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Agroforesterie : l’entreprise Mana veut réconcilier agriculture et écologie

Entrepreneuriat. Lancée en mars 2023 par Stéphanie Loutfi Le Grand, Mana a pour objectif de créer des puits de carbone en agroforesterie en milieu agricole pour lutter contre le réchauffement climatique et assurer aux agriculteurs de meilleurs rendements. Comment ? En proposant aux entreprises du territoire de planter des arbres en leur nom.

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Après une carrière comme opticienne, puis comme responsable de la stratégie au sein de la start-up toulousaine Fittingbox, Stéphanie Loutfi Le Grand a créé en mars 2023 Mana, une société dédiée à l’environnement. (©Mana)

Réconcilier agriculture et écologie. Voilà l’ambition de Stéphanie Loutfi Le Grand. À 39 ans, cette toulousaine d’adoption née en Dordogne dans le Périgord noir a créé en mars 2023 Mana, une entreprise à mission, dédiée à l’environnement.

« Aujourd’hui, il existe beaucoup de projets pour reboiser les forêts françaises car celles-ci jouent un rôle crucial en agissant comme des puits de carbone. Autrement dit, elles absorbent le CO2 atmosphérique pour leur croissance et le stockent dans leur biomasse. Ce processus est un atout majeur pour lutter contre le réchauffement climatique », développe la cheffe d’entreprise qui a décidé d’appliquer ce procédé en agroforesterie en plantant des arbres directement dans les champs et terrains d’élevage des agriculteurs.

« Cette idée de marier les cultures et les arbres s’inscrit dans un mouvement plus large qui s’appelle la transition agroécologique », poursuit Stéphanie Loutfi Le Grand.

Cette transition vise à amener notre agriculture vers plus de résilience car aujourd’hui notre modèle agricole est malheureusement dépendant des produits phytosanitaires et autres engrais chimiques. Pourquoi ? Parce que l’agriculture intensive s’est construite principalement autour des monocultures, à savoir l’exploitation d’une culture unique sur de grandes surfaces et sur une longue durée. Une pratique peu amicale pour la planète. L’agroforesterie ambitionne vraiment de remettre de la vie dans les sols, de la biodiversité dans les champs et donc sur le long terme de protéger notre souveraineté alimentaire. Un sujet ô combien important dont on ne parle pas assez. »

Ce projet est un vrai retour aux sources pour la jeune femme qui a grandi à la campagne auprès d’un grand-père trufficulteur. Après une carrière comme opticienne à la tête de son propre magasin, elle se passionne pour l’entrepreneuriat et décroche un double diplôme Executive Master et MBA à TBS Education. À partir de 2018, elle découvre le monde de la tech et devient responsable du marketing et de la stratégie au sein de la start-up toulousaine Fittingbox, spécialisée dans l’essayage virtuel de lunettes.

« Mais comme pour beaucoup de monde le Covid est passé par là et a tout chamboulé », confie l’intéressée qui décide alors de lancer sa propre structure : « J’ai toujours eu une grande affection pour les agriculteurs donc mon but a été de créer quelque chose qui fasse une différence positive pour eux et pour la société. »

Son idée ? Proposer aux entreprises de planter des arbres en leur nom. « L’offre de Mana s’adresse à toutes les entreprises engagées dans des démarches RSE pour faire évoluer leur pratique en interne afin de baisser leur empreinte carbone mais aussi à travers des projets concrets sur leur territoire », détaille Stéphanie Loutfi Le Grand qui se charge de trouver des agriculteurs partenaires. « Ils n’ont pas de frais à débourser. En contrepartie, on leur demande seulement de s’engager avec nous sur le long terme (huit ans minimum) car l’objectif est bien sûr de faire de la prévention via le suivi des plantations. »

Du gagnant-gagnant

Loin d’être anecdotique, « l’agroforesterie est une pratique qui permet aux agriculteurs d’être plus économes en produits chimiques et donc de réduire les dépenses. Elle leur permet surtout d’obtenir de meilleurs rendements car la terre redevient fertile ». Autre intérêt : elle est aussi très utile pour restaurer les sols appauvris. En effet, la porosité augmente et l’eau s’écoule moins vite, permettant ainsi une meilleure infiltration et un meilleur stockage de l’eau. « Enfin, les agriculteurs peuvent aussi exploiter le bois des arbres plantés une fois l’âge adulte atteint et donc se dégager un revenu supplémentaire », affirme Stéphanie Loutfi Le Grand.

En à peine quelques mois, Mana a déjà séduit plus d’une douzaine de clients, dont Transitions Optical qui a récemment été racheté par le groupe Essilor, numéro un mondial des verres ophtalmiques. « Et nous avons finalisé deux projets dans le Tarn-et-Garonne, ce qui représente plus de 1 300 arbres plantés. »

Pour 2024, la jeune femme espère nouer de nouveaux partenariats avec des entreprises et des agriculteurs de la région. Autre objectif, obtenir la labellisation bas carbone décernée par le ministère de la Transition écologique pour répondre à des projets de plus grande envergure. «  Je souhaite aussi développer toute la partie conseil afin d’intervenir au sein même des entreprises pour sensibiliser les salariés car aujourd’hui malheureusement la transition agroécologique est un peu le parent pauvre de tous les sujets climatiques ou relatifs à la biodiversité », conclut Stéphanie Loutfi Le Grand.