Au fil de l’eau industrielle
Innovation. Lauréate du concours régional les Inn’Ovations, la PME héraultaise Chemdoc développe des équipements qui permettent de filtrer, purifier, déminéraliser et recycler l’eau industrielle grâce à une technologie membranaire.
Face à une raréfaction de la ressource et une réglementation de plus en plus contraignante, les industriels notamment des secteurs de l’énergie, de l’agroalimentaire ou de la pharmacie sont en quête de nouvelles technologies pour purifier et recycler les eaux de process. C’est sur ce terrain de jeu qu’évolue notamment depuis 2014, l’entreprise héraultaise Chemdoc qui auparavant, était davantage spécialisée dans les détergents industriels.
DÉVELOPPEMENT SOUTENU PAR UN CONSORTIUM ET LE PROGRAMME EUROPÉEN LIFE
Basée à Clermont-l’Hérault, la pépite a mis au point un procédé qui permet d’accélérer le recyclage des eaux industrielles et des eaux potables par technologies membranaires. De fait, le développement de son produit, baptisé R-OASYS, un équipement automatisé de production d’eau de process de haute qualité sans risque microbiologique, lui a valu de remporter le « prix ou service du futur » du concours régional les Inn’Ovations en février. Une belle récompense pour une technologie disruptive qui a notamment été appuyée par un consortium, qui regroupe l’Insa de Toulouse, l’Office national de l’eau et l’entreprise Monin, spécialisée dans la production et de commercialisation de sirops.
« L’entreprise Monin était à la recherche de solutions en vue d’avoir une première usine en France sans rejet liquide. Nous sommes entrés en contact et avons bâti un projet collaboratif, ce qui nous a amenés à répondre à un appel à projet européen, le programme Life. Ce dernier finance l’innovation en relation avec les questions climatiques. Nous avons été retenus en septembre 2021 et nous sommes désormais le chef de file du consortium pour développer des solutions de recyclage de l’eau dans l’industrie agroalimentaire, comprenez l’eau utilisée pour le nettoyage des installations », détaille Salvador Pérez, le dirigeant de Chemdoc. Doté d’un budget de près de 4 M€, le programme européen qui se déroule sur 42 mois, en deux temps, vise en premier lieu, à installer des démonstrateurs dans l’usine du groupe Monin, avant de déployer la stratégie sur le territoire national.
« Lorsque j’ai repris la direction en 2014, j’ai réorienté le développement de l’entreprise. Je souhaitais concevoir des équipements pour produire de l’eau de process industriel. Ce sont des eaux qui répondent à des cadres techniques spécifiques avec, par exemple, un critère de pureté très encadré selon les secteurs visés. Nous avons alors planché sur des solutions innovantes en développant des procédés sur la base de membranes. Tandis qu’auparavant, ce milieu utilisait une technique basée sur des réactions chimiques, aujourd’hui, il s’appuie sur des technologies membranaires matures et un système de gestion de la variabilité des effluents. Notre technologie permet le recyclage de l’eau et la séparation en trois flux, à savoir l’eau purifiée, le flux de sucre et le flux de sel qui sont tous les deux recyclés. En effet, nous recyclons les sels pour les adoucisseurs d’eau et le sucre pour la méthanisation en biogaz des nutriments à forte valeur énergétique. Nous avons démarré en 2020 pour le sucre mais le premier pilote en R&D date de 2014. C’est un procédé de purification vertueux, moins énergivore et qui n’a pas recours aux produits chimiques, et tout est valorisé », souligne le gérant.
REJETS INDUSTRIELS
Autre axe qui différencie la pépite de ses concurrents : la production d’eau à partir de rejets industriels. Une initiative, qui a mis du temps à trouver sa place sur le marché français, lequel est désormais plus enclin à l’utiliser. « Avant 2019, ce sujet à l’échelle nationale n’était pas encore arrivé à maturité sur le plan réglementaire tandis qu’à l’étranger, les barrières ont sauté bien plus tôt. Les avancées réglementaires vis-à-vis des industriels nous portent aujourd’hui sur une voie de croissance, liée à l’accélération des effets du changement climatique et, de fait, à une problématique de stress hydrique qui s’accroît, analyse-t-il. Les gouvernements mettent en place des actions pour améliorer également l’impact sur l’environnement et incitent davantage les industriels à réduire le prélèvement d’eau dans le milieu naturel et à trouver des solutions. L’utilisation des eaux recyclées en est une. Les industriels doivent désormais recycler l’eau. »
NOUVELLE PRESTATION
Forte d’une vingtaine de collaborateurs, Chemdoc entend conforter sa place en France et relancer son déploiement au Maghreb et en Afrique subsaharienne. La PME espère doubler son CA d’ici trois ans et le porter à 5 M€ (et le doubler encore après la fin du programme Life). Afin d’accompagner sa croissance, l’entreprise envisage de recruter une quinzaine de collaborateurs. Et Chemdoc ne compte pas s’arrêter en si bon chemin puisqu’elle ambitionne de développer une activité de service. « Nous proposons des équipements à nos clients mais les investissements conséquents sont parfois un frein. Dès cette année, nous proposerons une prestation inédite de recyclage au mètre cube, à travers un service Water as a Service, l’équivalent du Saas pour l’eau, explique le gérant. De fait, nous mettrons les équipements à disposition des clients qui achèteront des mètres cubes d’eau recyclée. » Pour ce faire, la construction d’une flotte d’équipements mobiles conteneurisés est en cours de réflexion. Une diversification d’activité qui nécessite d’actionner de nouveaux leviers financiers. Une levée de fonds est prévue à l’horizon 2023. En attendant, la PME qui devrait devenir une SAS, se dote d’une nouvelle usine de production de 1000m2, toujours dans la même zone. « Nous espérons une livraison d’ici un an », conclut-il.