Arboriculture : Blue Whale recherche la « Bonne pomme »
Blue Whale a lancé le 21 septembre 2023 à Montauban un très important programme de recherche en agroécologie auquel participent l’Inrae, l’Ecole d’ingénieurs de Purpan, les start-up toulousaines Asclepios Tech et Micropep, et l’industriel tarn-et-garonnais Maf Roda.
Faire évoluer ses pratiques agricoles pour produire une pomme meilleure au goût et pour la santé et plus respectueuse de l’environnement, c’est le défi que se lance Blue Whale à travers le projet de recherche Ré Génération Fruit lancé le 21 septembre dernier dans ses locaux.
L’entreprise basée à Montauban (Tarn-et-Garonne) se présente comme le premier producteur de pommes en France. Blue Whale regroupe 300 producteurs de fruits dans quatre régions françaises et compte 120 collaborateurs. La société a produit 270 000 tonnes de fruits sur la saison 2021-2022 et réalisé 310 M€ de chiffre d’affaires (dont 88% grâce aux pommes).
Le programme de recherche qui vient d’être lancé compte cinq partenaires outre Blue Whale : l’Inrae, l’Ecole d’ingénieurs de Purpan, les start-up toulousaines Asclepios Tech et Micropep, et l’industriel tarn-et-garonnais Maf Roda. Il est également soutenu par les pôles de compétitivité Agri Sud-Ouest Innovation et Vegepolys.
Doté d’un budget de plus de 12 M€ sur cinq ans, ce projet a été retenu dans le cadre de l’appel à projet France 2030 « Innover pour réussir les transitions agroécologiques et alimentaires ». Il bénéficie d’un soutien de Bpifrance de plus de 8,2 M€.
Le programme Ré Génération Fruit, qui va « du verger à la bouche », promeut une « approche systémique » avec la mise en œuvre de solutions technologiques innovantes : solutions peptidiques apportées par Micropep, photobiologie grâce à l’expertise d’Asclepios Tech ou encore utilisation de techniques oxydatives…
Il vise tout à la fois à « améliorer la vie des sols par des pratiques agroécologiques adaptées », à « renforcer les défenses naturelles des végétaux », à réduire de près de moitié l’utilisation de produits phytosanitaires, à diminuer également de 50 % les pertes de fruits, aussi bien au verger et qu’en station, ou encore à améliorer la densité nutritionnelle des fruits pour « un effet santé ».
« Un projet collaboratif ambitieux », résume Séverine Maldes, responsable qualité chez Blue Whale et coordinatrice du projet, qui tend plus globalement à « proposer un itinéraire de production plus vertueux respectant l’ensemble de l’écosystème et assurant la pérennité de nos exploitations arboricoles. »
Blue Whale lance en effet ce projet alors que la filière est malmenée. Confrontée aux effets du changement climatique, elle fait face à des attentes sociétales de plus en plus fortes en faveur de produits plus sains et plus durables, mais aussi à une perte d’attractivité des métiers agricoles.
Le lancement de ce programme de recherche arrive donc au bon moment pour Blue Whale. « Si nous n’avions pas lancé ce projet, Blue Whale serait passé à côté de sa responsabilité, explique Bruno Bertheloz, directeur général de Blue Whale. Notre raison d’être est en effet d’améliorer la qualité des récoltes. Dans ce sens, nous devons travailler avec les producteurs pour qu’elles soient mieux adaptées aux attentes du consommateur. Nous avons donc une forme de responsabilité de faire avancer la connaissance, les pratiques, de garantir une cohérence entre pratiques et attentes sociétales. »
Baisse de la consommation de pommes
Le projet de recherche porté par Blue Whale est aussi une réponse à la baisse de la consommation de pommes observée en France. « La consommation de pommes s’érode parce que dans les rayons, la pomme n’a pas d’effet waouh pour le consommateur, détaille-t-il. On voit en effet l’arrivée de plus en plus de fruits exotiques, avec beaucoup plus de sucre. Du coup, le consommateur se détourne d’un fruit qu’il perçoit comme banal. Et le DG d’ajouter :
Nous devons donc réenchanter la pomme. Je crois à l’acte de croquer la pomme. Elle doit être repositionner comme un fruit plaisir. Cela nécessite que nous ayons de bonnes variétés, de bonnes pratiques et qu’on réassure le consommateur qu’à la fin, il a tout à gagner, au sens à la fois plaisir, santé et même économique, à manger des pommes. »
Le projet Ré Génération Fruit se veut plus globalement une réponse à la baisse du nombre de producteurs. « Les jeunes générations doivent oser investir dans la production de pommes qui est très capitalistique, poursuit Bruno Bertheloz. Nous devons les rassurer en leur expliquant qu’ils sont dans une organisation qui leur donne de la visibilité et que demain, leur acte de production sera reconnu, mais surtout accepté, voire plébiscité. Aujourd’hui, l’acte de production est au cœur d’enjeux sociaux et sociétaux. Il faut agir sur ces vecteurs. Un producteur, c’est une famille, des êtres humains qui ne sont pas toujours préparer à porter ces éléments d’explication. Ce projet permet aussi de leur donner des éléments de langage, une conscience des enjeux. »
Retombées économiques
Sur le plan des retombées, les attentes, pour chacun des partenaires du projet sont fortes. Plus encore pour Blue Whale. « Tout l’enjeu, c’est d’être, demain, en capacité de défendre la valeur avec les distributeurs : vendre plus de pommes, retrouver un positionnement sur les linéaires alors qu’aujourd’hui la tendance est à réduire les pommes à de simples jeux de couleurs. Nous, nous voulons remettre de la diversité, proposer une argumentation positive autour du fruit. C’est donc vendre plus de fruit, plus cher ou au moins au juste prix. Si le consommateur accepte de payer un fruit qui a une valeur additionnelle, on aura gagné. »
Et le dirigeant de conclure :
Le risque pour nous c’est la banalisation. Aujourd’hui, nous faisons le pari de débanaliser la pomme en arguant des enjeux nutritionnels, gustatifs, et sociétaux, au même titre que le bio ou le local. Ici, on y ajoute simplement plus de science. »
Les résultats du programme Ré Génération Fruit sont attendus d’ici cinq ans. En 2011, Blue Whale s’était déjà lancé dans un vaste projet de recherche dénommé Inno’Pom, également labellisé par Agri Sud-Ouest Innovation. Impliquant plus d’une douzaine de partenaires, il visait à mettre au point des pommes de qualité sanitaire supérieure avec 0 résidu détectable.