Arterris veut s’affirmer comme « le producteur fermier des citoyens du territoire »
Agriculture. Basé à Castelnaudary dans l’Aude, le groupe coopératif, qui s’étend sur la région Occitanie et Sud Paca a réalisé plus d’1 Md€ de chiffre d’affaires en 2021.
Près de 350 000 ha de culture, 25000 agriculteurs, 2200 collaborateurs pour un chiffre d’affaires qui, bon an mal an, de meure stable, à un peu plus d’1 Md€ (1003M€ en 2021) : le groupe coopératif Arterris est parvenu à surmonter sans encombre la crise de la Covid-19. C’est ce qu’il faut lire entre les lignes du bilan qu’ont récemment présenté de conserve Jean-François Naudi, son président et Christian Reclus, son directeur général. Bien au contraire, le groupe a multiplié le montant de ses investissements en deux ans, passant de 8,8 M€ en 2019-2020 à 17 M€ l’an dernier. Objectif : renforcer ses positions dans différents secteurs et notamment dans le bio.
Diversification à marche forcée
« Nous affirmons notre leadership dans un certain nombre de productions, précise ainsi Christian Reclus : nous sommes des producteurs importants de semences, les principaux producteurs français de blé dur, de tournesol et de sorgho. Nous sommes par ailleurs un opérateur important sur le marché des ovins, de même qu’en riz. »
De fait, depuis une dizaine d’années, le groupe a fait le choix d’étoffer son portefeuille d’activité comme le détaille le DG. « Sur ce milliard d’euros de chiffre d’affaires, l’activité agricole ne représente plus que 60% et contribue à hauteur de 50% de la valeur économique (l’Ebitda) du groupe. Le pôle agroalimentaire, qui pèse environ 40 % du chiffre d’affaires, génère, lui, 30 % de la valeur, et la distribution grand public, activité qui a fortement crû sous notre impulsion, mais également à la faveur du contexte particulier de ces dernières années, notamment les confinements, a contribué pour 20% de l’Ebitda du groupe. »
Illustration de cette diversification : le groupe a accéléré le développement de son activité de transformation végétale. « En 2020, précise Christian Reclus, nous avons lancé Vegedry, avec notre partenaire Ciacam pour construire une ligne de fabrication de farine de légumes secs en réponse à une attente sociétale forte autour des protéines végétales. Cette activité qui vient en complément de la vente de légumes secs doit nous permettre dans un délai court d’atteindre 1000 à 1300 tonnes de farine de légumes secs. »
Prise de contrôle des moulins pyrénéens
Avec ces nouveaux produits, le groupe coopératif vise l’industrie alimentaire, fabricants de pâtes sans gluten, fabricants de snacking, et le secteur de la boulangerie, pâtisserie, viennoiserie. Il envisage, dans un second temps, toujours avec Ciacam, une PME basée à Vitrolles, de développer d’autres conditionnements et ainsi offrir de nouveaux débouchés aux producteurs de la coopérative. C’est dans cette même optique qu’en octobre 2020, Arterris a racheté les 50% qu’il ne détenait pas encore du groupe meunier Les Moulins Pyrénéens, installé à Saverdun, en Ariège. Cette prise de contrôle représente pour la coopérative « un enjeu majeur, assure son DG, sachant que 80000 tonnes de blé sont écrasées dans ces moulins et que 100% de ce blé provient de nos adhérents. »
« Notre territoire comprend 300 000 hectares de prairie sanctuarisés pour l’avenir. Mais si l’on veut qu’ils ne redeviennent pas des friches la présence de ruminants est indispensable »
Ce rachat lui permet de dérouler sa stratégie de développement de farines Label Rouge, CRC (culture raisonnée contrôlée) et biologiques. L’autre intérêt pour la coopérative est de s’afficher comme un moulin de proximité approvisionné en filière locale. « L’objectif est de reconquérir une partie du marché de la boulangerie artisanale : Elle représente 35 % du marché français. Chez nous c’est seulement 15% », pointe Christian Reclus.
Rachat de Massaferro
Cette politique de diversification de l’activité de la coopérative se concrétise également dans le domaine de la production de légumes. « Nous avons racheté en octobre 2021 Massaferro, acteur de la pomme de terre fraîche, installé à La Crau, près de Toulon, un acteur qui pèse puisqu’il produit 40000 tonnes de légumes par an, emploie 60 personnes et réalise 23 M€ de chiffre d’affaires. De fait, nous avons la ferme conviction qu’avec l’évolution des règles sur la conservation de la pomme de terre et l’interdiction de certains produits, nous verrons bientôt se relocaliser ce type de culture sur notre territoire. Cette société, avec son savoir-faire, ses outils, son engagement dans la filière bio, pourra répondre à ces enjeux sociétaux, et notamment à la demande de plus en plus de consommateurs en attente d’une offre de proximité, tracée, de qualité. Notre clientèle aujourd’hui est la grande distribution, mais nous pensons également amener cette offre dans nos magasins de proximité dans les mois qui viennent. »
Modernisation de l’abattoir de Labruguière
Parallèlement, le groupe a fait le choix d’investir fortement dans le monde animal. « Notre territoire comprend 300 000 hectares de prairie sanctuarisés pour l’avenir. Mais si l’on veut qu’ils ne redeviennent pas des friches la présence de ruminants est indispensable. Nous avons donc investi dans ce secteur. À la marge, l’autre sujet, dans la production animale, c’est la volaille. Nous sommes de petits acteurs qui ciblent la qualité et les produits dits fermiers. Dans ce cadre, la société Les Fermiers Occitans à Labruguière, dans le Tarn, vient d’investir 1,9 M€ pour rénover un abattoir de volailles fermières produites localement sous label. Nous nous donnons ainsi les moyens de produire jusqu’à 800 000 poulets essentiellement Label Rouge d’ici cinq ans, alors que nous étions à saturation avec 400 000 poulets. Ce faisant, nous demeurons dans cette même logique : Arterris est le producteur fermier des citoyens du territoire. Nous n’avons pas vocation à exporter loin de nos terres. Nous avons des bassins de consommation importants et nous devons intégrer toutes les productions de niche qui répondent à l’attente sociétale et de notre réseau de distribution composé des Fermiers Occitans, de Marché Occitan, de Maison Larroque et Frais d’ici ».
Modernisation de l’outil de conditionnement des semences
L’autre domaine dans lequel Arterris a massivement réinvesti, c’est la production de semences. La coopérative regroupe en effet un réseau important de près d’un millier de producteurs de semences, soit quelque 17 000 ha de production dont plus de la moitié en autogame et un peu moins de 40% en hybride. « Une activité longtemps très contributrice, même si depuis quelques années elle l’est un peu moins du fait de la forte concurrence des pays de l’Est de l’Europe. Pour autant, nous avons fait le choix de réinvestir dans cette activité car nous avons un réseau de multiplicateurs de qualité et restons convaincus que nos savoir-faire doivent peser. »
« Nous considérons que nous avons notre place. À nous d’être professionnel et de réussir ce challenge »
L’investissement, réalisé avec le soutien de la Région et de l’État, est de l’ordre de plus de 14 M€ (lire notre édition du 10janvier)en deux phases : une première qui vient de s’achever de 11 M€ qui a porté sur la reconfiguration de l’usine de Castelnaudary et la seconde phase d’investissement, à hauteur de 3,3 M€ vise, elle, le conditionnement des semences bio.
Une vingtaine de marchés occitans d’ici cinq ans
Côté distribution, Arterris cherche également à renforcer ses positions en investissant depuis deux ans dans un nouveau concept. « Le groupe réalise 13 M€ de chiffre d’affaires à travers la distribution alimentaire : dans des boutiques spécialisées pour 55 % et le solde est distribué dans des corners alimentaires dans nos Gamm Vert. Cette distribution alimentaire en boutiques spécialisées va se développer sous l’enseigne Marché Occitan. Deux nouvelles boutiques ont été créées, l’une à Balma en mai 2021 et l’autre à Borderouge et nous sommes sur un plan de développement qui doit nous amener à une vingtaine de boutiques dans un temps court, de quatre à cinq ans, l’objectif étant de réaliser 30 M€ de chiffre d’affaires à travers cette activité. »
Pour répondre à l’attente de ses clients, le groupe entend offrir une gamme très large de produits « pour générer du trafic et de la récurrence d’achat et surtout embarquer au moins 75 % de produits issus de nos producteurs, ajoute Christian Reclus. La distribution est un enjeu que nous devrons à tout prix maîtriser. On voit fleurir des solutions de distribution spécialisée de toute sorte. Nous considérons que nous avons notre place. À nous d’être professionnel et de réussir ce challenge. Pour l’instant nous sommes en bonne voie, les magasins installés sous cette nouvelle enseigne sont au rendez-vous de leurs résultats et dans leur offre. » Pour faire face à l’ensemble de ces enjeux, le groupe est toujours en phase d’embauche.
« Notre pyramide des âges nous conduit en effet à faire beaucoup de recrutements : plus de 200 CDI en 2020, quasiment 300 en 2021. Il est dès lors important pour nous d’être attractif pour attirer de nouveaux talents », ajoute le directeur général d’Arterris. Pour ce faire, le groupe coopératif mise sur la formation. « Nous avons mis en place depuis trois ans au sein du groupe un parcours managers qui nous a conduits à former 70 managers sur trois promos. Nous démarrons cette année également une formation diplomante pour nos technico-commerciaux en agriculture ». Cette montée en compétences des collaborateurs du groupe vise à répondre « aux attentes de nos agriculteurs qui changent, mais aussi aux exigences et aux contraintes de la production agricole qui évoluent », conclut Christian Reclus. Le groupe qui a beaucoup investi dans sa marque employeur, fait partie depuis deux ans, du classement des meilleurs employeurs de France dans la catégorie agroalimentaire.