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Avec ses moustiques tigres stériles, la start-up Terratis veut sauver nos cultures et nos étés

Innovation. Après un tour de table de 1,5 M€ bouclé en décembre 2024, la start-up montpelliéraine Terratis, qui élève et commercialise des moustiques tigres stériles pour endiguer leur prolifération, va construire une nouvelle usine dans l’Hérault pour en produire à grande échelle. Terratis, qui ambitionne de dupliquer sa solution pour d’autres espèces de nuisibles, vise les 280 K€ de chiffre d’affaires en 2026.

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Clélia Oliva, co-fondatrice de Terratis ambitionne de produire des insectes stériles à grande échelle grâce à un nouveau site de production opérationnel en 2028. (© Terratis)

Depuis la nuit des temps, les hommes mènent une guerre contre les petites bêtes qui nuisent à leur quotidien. Les invasions de pucerons, moustiques, punaises et autres vers peuvent notamment compromettre le niveau des rendements agricoles (taux de fécondation, fertilité des sols, etc.) et sont vecteurs de maladies. Pour empêcher leur prolifération, une solution est apparue au début du XXe siècle : les pesticides.

La plupart de ces produits phytosanitaires sont fabriqués à partir d’organochlorés, un dérivé du chlore qui agit sur le système nerveux de l’insecte. Problème, ils sont aussi nocifs pour l’environnement (qualité des nappes phréatiques, atteinte à la biodiversité, etc.), et dangereux pour la santé des consommateurs, comme l’attestent de nombreuses études scientifiques sur le sujet ces dernières années.

Pour aider les agriculteurs à faire leur métier de manière plus vertueuse tout en maintenant leur productivité la start-up montpelliéraine Terratis développe depuis 2024 une alternative prometteuse. Elle utilise en effet une méthode qui repose sur la stérilisation d’insectes favorisant l’endiguement de la prolifération de moustiques tigres, destructeurs de plantations et aussi porteurs de maladies comme le chikungunya ou la dengue, qui a été à l’origine de 7 300 décès dans le monde encore en 2023.

Une technique respectueuse de l’environnement

Dans le détail, la jeune pousse utilise la TIS, littéralement « technique de l’insecte stérile ». Les mâles stérilisés vont s’accoupler avec les femelles qui ne peuvent se reproduire qu’une seule fois dans leur vie, ce qui empêche la prolifération de l’espèce. La TIS est le résultat de 14 années de recherches effectuées en partie par des scientifiques basés à La Réunion, territoire qui a accueilli les premiers essais de cette méthode en 2021. C’est aussi là que Clélia Oliva, co-fondatrice de Terratis avec Dorian Barrère, a effectué son doctorat et découvert cette méthode innovante et respectueuse de l’environnement.

Depuis janvier 2024, les sept collaborateurs de l’entreprise testent leur innovation au sein d’un site pilote à Montpellier dans lequel elle a investi 350 K€. Un développement très rapide rendu possible par les aides perçues par la start-up. À commencer par une subvention Start’Oc Projet de 10 K€ délivrée par la Région Occitanie ainsi que deux bourses Bpifrance destinées aux deeptech, pour un montant total de 210 K€.

La ville de Brive la Gaillarde en Nouvelle-Aquitaine est l’un des premier client de Terratis. Les moustiques stérilisés par la start-up ont permis de réduire de 60 % le taux de natalité de leurs semblables en quelques semaines. (© Terratis)

« Cette installation est totalement confinée et nous permet de produire des moustiques mâles stériles de manière régulière et maîtrisée », explique la présidente. « Le site est organisé en quatre salles principales, qui suivent les étapes du cycle de vie du moustique. D’abord, la salle de culture des larves, ensuite la chambre dédiée au tri des nymphes, dans laquelle nous séparons les femelles des mâles. La troisième étape se passe dans la salle d’élevage adulte, où nous stérilisons les moustiques masculins en les exposant à des rayonnements ionisants de type rayons X, semblables à ceux utilisés pour stériliser des produits sensibles comme le sang destiné aux transfusions. La dernière étape se passe dans la chambre de tri où nous constituons des lots de moustiques tigres stériles. »

L’entreprise commercialise depuis le début de l’année en B2b ces lots, comprenant chacun un nombre de moustiques différent en fonction de la zone à traiter, auprès d’agriculteurs, d’acteurs du tourisme et de collectivités, dont la ville de Brive-la-Gaillarde, en Nouvelle-Aquitaine. Les moustiques mâles stérilisés, qui pour rappel ne piquent pas, sont lâchés chaque semaine dans les territoires à protéger. Ils s’accouplent avec les femelles sauvages, sans produire de descendance. Les premiers résultats ont montré une baisse du taux de natalité des moustiques tigres de près de 60 % en quelques semaines.

Sept nouveaux recrutements en 2025

Les insectes sont pour l’instant produits à échelle semi-massive mais Terratis ambitionne de passer à l’échelle industrielle. Pour cela, la deeptech occitane a bouclé une levée de fonds d’1,5 M€ en décembre 2024. « Ce tour de table doit aussi nous permettre d’optimiser nos processus d’élevage, tout en gardant la qualité de nos moustiques. Nous allons également automatiser l’étape de l’élevage des larves, un processus très fastidieux », précise la fondatrice de la jeune pousse incubée au BIC de Montpellier.

Cette levée de fonds, opérée auprès des fonds d’investissements Odyssée Adventure et Galapagos Innovation, et de la société d’accélération du transfert de technologies montpelliéraine SATT AxLR, doit également permettre à Terratis d’investir dans de nouvelles infrastructures. « Nous avons pour projet de construire une usine pour accompagner la croissance de la production. Les travaux devraient commencer en 2026 et le nouveau site sera opérationnel en 2028. Il devrait, à terme, générer environ 70 emplois directs », précise la scientifique.

L’équipe de Terratis, qui devrait accueillir sept nouveaux collaborateurs avant l’année prochaine, ambitionne également de décliner sa solution.

« Nous souhaitons, à moyen terme, endiguer la prolifération d’autres espèces de nuisibles comme la mouche méditerranéenne des fruits et la carpocapse de la pomme. Par ailleurs, nous envisageons, à l’horizon 2030, le déploiement de nouveaux sites de production sur d’autres territoires, afin de répondre à des problématiques régionales spécifiques en matière de santé publique et de protection des cultures », conclut Clélia Oliva, qui table sur un chiffre d’affaires de 100 K€ cette année et de 280 K€ en 2026.