jusque-là peu exploités, possèdent pourtant un fort pouvoir isolant et un faible impact environnemental.

Un modèle vertueux

En effet, contrairement aux modèles traditionnels en plastique ou aluminium, ceux du Mouton Givré n’en contiennent pas. Pourtant, leurs performances sont comparables : jusqu’à six heures de fraîcheur et une heure et demie pour les surgelés, et quatre heures pour la chaleur. Ce produit innovant est d’ailleurs protégé par un brevet européen depuis 2024. En outre, son empreinte carbone a été jugée « exemplaire » par le cabinet La Belle Empreinte, qui s’appuie sur les normes de l’Agence de la transition écologique (Ademe).

« La valorisation de la laine est un vrai défi », confiait Cinthia Born au micro de France Inter, le 10 mars 2025. Pourquoi ? Parce que la revente de ce matériaux naturel ne couvre pas le prix de la tonte estimé à 1,50 € par brebis. Conséquence, les stocks de laine s’accumulent chez les éleveurs d’autant plus que depuis 2019, une directive européenne leur interdit de les évacuer en déchetterie, de les brûler et même de les enterrer.

Pour apporter une solution aux éleveurs français, Le Mouton Givré a décidé de développer un modèle de production local, circulaire et rémunérateur. Chaque année, près de quatre tonnes de laine sont ainsi achetées à prix équitable auprès d’éleveurs situés à 20 km autour de l’atelier. « Nous versons à l’éleveur un euro le kilo de laine, alors que le prix moyen du marché ne dépasse pas les cinq centimes », souligne l’intéressée qui occupe le poste de responsable commercial et marketing.

Après rachat, la matière première est ensuite lavée, feutrée par des partenaires français, découpée selon des patrons, puis assemblée dans l’atelier de Cambes par quatre couturières, dont la cofondatrice Élodie Madebos. Les articles sont ensuite directement vendus sur le site de la marque.

Enchaîne les contrats

Portée par une reconnaissance médiatique en ce début 2025, notamment grâce à un reportage de France 3 dans l’émission Des Racines et des Ailes, qui a déclenché plus de 650 commandes en deux semaines, l’entreprise souhaite désormais passer un nouveau cap. « La société fonctionne aujourd’hui via un système de pré-commande », précise Cinthia Born, avant d’ajouter : « Comptez un délai d’environ quatre semaines entre la commande et la réception de votre article. »

Sur le marché du BtoB, c’est en 2023 que l’entreprise change d’échelle. C’est en effet à cette époque, que Le Mouton Givré a décroché une commande de 24 000 sacs de la part de la Maison Thiriet, un acteur majeur du surgelé (800 M€ de CA en 2024). Ce partenariat stratégique propulse la TPE sur le devant de la scène nationale.

Les collaborations avec de grands groupes ne s’arrêtent pas là, puisque le célèbre producteur de champagne Drappier vient de commander un modèle personnalisé en guise d’écrin pour ses bouteilles. « Nous faisons aussi le choix assumé de ne pas produire en marque blanche, afin de préserver l’identité de notre marque et la valeur ajoutée de notre démarche artisanale et écoresponsable », détaille la Lotoise.

L’entreprise poursuit sa diversification (sac-à-dos, cabas, housses à couverts, semelles en laine, etc.) avec la création d’une manique de cuisine spéciale barbecue. L’article est déjà commercialisé et disponible sur le site. Le Mouton Givré se positionne ainsi sur le marché de l’équipement écoresponsable du quotidien. Une stratégie qui porte ses fruits. La PME anticipe un chiffre d’affaires de 350 K€ en 2025, quasiment le double de celui réalisé l’année précédente. « 2024 a été marquée par une importante baisse du chiffre d’affaires essentiellement due à la conjoncture économique actuelle », explique Cinthia Born.

Cap sur 2026

Le Mouton Givré est aujourd’hui à la recherche d’un local de 250 m² autour de Figeac, dans le but d’installer un atelier-boutique accessible au public. Cette implantation marquerait la fin d’une étape en pépinière et symboliserait « le début d’une autonomie pleine et assumée ». La croissance passera également par le lancement de nouveaux produits. Une trousse de toilette et un pouf design sans polystyrène sont actuellement en cours de développement.

L’ambition des deux fondatrices ne s’arrête pas là. L’entreprise travaille actuellement sur un projet d’isolant thermique pour l’habitat, à base de laine de brebis caussenarde. Ce matériau, naturellement isolant, pourrait être utilisé dans les combles ou les murs. « Il présente un fort potentiel en termes de volume, et demande peu de transformation », affirme Cinthia Born. Bien que le projet soit encore à l’étude, l’intéressée indique vouloir se positionner sur le marché de la maison individuelle. Si ce pari évolue favorablement, il devrait nécessiter des recrutements et l’implication de nouveaux éleveurs. Le lancement est prévu pour le printemps 2026.