Auberge de la forge : un couple, un bébé et une étoile !
Interview. Entre 2024 et 2025, 16 restaurants ont reçu leur première étoile Michelin en Occitanie. Une distinction prestigieuse qui bouleverse la trajectoire de ces établissements. Aboutissement ou cadeau empoisonné, nous sommes allés poser la question aux principaux intéressés. Épisode 3 de cette saga estivale avec Théo Fernandez, chef du restaurant Auberge de la forge à Lavalette.

Comment définiriez-vous la philosophie de votre restaurant ?
Théo Fernandez, chef du restaurant Auberge de la forge : « Avec ma femme Claire, nous accueillons nos clients comme nous le ferions avec nos proches à la maison. Notre salle dispose d’une vingtaine de couverts mais c’est un choix délibéré. Cela permet de faire des services plus intimistes. Le but n’est pas de faire de la quantité mais de la qualité. Le fait que nous travaillons seulement tous les deux, ma femme en salle et moi en cuisine, renforce cette proximité avec la clientèle. Depuis l’ouverture de l’Auberge et jusqu’à aujourd’hui, nous menons notre barque à quatre mains, en symbiose. Avant cela, nous sommes tous les deux montés à Paris après l’obtention de notre diplôme de l’école hôtelière de Toulouse. Nous avons fait nos armes dans les plus grandes maisons parisiennes, à savoir le Ritz, le Meurice ou encore le Shangri-La. Dix ans plus tard, nous avons eu besoin de ce retour aux sources et à la simplicité. En 2020, nous avons racheté une bâtisse en brique rouge et ouvert notre établissement, à Lavalette, un petit village typique de l’Aude. Nous nous fournissons auprès de producteurs locaux et proposons une cuisine alliant tradition et modernité. »
Que vous a apporté cette première distinction ?
Théo Fernandez : « Après l’obtention de notre première étoile en 2024, nous avons reçu beaucoup de nouveaux clients. L’étiquette Michelin attire des personnes qui ne seraient pas venues autrement. Une force d’attraction qui vaut aussi pour tous nos confrères. De plus, avec toutes les émissions de cuisine type Top Chef, les gens ont plus d’attrait pour la cuisine et s’improvisent même un peu critiques gastronomiques. Cela ne veut pas dire qu’ils sont plus exigeants mais plutôt qu’ils apprécient davantage le travail des produits et le service. Grâce à cette distinction, nous avons également augmenté nos prix, par exemple notre menu dégustation est aujourd’hui à 75 €. Mais cette hausse est cohérente puisque les plats sont plus travaillés au même titre que le service ou la décoration de notre établissement. Cela nous a permis d’engranger un chiffre d’affaires de 450 K€ et d’engager d’importants travaux afin de refaire toute la décoration de la salle. »
L’entrée au guide Michelin est un gage d’excellence. Est-ce que vous avez mis en place une stratégie pour obtenir cette distinction ?
Théo Fernandez : « Pas du tout. Tenir un restaurant à deux, sans employés et avec un enfant, on ne peut pas dire que ce soit la meilleure disposition pour atteindre ce genre de récompense, ce qui nous rend encore plus fiers ! Notre seul et unique but a toujours été de garder le même niveau d’exigence inculqué par les grandes maisons par lesquelles nous sommes passés, tout en continuant d’aimer ce que l’on fait. Je fais moi-même mon marché pour m’assurer de la qualité des produits, comme par exemple avec les pigeons du Mont Royal, un élevage réputé situé à Lombers dans le Tarn. »
Quelle est la prochaine étape ? Garder l’étoile, en décrocher une deuxième ou obtenir une autre distinction ?
Théo Fernandez : « Pour l’heure, l’objectif est de faire fructifier notre activité, tout en se donnant les moyens de réaliser toutes les idées qui nous passent par la tête. Somme toute, rester inventifs et passionnés. Après la salle, nous aimerions en effet refaire la cuisine pour la rendre encore plus fonctionnelle et changer une partie du matériel. Mais ce n’est pas pour tout de suite parce que cela représente un gros investissement et nous devons déjà amortir le coût des travaux déjà réalisés. Décrocher une nouvelle étoile, pourquoi pas, mais ce n’est clairement pas encore à l’ordre du jour pour l’instant. »
Quels conseils donneriez-vous à une cheffe ou un chef qui souhaite obtenir une étoile ?
Théo Fernandez : « Il faut s’accrocher, ne jamais rien lâcher. C’est un des plus beaux métiers du monde. Certes il est difficile mais il faut toujours le faire avec passion. Il faut surtout rester exigeant avec soi-même et ne pas ouvrir un restaurant seulement pour faire de l’argent. »